SAINT
GERMAIN (418 - 448) |
Saint
Germain fut sans contredit le plus célèbre prélat de son siècle :
ardent défenseur de la foi, fléau de l’hérésie, père des peuples,
refuge de tous les malheureux, parfait modèle de sainteté, il fut
l’honneur et la consolation de l’Eglise de France à l’époque où
il vécut. Fils
de Rustique et de Germanille qui soutenaient par leur opulence, l’éclat
de leur noblesse, il naquit vers l’an 380, dans la ville d’Auxerre,
et, dès sa plus tendre jeunesse, il fut formé aux arts libéraux. On vit
par l’éducation qu’il reçut, jointe à la bonté de son esprit, que
l’art et la nature s’accordèrent admirablement pour en faire un homme
supérieur. Après avoir appris dans les Gaules tout ce qu’il était
possible d’y apprendre alors, il se rendit à Rome pour se perfectionner
dans la jurisprudence: Il exerça ensuite, dans les tribunaux de la préfecture
de cette ville, la profession d’avocat. Pendant qu’il s’en
acquittait avec le plus grand éclat, il épousa Eustachie, femme distinguée
par sa famille, ses richesses et ses vertus. L’empereur Honorius, l’éleva
aux plus grands honneurs, en lui conférant le titre de duc et de
gouverneur de plusieurs provinces, savoir, la première et la seconde
Aquitanique, la seconde et la troisième Lyonnaise, et la Sénonaise. Ces
cinq provinces formaient le duché de la Marche Armorique, qui fut donné
à Germain. Celui-ci résidait souvent à Auxerre; mais les historiens
racontent que lorsqu’il se trouvait dans cette ville, il était plus
appliqué aux divertissements de la chasse, qu’aux exercices de la
religion chrétienne. il y avait, au milieu de la cité, un poirier qui
fournissait un très-bel ombrage et aux branches duquel il aimait, par
vaine gloire, à suspendre les têtes de toutes les bêtes fauves qu’il
avait tuées. Saint Amatre se plaignit de cette pratique qui venait des
idolâtres, et pouvait scandaliser les chrétiens, mais comme ses
reproches n’aboutissaient à aucun résultat, il profita de l’absence
de Germain, coupa l’arbre , et se réfugia à Autun, près de Jules
Agricole, préfet des Gaules, afin de se soustraire à la colère du
gouverneur. Là., il demanda au préfet la permission de mettre Germain au
nombre des clercs, parce que Dieu lui avait révélé qu’il serait son
successeur. Cette permission lui ayant été accordée, il revint à
Auxerre, assembla chez lui les principaux des fidèles et se rendit avec
eux à l’église; Germain les y suivit, mais avant de laisser entrer qui
que ce fût, il dit à la foule qui avait coutume de porter ses armes dans
les assemblées « Quittez, mes très-chers enfants, quittez toutes ces flèches,
qu’on ne voie plus ces armes sur vos épaules; après cela, vous
entrerez dans la maison de Dieu, parce que c’est ici une maison
d’oraison, et non pas la demeure d’un Mars toujours pétulant. »
Tous alors se désarmèrent et entrèrent. Le saint évêque, voyant que
Germain n’avait plus rien qui put le rendre formidable, commanda aux
portiers de fermer les portes, alla droit au gouverneur, se saisit de lui,
invoqua le nom du Seigneur, lui coupa les cheveux, lui ôta ses habits du
siècle, lui donna ceux de la cléricature. et le promut aux ordres en lui
disant « Travaillez, mon vénérable frère, à conserver pur et sans
tache l’honneur que vous venez de recevoir, parce que Dieu veut qu’après
ma mort, vous succédiez à la charge de pasteur de cette Eglise. » L’ordination
que saint Germain reçut de saint Amatre a souffert quelque difficulté
parmi les savants, les uns prétendent que ce ne fut que le diaconat que
le saint évêque lui conféra, et qu’une autre fois il le fit prêtre;
les autres soutiennent que ce fut la prêtrise. Quoi qu’il en soit, il
est certain que Germain était prêtre, lorsqu’il célébra les funérailles
de saint Amatre, et qu’il ne restait plus qu’à le faire évêque.
Tout le clergé et la noblesse, le peuple de la ville et de la campagne le
demandèrent alors pour être le successeur du pieux défunt; on lui déclara
une sorte de guerre, et il lui fut impossible de résister, parce que ceux
sur lesquels il comptait comme devant le dispenser d’accepter cette
dignité et empêcher son élection, se déclarèrent contre lui et
l’engagèrent à se soumettre. On croit que cette élection se fit le
premier jour de juin; c’est du moins le jour où l’on en célébrait
la fête, de temps immémorial, dans l’abbaye qui portait son nom; mais,
par la supputation de la durée de son épiscopat, il parait qu’il ne
fut ordonné évêque que le dimanche 7juillet 418. Sa
promotion à l’épiscopat fut suivie d’un changement total de
conduite. Il quitta le service de l’empereur pour ne plus s’occuper
que de celui de Dieu, il foula aux pieds les pompes du siècle, sa femme
devint sa sœur, et il distribua ses biens aux pauvres. Il ne mangea plus
de pain de froment, se priva de vin toute sa vie, resta le plus souvent
sept jours sans manger, porta constamment le cilice, coucha sur la dure,
et pria nuit et jour. Grâce
à ses exemples et à ses conseils, le clergé d’Auxerre devint le modèle
de tous les autres. Germain voulut encore que ses fidèles fussent animés
à la vertu par la vue édifiante des moines. C’est pourquoi il fit bâtir
vis-à-vis d’Auxerre, au delà de l’Yonne, le monastère de Saint-Côme
qui porta plus tard le nom de Saint-Marien, et à la tête duquel il plaça
pour premier abbé un saint homme appelé Alogius. Il fit présent à
cette abbaye des terres de Monceaux, de Fontenoy et de Mézilles. Germain
ne faisait pas toujours sa demeure dans le logis qu’il avait à Auxerre,
et qui était, on le croit, situé entre l’église de Saint-Etienne et
les murs de la ville au-dessus de la Porte-Pendante. Il y demeurait le
temps nécessaire pour animer son clergé par ses exemples, puis il allait
habiter quelque temps au milieu de ses moines pour les exercer de plus en
plus à la perfection chrétienne. Il avait fait pratiquer pour lui dans
leur monastère, une petite cellule convenable à un pénitent et dont un
ancien historien nous a laissé une description effrayante. Le
saint évêque visitait avec soin son diocèse, et, dans cette
circonstance, il aimait à loger chez les personnes d’une fortune médiocre,
évitant tout ce qui ressentait le faste et l’éclat; et lorsque la nuit
le surprenait en route auprès de quelque vieille masure, il y entrait
avec plaisir et y restait jusqu’au lendemain matin. Saint
Germain fonda aussi le monastère de Coucy-les-Saints, en Puisaye, dans un
endroit où il avait découvert de nombreuses reliques; l’église de
Saint-Prix, en l’honneur de ce martyr dont il trouva le chef à deux
lieues d’Auxerre, à l’endroit où se forma depuis le village de
Saint-Bris; la chapelle de Saint-Alban, et enfin l’oratoire de
Saint-Maurice qui devint le berceau de la célèbre abbaye de
Saint-Germain, et auquel il donna les terres de Guerchy, de Corvol et de
Moulins. Son église cathédrale ne fut point oubliée elle reçut la
terre d’Appoigny, patrimoine et lieu de la sépulture de ses ancêtres,
Varzy et ses dépendances, Vercise ou Vergers qui était un château
remarquable près de Donzy, PoiIly ou Marnay, Toucy, Perrigny et Cussy. On
ignore comment il dota l’oratoire de Saint-Alban , mais on sait qu’il
l’enrichit des reliques du saint de ce nom, qu’il avait apportées de
la Grande-Bretagne où il avait été envoyé par les évêques des
Gaules. Voici dans quelles circonstances. Il
y avait environ dix ans que saint Germain gouvernait son diocèse,
lorsque des envoyés de la Grande-Bretagne dans les Gaules y annoncèrent
que l’hérésie de Pélage se propageait déjà beaucoup dans leur pays
et que la foi catholique y demandait un prompt secours. On tint à ce
sujet, en 429, un nombreux concile à Troyes, et, de l’avis unanime
des prélats, il fut convenu que saint Germain et saint Loup, évêque de
Troyes, iraient défendre la foi et combattre l’erreur dans la
Grande-Bretagne. Ce fut aux approches de l’hiver que les deux saints se
mirent en route. Comme ils traversaient le territoire de Paris, la fatigue
les obligea de s’arrêter à Nanterre. Les habitants du lieu vinrent en
foule demander leur bénédiction. Germain aperçut alors, au milieu de la
multitude, une jeune fille nommée Geneviève, et, connaissant par révélation
les hautes destinées de cette humble vierge, il la fit approcher de lui
et s’écria en s’adressant à ses parents : « Vous êtes
heureux, leur dit-il, d’avoir engendré une telle enfant, dont la
naissance a causé de la joie, même aux anges. Car sachez, ajouta-t-il,
qu’un jour ses mérites seront précieux aux yeux de Dieu, et que les
hommes mêmes pourront se la proposer à imiter pour arriver à la
perfection spirituelle. » Enfin, se tournant vers Geneviève, il lui
demanda si elle voulait embrasser la vie religieuse et devenir l’épouse
de Jésus-Christ. Geneviève répondit avec joie que c’était son plus
vif désir, et saint Germain la bénit en l’exhortant à persévérer
dans sa résolution. Il prit ensuite le chemin de l’église, suivi de
tous les fidèles et au chant des psaumes. Pendant tout le trajet, Germain
ne cessa d’avoir la main étendue sur la tête de la jeune vierge. Le
lendemain, à la pointe du jour, Geneviève se rendit auprès des deux évêques.
Celui d’Auxerre lui demanda si elle se souvenait du dessein qu’elle
avait formé la veille. Geneviève répondit d’une manière affirmative
et franche, en se recommandant aux prières de saint Germain qui,
regardant à terre, y aperçut une pièce de monnaie de cuivre marquée
d’une croix, la ramassa la donna à la jeune vierge, et lui commanda de
la porter toujours attachée à son cou en mémoire de lui. « Souvenez-vous,
lui dit-il, quand je serai parti, de percer cette pièce et de porter
toujours devant vous le gage de mon amitié. Ne souffrez jamais qu’où
vous mette au cou ni aux doigts ces vains ornements du monde garnis d’or
ou de pierres précieuses; laissez cela aux filles du siècle. Pour vous
qui êtes du nombre des épouses de Jésus-christ, n’ayez de désirs que
pour les ornements spirituels. » Et il lui dit adieu. — La pièce que
saint Germain trouva à terre, dit l’abbé Lebeuf, n’était autre
qu’une pièce de monnaie ayant cours alors. Bien que la croix ne fut pas
marquée sur toutes les monnaies, il y en avait cependant certaines sur
lesquelles on la voyait. Telles étaient celles de l’empereur Théodose,
dont le revers portait les mots Gloria Romanorum avec la figure
d’un soldat tenant un Labarum et ayant deux croix à ses côtés,
et les monnaies qui représentaient l’impératrice Eudoxie avec une
renommée accompagnée d’une croix. Saint
Germain et saint Loup s’embarquèrent peu après. La traversée fut
d’abord heureuse; mais bientôt le démon mit tout en oeuvre pour faire
périr les deux apôtres. Germain apaisa miraculeusement la tempête, et
le navire toucha au port où l’attendait une multitude de peuples
accourus de divers endroits de l’île. Dès
leur arrivée, les deux prélats se rendirent vénérables par leurs prédications
et leurs miracles. Les pélagiens furent obligés d’accepter une conférence,
dans laquelle la foi catholique resta victorieuse et fut cimentée par un
éclatant miracle de saint Germain qui, séance tenante, et aux
acclamations de la foule, rendit la vue à la fille d’un tribun,
Pleins de reconnaissance envers Dieu des merveilles que le ciel opérait
par leur ministère, Germain et Loup voulurent visiter Vérulam où
reposait le corps de saint Alban afin de prier sur son tombeau. L’évêque
d’Auxerre prit alors, du lieu même où le sang du martyr avait été répandu,
une masse de terre pour l’emporter avec lui. Ce jour-là, beaucoup de
personnes se convertirent au Seigneur. Saint
Germain, à son retour, venait de traverser les Gaules et de se rendre à
Arles pour solliciter un dégrèvement d’impôts en faveur de son
peuple, lorsqu’il entreprit un second voyage en Angleterre. Traversant
alors Paris de nouveau, il y rendit visite à Geneviève dont la vertu
portait ombrage à quelques-uns de ses compatriotes, et profita de
l’occasion pour faire connaître au peuple de la cité combien la vierge
de Nanterre était grande devant Dieu. A son retour à Auxerre, après son
voyage d’outremer, les habitants de l’Armorique, coupables de révolte,
le supplièrent d’aller intercéder pour eux auprès de l’empereur
Valentinien. L’infatigable apôtre de la charité y consentit et se mit
on route pour Ravenne. il y fut accueilli et vénéré par la Cour et par
le peuple comme le grand thaumaturge des Gaules. Rien n’égale le
respect dont l’empereur, sa mère Placidie et l’évêque saint Pierre
Chrysologue l’entourèrent avec un pieux empressement. Le peuple ne
cessait d’accourir au devant de lui dans les rues et sur les places; les
prisonniers étaient délivrés, et les malades guéris. Les miracles
suivaient pas à pas le grand évêque d’Auxerre. Malheureusement, les
Armoricains se révoltèrent de nouveau, et Germain ne put alors calmer la
colère de l’empereur. Le
saint prélat, rempli de l’esprit de Dieu, était au-dessus du chagrin
qu’aurait pu lui causer l’inutilité de sa démarche. L’heure de sa
mort était arrivée, et il en avait eu des pressentiments. Il en eut une
révélation plus sensible à la fête de saint Apollinaire, premier évêque
de Ravenne, laquelle se célébrait le 23 juillet. Ce jour, après avoir célébré
l’office du matin, il dit à quelques évêques qui lui tenaient
compagnie « Je vous recommande, mes très-chers frères, l’heure de mon
trépas. La nuit dernière, il m’a paru que Notre Seigneur me donnait le
viatique pour un voyage qu’il me proposait de faire. Et, comme je lui
demandais l’objet de ce voyage : « Ne craignez rien,
m’a-t-il dit, ce n’est pas sur la terre que je vous propose de
voyager, mais je veux vous conduire à la patrie céleste où vous jouirez
du repos éternel. » Les évêques cherchèrent à donner une autre
explication au songe qu’il avait eu, mais Germain persista à dire que
c’était un pronostic de sa mort. En
effet, Germain tomba malade quelques jours après. A cette nouvelle,
Ravenne fut dans la consternation; l’impératrice vint visiter le saint
qui lui demanda, comme unique grâce, de faire transporter ses restes
mortels à Auxerre. Enfin, Germain rendit son âme à Dieu le 31 juillet
448, après trente ans et vingt-cinq jours d’épiscopat. L’empereur
lui fit faire des funérailles magnifiques, et son corps fut ramené comme
en triomphe dans la ville d’Auxerre, où il arriva le 22 septembre
suivant. Il y demeura exposé à la vénération des fidèles durant six
jours dans l’église de Saint-Etienne, et fut inhumé le premier jour
d’octobre dans l’oratoire de Saint-Maurice; qui, rebâti par sainte
Clotilde, prit le nom de Saint-Germain, et devint, un siècle après
environ, l’une des plus célèbres abbayes du royaume. On
a fait à diverses époques l’ouverture du tombeau du saint évêque
d’Auxerre, afin de détacher quelques portions de ses reliques. En
septembre 1567, les huguenots, ayant pris la ville, en pillèrent les églises
et notamment celle de Saint-Germain qu’ils savaient être la plus riche
de toutes. Ils prirent la châsse et jetèrent les précieuses dépouilles
sur le pavé. Quelques fidèles en recueillirent la plus grande partie qui
fut ensuite déposée entre les mains d’Edme Martin, abbé de
Saint-Marien. Elles furent retrouvées en 1717 et vérifiées; toutefois
le promoteur du diocèse, en 1751, n’osa prononcer sur leur authenticité,
et la châsse ou boite contenant ces ossements existe encore de nos jours,
à l’église Saint-Eusèbe. Elle est scellée des sceaux du chapitre et
de l’évêque. Un
grand nombre d’églises en France ont été mises sous l’invocation de
cet illustre évêque d’Auxerre. Les deux plus célèbres sont
Saint-Germain-l’Auxerrois, à Paris, et Saint-Germain à Montpellier,
aujourd’hui la cathédrale Saint-Pierre de cette ville. La Vie de saint Germain a été écrite par un prêtre nommé Constance, auteur contemporain, à la prière de saint Patient, archevêque de Lyon; elle se trouve dans Surius. |
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