SAINT JUST D’AUXERRE |
Saint
Just naquit probablement à Auxerre ; il est certain du moins qu’il
habitait cette ville avec son père, nommé Justin, et sa mère, appelée
Félicie (Pape: Saint Caïus — Empereurs romains Dioclécien et
Maximien). Dès sa plus tendre jeunesse, il pratiqua des vertus qui ne mûrissent
d’ordinaire qu’à un âge bien plus avancé, et mérita par là un don
merveilleux de seconde vue qui devint l’occasion de son martyre et de sa
gloire. Ce pieux enfant, âgé de neuf ans, partageait la douleur de sa
famille au sujet de son oncle Justinien, qui avait été enlevé tout
jeune et vendu comme esclave, sans qu’on ait su depuis le sort qui lui
était échu. Saint Just apprit par une vision que ce parent regretté était
au service d’un marchand nommé Loup, qui habitait la ville d’Amiens,
et s’empressa de révéler cette bonne nouvelle à sa famille. Justin
chercha en vain dans Auxerre quelqu’un qui voulut bien se joindre à
lui, à prix d’argent, pour aller délivrer son frère bien-aimé.
C’est alors que saint Just s’offrit pour entreprendre ce voyage. Aux
objections de sa mère, qui redoutait la fatigue et les périls d’une si
longue excursion, l’enfant répondit qu’il s’en remettait complètement
à la volonté de Dieu, et sa détermination parut si bien inspirée
d’en haut, qu’on n’y mit plus d’obstacle. Quelques
jours après, le père et le fils, munis d’argent et de provisions, se
mirent en route et arrivèrent à Melun vers le soir. Là, un pauvre, tout
à la fois aveugle et boiteux, sollicita leur charité, en se plaignant de
la faim. Saint Just ne se contenta point de lui faire part de ses
provisions de voyage, mais se dépouilla de son habit pour le lui donner.
Comme son père l’en réprimandait : « N’est-il pas écrit »,
lui dit-il, «que bienheureux est celui qui compatit aux souffrances des
indigents, parce que le Soigneur à son tour prendra pitié de lui dans
les jours d’infortune? » Le
lendemain matin, les voyageurs poursuivirent leur route et rencontrèrent
près de Paris un excellent homme, nommé Hippolyte, qui, les ayant
interrogés sur leur pays et le but de leur voyage, leur offrit
l’hospitalité. Les deux Auxerrois l’acceptèrent et allèrent chez
lui réparer leurs forces, en prenant quelques aliments, du vin et de la
bière. Parvenus
aux bords de I’Oise, ils ne trouvèrent point d’abord de barque; mais,
grâce à Dieu, un batelier qui descendait la rivière se rendit enfin à
leur appel et les transporta à l’autre bord, sans vouloir accepter
aucune rémunération. Aussitôt qu’ils furent arrivés à Amiens,
Justin et Just s’informèrent de la demeure de Loup, ou bien de
l’endroit ou ils pourraient le trouver. L’ayant rencontré dans la
ville, ils lui exposèrent le but de leur voyage. « Venez chez moi »,
leur dit le marchand. « je vous montrerai tous mes esclaves, et si
vous reconnaissez votre parent, vous pourrez l’emmener avec vous, après
m’avoir remboursé sa valeur ». Ce
soir-là même, tandis que Justin examinait chez Loup ses douze esclaves,
sans pouvoir reconnaître son frère parmi eux, saint Just s’écria
« Voici celui que nous cherchons », en désignant un homme qui
tenait une lampe allumée. «Comment pourriez-vous me reconnaître »,
remarqua ce dernier, « puisque vous n’étiez pas né quand j’ai quitté
mon pays? » La désignation du jeune enfant n’en était pas moins
l’expression de la vérité. Un
jeune soldat du persécuteur Rictiovare avait été témoin de cette
reconnaissance, Il s’empressa d’aller prévenir son chef : « J’ai découvert »,
lui dit-il, « de ces gens adonnés à la magie qui se proclament chrétiens;
que faut-il en faire? » — « Amenez-les-moi bien vite », répondit
le tyran; « et, s’ils refusent de venir, qu’on les mette en prison
jusqu’à ce que je les fasse comparaître devant moi ». Les
satellites, qui devaient exécuter cet ordre, ne trouvèrent plus les chrétiens
dans la maison de Loup : car celui-ci, sans accepter leur argent, les
avait engagés à repartir aussitôt pour échapper aux persécutions du
terrible juge. Rictiovare ne pouvait point renoncer si facilement à sa
proie. « Que quatre hommes montent à cheval», s’écria t-il, « et
forcent ces chrétiens à revenir ici. S’ils refusent d’obéir,
qu’on les mette à mort ! » Les
trois fugitifs, en suivant la voie romaine qui conduisait d’Amiens à
Senlis, étaient arrivés à Sinamovicus, aujourd’hui
Saint-Just-en-Chaussée, près de la fontaine Sirique qui alimente la rivière
d’Aire ou Aré. Justinien dit à son frère : « Puisque voici
de l’eau, arrêtons-nous ici pour manger et prendre de nouvelles forces ».
Et saint Just de s’écrier : « Hâtez-vous, car voici que
Rictiovare a expédié quatre cavaliers pour nous ramener à Amiens et
nous mettre à mort; je veillerai pendant votre repas; s’ils arrivent,
je causerai avec eux, pendant que vous resterez cachés dans cette caverne
voisine ». A peine avait-il dit ces mots que saint Just aperçut les
satellites; ses deux parents s’empressèrent de suivre le conseil qui
leur avait été donné. Les
soldats de Rictiovare demandèrent à saint Just où étaient les parents
qui l’accompagnaient, et à quels dieux ils avaient l’habitude
d’offrir leurs sacrifices. Le courageux enfant refusa de trahir les
siens et se borna à répondre qu’il était chrétien. L’un des
cavaliers lui trancha aussitôt la tète, avec l’intention de la porter
à Rictiovare. Mais le corps du saint enfant se redressa soudain et replaça
sa tète sur ses épaules. « Dieu du ciel et de la terres », s’écria-t-il, « recevez
mon âme, car je suis innocent ! » Les satellites, épouvantés
d’un tel prodige, s’enfuirent aussitôt et allèrent raconter à
Rictiovare ce dont ils avaient été témoins. Justin
et Justinien, qui avaient entendu la prière du jeune martyr, sortirent de
leur retraite et se demandèrent ce qu’ils allaient faire de ce corps décapité.
On raconte que la tête leur dit: «Entrez dans la caverne, vous y
trouverez un antique tombeau couvert de lierre : c’est là que vous déposerez
mon corps. Quant à ma tête, portez-la à ma mère pour qu’elle l’embrasse.
Si elle désire me revoir, c’est dans le Paradis qu’elle devra
m’aller chercher ». Justin
et Justinien, après avoir enseveli le corps de saint Just, se hâtèrent
de retourner à Auxerre, où ils arrivèrent au bout de trois jours. Quand
Félicie eut appris la mort de son fils, elle bénit Dieu de l’avoir
ainsi glorifiée et suspendit dans sa maison la tète du martyr, enveloppée
d’un linge. Pendant la nuit, cette précieuse relique inonda de lumière,
non-seulement le logis, mais la ville tout entière. L’évêque
d’Auxerre (que toutes les légendes désignent à tort sous le nom de
saint Amateur) venait de se lever pour réciter les Laudes. « J’ai
vu », dit-il à son clergé, « une grande lueur qui, partant
de la maison de Justin, enveloppait toute la cité. Allez vite vous enquérir
des causes de ce phénomène ». Trois prêtres qui allèrent aux
informations revinrent bientôt raconter les détails du martyre qui s’était
accompli dans le Beauvaisis. Le peuple, après avoir rendu grâces à
Dieu, fit préparer une châsse, pour qu’on allât chercher
solennellement, avec la croix, les luminaires et les encensoirs, la tête
de saint Just, et qu’on la déposât dans l’église cathédrale, à
l’endroit même qu’il avait choisi pour sépulture. Une
jeune fille, âgée de seize ans, aveugle de naissance, invoqua la relique
dont venait de s’enrichir l’église d’Auxerre, et recouvra soudain
la vue, ce qui donna lieu aux actions de grâces des fidèles et du clergé. On
montre à Auxerre, dans la rue du Temple, l’emplacement de la maison
qu’habitait saint Just, où se trouve une statue, datée de 1780. représentant
le jeune martyr, avec une palme dans la main droite et un livre dans la
main gauche. Quand le Chapitre se rendait processionnellement à l’église
de Saint-Amâtre, il faisait une station devant cette maison et récitait
une oraison à saint Just. Saint
Just est représenté deux fois dans les verrières des hautes fenêtres
du chœur, à la cathédrale de Beauvais, d’abord sous les traits d’un
enfant tenant sa tête de la main gauche, et puis sous la physionomie
d’un âge fait, avec l’inscription : S IVST. On
voit dans l’église de Saint-Just une statue du saint Patron, tenant sa
tête dans les mains, et un tableau sans valeur représentant son martyre. RELIQUES. Nous avons vu que le chef de saint Just fut déposé dans l’église d’Auxerre, qui porta successivement les noms de Saint-Symphorien et de Saint-Amâtre. Ce qui en restait à Auxerre fut en partie brûlé par les Huguenots en 1567. On ne sauva qu’un fragment, dont nous voyons une translation faite par Pierre de Broc, en 1633. mais qui disparut en 1793, Aujourd’hui encore on conserve à la cathédrale un os de la rotule, provenant de I’abbaye de Notre-Dame des îles, à Auxerre et donné probablement à une époque inconnue par l’église de Beauvais. |
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