Pierre de Longeuil (1449 - 1473)

 Pierre de Longueil naquit à Paris, sur la paroisse de  Saint-Benoît, de Jean de Longueil, président au parlement, et d’une famille d’origine auxerroise, et de Jeanne de Bouju, dame du Rancher. Il passa maître ès-arts en 1413, fut chanoine de Notre-Dame de Paris et de Coutances, et devint trésorier de Beauvais en 1435. Il s’attacha de préférence à l’église d’Auxerre; on croit que des alliances entre les Chanteprime et les Corbie y avaient donné occasion, et c’est ce qui fit que Jean de Corbie évêque d’Auxerre, le nomma son vicaire général en 1427. Pendant qu’il remplissait cette fonction, dans laquelle le continua Laurent Pinon en 1434, Pierre de Longueil fut plusieurs fois député par les habitants d’Auxerre vers Philippe le Bon, Duc de Bourgogne. il devint ensuite chanoine, puis doyen. En 1443, il avait le titre de conseiller et maître des requêtes de l’hôtel du duc, et en 1448, il était conseiller au parlement de Paris.

Tous ces titres ne furent qu’un acheminement à l’épiscopat auquel il parvînt le 27 juin 1449 suivant les registres du Va­tican. Comme sa présence était indispensable à Auxerre. il se retira dans le prieure de Notre-Dame-la-d’Hors de l’Ordre de Prémontré, et y resta seize jours avant son entrée solennelle qui eut lieu le 15 mars 1450, en présence de Louis de Melun, archevêque de Sens, des abbés de Pontigny, de Saint-Marien et de Saint-Pierre et de quelques autres seigneurs. Les religieux de Saint-Germain lui donnèrent alors pour son droit de procuration deux coupes en argent du poids d’un marc, et le 31 du mois de mars, Pierre paya un marc d’argent à l’archidiacre de Sens qui avait présidé à son intronisation.

A peine Installé, il prit d’une main ferme l’administration du diocèse qu’il connaissait bien. Il se fit d’abord prêter serment d’obéissance par le nouveau doyen (23 avril 1450), exigea les devoirs féodaux des seigneurs qui relevaient de son siège, visita les cures et les bénéfices, voulut que les synodes se réunissent régulièrement, et traça des règlements sévères. Il créa, en 1469, trois procureur fabriciens pour la paroisse de Gouaix dont le bien temporel dépérissait. L’année suivante, il permit à la paroisse de Saint-Eusèbe d’Auxerre, d’imposer une taille sur tous les habitants, même ecclésiastiques, pour réparer les bâtiments de l’église et lui fournir des ornements ; il étendit cette permission à dix autres églises.

De graves difficultés surgirent entre lui et son chapitre, au sujet d’une levée de décimes que le duc de Bourgogne avait obtenue du pape pour faire la guerre aux Turcs. Le chapitre avait payé, en 1457, par les soins du doyen, trente-cinq écus d’or aux commissaires, avec la précaution de retenir un écrit qu garantissait que la même somme ne serait point exigée. A peine était-elle touchée, que les commissaires du légat d’Avignon arrivèrent et demandèrent aux chanoines, de la part du roi, une certaine somme pour la même fin. On la leur refusa. Les com­missaires agirent aussitôt contre le chapitre. Le 30 juin, un interdit fut jeté sur l’église et une sentence d’excommunication fulminée contre le doyen, le pénitencier, le sous-chantre et dix-huit autres chanoines. Le chapitre fit  venir les absents afin de leur communiquer la sentence en présence du conseil ordinaire et de tous les conseillers du Roi. On conclut, à la pluralité des voix que l’interdit serait observé, et l’on chargea les tortriers de célébrer l’office canonial à Notre-Dame-de-la-Cité. Les chanoines excommuniés firent serment de ne demander leur absolution que tous ensemble. Antoine Thiart, chanoine d’Auxerre et de Châlon, qui avait reçu les trente-cinq écus pour la décime du duc, fut sommé de les rendre ou de s’en porter garant; mais, ne pouvant exécuter ses promesses il rendit l’ar­gent le 2 août. L’anniversaire de la dédicace de l’église, qui tombait au mois de juillet, fut remis à cause de l’interdit. Le 12 août, le chapitre défendit unanimement à tous les chanoines ou tortriers à aller manger chez l’évêque, excepté les jours où cela était nécessaire pour la conservation des droits de la cathédrale et ceux de Notre-Dame-de-la-Cité, sous peine de parjure ou de la perte des distributions de tout un mois jusqu’à la fin de l’affaire. Il fut en outre décidé qu’on ne préparerait plus de siége pour l’évêque, qu’on ne donnerait aucune distribution aux chanoines ou tortriers (le pénitencier excepté) qui le serviraient à l’autel lorsqu’il officierait, et que si des étrangers se présentaient dans ce but, on leur refuserai les ornements de l’église. Courroucés contre l’évêque, les chanoines étaient convaincus qu’il était la cause de tout ce qui arrivait. Le 31 août, ils enjoignirent au chanoine grand chambrier qui était alors Guillaume de Cray, de reprendre la crosse et les ornements pontificaux qu’ils avaient prêtés à l’évêque, et de lui demander ce qu’il devait au chapitre. On ne sait quand fut levé l’interdit, mais il l’était au mois d’octobre, puisque, le vendredi 14 de ce mois, on résolut de célébrer le dimanche suivant, l’anniversaire de la dédicace que t’interdit avait fait remettre. La paix ne fut pas pour cela rétablie dans l’église d’Auxerre; le duc de Bourgogne et le comte d’Etampes furent obligés de s’en mêler.

L’abbé de Saint-Germain eut aussi des différents avec l’évêques au sujet des mêmes décimes; mais ils furent promptement réglés et n’eurent point de suites fâcheuses. Le chapitre de la cathédrale fut moins heureux, Après l’affaire des décimes. vinrent celles du serment du doyen et de la juridiction du chapitre lui-même. Le doyen, ne voulant point prêter serment de fidélité a l’évêque, fut interdit pour l’office des grandes fêtes. Avec le consentement du chapitre, le 14 décembre 1458 il obtint un arrêt de défense en vertu duquel il put officier ces jours-là. Pierre de Longueil profita d’une absence du doyen, vint dans le chapitre exposer la perte d’une partie de ses revenus par suite des guerres, demanda qu’on l’alIégeât pendant sa vie de la redevance annuelle de cent quatorze livres qu’il était tenu de payer à l’église et promit en retour de ne plus exiger aucun droit de procuration pour la visite des cures possédées par les chanoines. On fixa la redevance épiscopale au paiement de 95 livres. L’évêque fit quelques autres concessions. Le doyen, qui avait tant différé, prêta serment de fidélité par une sentence d’acquiescement qu’un arrêt du parlement confirma.

Toutefois, quatre ans étaient à peine écoulés, que l’évêque d4auxerre s ‘éleva de nouveau contre la juridiction du chapitre. Un chanoine, nommé Gui le Culotier, propriétaire d’une maison claustrale, y avait fait détenir comme prisonnier, en novembre 1462. un prêtre notaire de la cour spirituelle de l’évêché, qui recevait le testament d’un clerc marié et logé dans cette maison. Cet emprisonnement porta l’évêque à attaquer, quant au fond, la juridiction du chapitre; mais celui-ci fit valoir les exemples assez récent de sa juridiction ainsi que les sentences obtenues en sa faveur, du temps de Michel de Creney et de Philippe des Essarts; il prouva si clairement que les notaires de la cour épiscopale ne pouvaient instrumenter dans les maisons canoniales pour quelque cause que ce fût, que Pierre de Longueil voulut s’épargner les frais d’une procédure qu’il ne pouvait gagner, et, résolu de ne plus porter atteinte aux droits du chapitre, il se souvint du bien qu’il avait promis de lui faire.

Il commença par un dont considérable de reliques qu’il avait apportées de Saints-en-Puisaye : c’était plusieurs ossements des compagnons de saint Prix, qu’il offrit au chapitre le 5 juin 1466; on les reçut avec respect et on les enferma dans le trésor de la cathédrale. Le 6 mai de l’année suivante, il donna aux chanoines un grand reliquaire en argent, consistant en une image de saint Pierre qui soutenait une petite boîte enrichie d’or et de perles précieuses; la boite renfermait, disait-il, un morceau d’os du bras du prince des Apôtres. Le 22 décembre de la même année, il revint au chapitre et lui fit don d’une chapelle d’ossements blancs de grand prix, savoir : quatre chapes, une chasuble, une dalmatique, une tunique et des parements d’autel avec plagules pour trois aubes, suivant l’ancien usage, et une pièce d’étoffe pour orner la chaire épiscopale.

Pierre de Longueil eut aussi des différends avec la communauté des habitants d’Auxerre et finit par avoir gain de cause. Mais celui qu’il eut avec les Dominicains fit beaucoup d’éclat. Ceux-ci avaient entrepris de faire le procès a un prédicateur approuvé par l’évêque, et coupable, suivant eux, d’avoir laissé échapper, dans un sermon, quelques propositions hérétiques. Ils l’en avaient publiquement repris en plein chapitre et en présence d’un nombreux auditoire, se qui causa un grand scandale et déplut beaucoup aux chanoines. L’évêque d’ami qu’il avait été jusqu’alors des Dominicains, voulut user de son autorité contre eux : il défendit à tous ses curés d’ admettre dans leur église aucun de ces religieux pour la prédication ou pour la confession, et de ne leur permettre aucune quête jusqu’à ce qu’ils lui eussent fait une réparation convenable. Ces défenses étaient portées sous peine d’excommunication et de dix livres d’amende. Il fit encore publier aux prônes des messes paroissiales que les membres de la confrérie des Trépassés eussent a s’en retirer, également sous peine d’excommunication. Les Dominicains voulurent résister; mais l’évêque alla jusqu’à faire emprisonner le prieur de leur couvent d’Auxerre. Cependant, grâce à l’intervention du prieur de la maison de Paris, vicaire-général de l’inquisiteur pour tout le royaume, l’affaire eut une issue favorable : ce prieur alla trouver Pierre de Longueil, le 25 septembre 1463, et lui demanda sa protection et  son amitié pour les religieux du couvent d’Auxerre. Le prélat lui répondit qu’il y était tout disposé, pourvu qu’on lui donnât satisfaction. «  Les propositions qui ont déplu aux Jacobins, ajouta-t-il, sont orthodoxes; je suis disposé à en prendre la défense, les soumettant toutefois au jugement de l’Église» Après de longues discussions, il fut convenu qu’un religieux de la maison d’Auxerre, rétabli dans ses pouvoirs et prêchant à la première occasion dans la cathédrale, y lirait un billet contenant le récit des faits. le scandale qu’ils avaient causé à l’évêque, à ses vicaires et au chapitre, la déclaration du repentir des Dominicains et celle que Pierre de Longueil s’en rapportait, pour les propositions prêchées et reprises, à la détermination de la sainte Église. Le chapitre agréa ce mode de réparation qui se fit avant le 10 octobre, et tout rentra dans le calme par rapport aux religieux de Saint-Dominique

Une autre question fort grave occupa bientôt le zélé prélat. Au XIlle siècle; une dispute s’était élevée pour savoir à quel diocèse appartenait l’hôpital de Bethléem, à Clamecy. Le cardinal Rolin; évêque d’Autun, la réveilla vers l’an 1464. Instruit de la décision qui avait été rendue à cet égard en 1211 Pierre de Longeuil soutint que cet hôpital était de son diocèse et non de celui d’Autun, et cela était si constant, ajouta-t-il, que l’évêque titulaire lui-même de cet établissement avait payé la taxe ou décime apostolique au receveur du diocèse d’Auxerre. Des arbitres furent nommés, on découvrit des falsifications de titre, et le coupable fut poursuivi. « L’évêque d’Auxerre, dit l’abbé Lebeuf, avait principalement en vue d’empêcher l’évêque de Bethléem de donner les ordres dans la chapelle de l’hôpital ou dans l’intérieur de son hospice, si ce n’est aux religieux qui demeureraient ordinairement avec lui, et de faire cesser le mauvais usage d’annoncer les ordinations générales que cet évêque indiquait par affiches sur les portes de son hôpital. Le clergé de France y a enfin remédié »

On voit, par tout ce qui précède, combien ferme était Pierre de Lougueil. Il eut encore l'occasion de montrer son zèle dans le concile provincial tenu à Sens le mardi 3 mars 1460. pour l’adoption des canons de celui de BâIe. Le chapitre d’Auxerre s’y fit représenter par Thomas la Plotte,  doyen, Jacques Hodouart, Louis de Melun, et Pierre des Portes; le premier était chargé d’y soutenir les droits du chapitre d’Auxerre en cas de litige; les deux suivants, outre leur prébende de l’Église d’Auxerre, en avaient chacun une dans celle de Sens où ils résidaient, et le dernier, étant secrétaire de l’évêque, devait l’accompagner naturellement à ce concile.

L’évêque avait pris en affection le château de Varzy et voulut y faire sa résidence ordinaire sur la fin de sa vie. Son testament qu’il fit en latin, au mois d’août 1473, à l’âge de 75 ans, est sans désignation de lieu ; mais ce fut à Varzy qu’il le ratifia et le déposa le 14 février, entre les mains de Jean Garnier, bachelier en décret, notaire apostolique. Il mourut le 16 février 1474, à dix heures du matin, et fut d’abord enterré à Sainte-Eugénie de Varzy, puis transféré à Auxerre et placé au côté droit du sanctuaire cathédrale.

Pierre de Longueil portait pour armoiries : d ‘azur, à trois roses d’argent, au chef d’or, chargé de trois roses de gueules.

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