RUE DU TEMPLE |
Cette grande artère de la ville a été de tout temps tracée dans sa
direction actuelle. Dès le IVe siècle, le père de saint Just, jeune enfant
martyrisé dans le Beauvaisis, avait, selon la tradition, sa demeure dans cette
rue. On voyait encore, au milieu du XIXe siècle, au sommet de la maison de M.
Dejust, marchand de fer, au n° 25, une statue du saint enfant qui est placée dans une niche (On lit
sous les pieds de la salue cette invocation : Domine, munitur domus ista
imagine Justi ! — 1780). Quoique la statue et la maison soient
modernes,
la tradition s’est perpétuée, et le Chapitre d’Auxerre,
scrupuleux observateur des usages, ne manquait pas, chaque année, au 1er mai,
lorsqu’il revenait de la procession de l’église
Saint-Amatre, de faire une station devant la maison du père de saint Just, et chantait l’oraison : Sancte
Juste,
ora pro nobis. Les actes confirment la tradition. Un
censier du Chapitre, de 1489, parle de Philippon Chevallier, qui possède une
maison en la rue du Temple, « en laquelle on dit avoir esté né Monseigneur
sainct Just. » En 1569, cette maison porte même le nom de ce saint. Enfin, un
1596, Pierre Cornouaille, peintre, possédait une maison qui tenait à celle
de saint Just.( Archives de I’Yonne, chapitre d’Auxerre, liasse 3). Il est
difficile de dire comment s’appelait la rue qui nous occupe avant l’établissement
des Templiers au XIIe siècle; au XIVe, c’est la rue du Portail (porte) du
Temple, selon le livre de l’Hôtel-Dieu. La rue du Temple ne commençait, au XVe siècle, qu’à la rue Martineau; la partie de la rue de ce point à la place
Charles Surugue,
s’appelait la rue de la Roerie, des
royers, c’est-à-dire des charrons. Le Chapitre d’Auxerre était seigneur censier de ce côté de la rue,
depuis la place Charles Surugues jusque vers la
Commanderie. A la fin du XVe siècle, l’hôtel de la Croix-Rouge s’y voyait à
l’angle de la rue
Saint-Eusèbe. Il appartenait au prieur de cette église,
il en était encore de même en 1608 (Actes de Saint-Eusèbe, p. 421). Il y
avait naguères une auberge assez estimée. Maître Jean Johannis, médecin célèbre du XVe siècle, avait sa résidence
dans cette rue, et sa maison tenait de toutes parts aux rues communes (Comptes
de l’Hôtel Dieu, de 1467, et censier du Chapitre d’Auxerre, en 1465). Ce ne pouvait être que le pâté de maisons encadré par les rues Amyot et
SaintAntoine. La Commanderie du Temple fut l’établissement capital de la rue. Les
Templiers ne paraissent s’être bien établis à Auxerre qu’au commencement
du XIIIe siècle. Ils achetèrent, un 1239, tous les droits de cens qu’Hugues
d’Auxerre, chevalier, et autres avaient sur leurs maisons, situées entre
celle de Colin de Châtillon, chevalier, et la porte du Temple, appelée alors
des Calendes de mai (Archives de l’Empire,
n° 5, 5235, Cartulaire de la
Commanderie, f° 54). Il existait encore, au début du XIXe siècle, une chapelle à l’angle de
la ruelle du Saulce, qui était celle des Templiers. Construite un pierres de
taille sur sa façade, elle n’avait plus de son caractère primitif que la
forme aiguë du pignon au milieu duquel était percé un oeil-de-boeuf. En
démolissant
l’intérieur, on a trouvé incrustée dans la muraille une inscription qui
relatait la restauration de la chapelle au commencement du XVIe siècle. Cette
inscription est en beaux caractères gothiques; elle est conservée au Musée de
la ville. La voici : « L’an de grâce MVCXXX, noble seigneur messire Claude d’Ancienville,
chevalier de l’ordre de Saint-Jehan de Jérusalem, commandeur d’Auxerre,
abbé commandataire de Saint-Martin …. ordinaire du roy, a fait faire cette chapelle, et
icelle a esté dédiée le XXVI de mars MVC XXX. » « Priez
Dieu pour luy. » L’hôtel principal s’étendait entre la ruelle du Saulce et la rue des
Remparts. L’ordre des Templiers, si célèbre par sa gloire et les persécutions
qu’il éprouva, comptait aux environs de la ville plusieurs commanderies, dès
la fin du XIIe siècle. Le Saulce, près Escolives, qui a donné son nom à la
commanderie tout entière — et à une ruelle voisine de la rue du Temple —
Saint-Bris, Vallan, Monéteau étaient des fleurons de la riche couronne du
commandeur d’Auxerre. L’amour des populations entoura les Templiers dès
leur berceau, et leurs richesses ne tardèrent pas à les placer au premier
rang des maisons religieuses. On vit dans nos pays des gens se donner à eux.
Les grands seigneurs, qui avaient reçu des Templiers de Terre - Sainte les
secours les plus efficaces dans leurs pèlerinages, les dotaient généreusement
à leur retour. Mais la proscription fatale de Philippe-le-Bel fit tomber, en 1307,
l’ordre orgueilleux des Templiers; la dispersion de ses membres et la
transmission de ses biens aux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem les
firent disparaître pour toujours des yeux du monde, sinon à ceux des initiés
qui se sont transmis jusqu’à nos jours le testament de mort de Jacques de
Molai. Les Templiers portaient une longue robe blanche, et par dessus, le manteau
à capuchon noué au cou; la croix rouge sur l’épaule gauche. En guerre, la
robe était plus courte; et ils avaient la cote de maille et l’épée un
sautoir. Les bâtiments de la commanderie du Temple sont donc passé aux chevaliers
de Saint-Jean, qui en ont joui jusqu’en 1789.
Mais ils n’ont jamais fait d’Auxerre leur séjour principal; c’est au
Saulce « chef principal de la commanderie » qu’ils aimaient à résider, au
bord de l’Yonne, dans une jolie habitation qui avait conservé quelque chose
de sa splendeur passée, mais qui à été démolie au milieu du XIXe siècle et reconstruite de
fond en comble. Une
visite de la commanderie
d’Auxerre, en 1493, nous apprend qu’il n’y avait pas alors de chapelle
fondée, mais seulement un petit oratoire que les chevaliers entretenaient par dévotion.
La maison était en ruines et le commandeur était mal logé (Archives Impériales,
S. 5548). La commanderie devint, par la suite, un bénéfice lucratif, qui était
donné à des fils cadets de famille qui entraient dans l’Ordre de Malte. Les derniers commandeurs de l’Ordre à Auxerre étaient des personnages
de marque. On cite parmi eux MM. Rogres Lusignan de Champignelles, brigadier des
armées du roi (1757-1764); Edouard-Henri de Fitz-James, maréchal de camp
(1787). Les revenus de la commanderie étaient assez importants et s’élevaient
à 21.343 livres en 1789. Deux maisons de cette rue méritent encore une mention particulière: celle
du café Milon ou café Chaucuard, qui est le premier établissement de ce genre formé dans la
ville, et qui date de 1769 (Chardon, t.II, 558). Le bâtiment par lui-même
n’est pas sans mérite. Il renferme à l’intérieur une cheminée
Renaissance représentant Vulcain forgeant des chaînes pour l’Amour. Rousseau raconte dans ses
Confessions, que fuyant de Montmorency, il vint à Auxerre chez son ami Palais (Palais était
organiste de la cathédrale), et y resta quelques jours incognito. Palais le
conduisait chaque jour au café Milon pour lui faire passer le temps. Il
trouvait
là des joueurs d’échecs avec qui il s’escrimait de son mieux, un savourant
le café renommé de cette maison. Après son départ, Palais ayant appris aux amateurs le nom du joueur
inconnu, ceux-ci lui en voulurent beaucoup de sa discrétion. L’autre maison, n°8, qui était plus remarquable, a appartenu à M.
Raveneau-Serisier, ancien maire de la ville pendant le règne de
Louis-Philippe. Cet édifice, du XVIe siècle et de style Renaissance, avait
conservé une suite de bas-reliefs représentant des scènes de bataille. Des
dispositions nouvelles ont fait disparaître ces sculptures, conservées
maintenant au Musée de la ville. On veut y voir la bataille de Cravan de 1423; mais malgré la meilleure
volonté du monde il est difficile d’en passer par là, car plus d’un siècle
sépare l’exécution de ces sculptures de la fameuse bataille qui arrêta pour
un temps les succès de Charles VII, et rendit les Bourguignons victorieux. Il m’a été impossible de découvrir à qui a appartenu anciennement cette curieuse maison. On peut assurer toutefois qu’elle devait être la demeure d’un riche bourgeois. Au fond des bâtiments voisins de droite qui appartenaient au XIXe siècle à M. David, sont des caves construites au XIIe siècle. Les arcades à plein-cintre y sont portées sur de vigoureux piliers-colonnes octogones mesurant 2 m. 60 d’élévation et 3 m. 45 d’entre-colonnements. Ces caves magnifiques donnent une haute idée du temps où on les a bâties. A l'angle de la rue du Temple et de la rue Saint-Eusèbe se trouvait autrefois l'hostellerie de la Croix-rouge ( emplacement du bazar Maillet) L'hôtel de l'Epée était l'un des plus grands hôtels d'Auxerre. Il avait été entièrement reconstruit avant 1914 et prolongé jusqu'à l'angle de la rue Saint-Eusèbe A
l'angle de la rue et de la promenade du Temple, sur l'emplacement des
anciens fossés de la ville, le grand café Coupechoux offrit jusqu'en
1907, dans ses jardins de l'Alcazar, des spectacles de variété et des
concerts. Il avait remplacé le café du Temple. |
Retour au plan du quartier | ||
Retour au sommaire |