gUILLAUME roussel dit Cadet-Roussel |
Un des personnages les plus populaires de la Révolution française fut un modeste huissier d’Auxerre : Guillaume Joseph Roussel, dit Cadet Roussel. Il inspira la chanson que l’on trouvait sur toutes les lèvres aux heures les plus noires, expression vivante de la bonhomie et de la gaieté françaises à une époque ou d’autres mœurs semblaient triompher. Né le 30 avril 1743, second fils d’un cavalier de la Maréchaussée — ce qui lui valut son surnom — Cadet Roussel vint se fixer à Auxerre en 1763. D’abord domestique et laquais dans plusieurs maisons, il entra dans la basoche. En 1770, il acheta la charge de premier huissier audiencier au bailliage d’Auxerre, charge assez considérable, puisqu’elle lui laissait bon an mal an un revenu de deux mille livres. Peu auparavant, il avait épousé une demoiselle Jeanne Serpillon d’assez bonne famille, qui lui avait apporté une dot confortable; il faut ajouter que la demoiselle n’avait qu’un défaut: elle avait seize ans de plus que son époux. Cela pouvait poser des problèmes plus tard: elle mourut en effet avant lui. Le mariage ayant été sans descendance, voici Cadet Roussel obligé de rendre la dot. Il montra l’affection qu’il avait pour la famille de son épouse en épousant en secondes noces la nièce de celle-ci, qui se trouvait être son héritière. Cadet Roussel avait alors soixante ans et sa jeune épouse trente-sept. En dehors de ces deux mariages, on ne voit guère ce qui pouvait chez cet huissier exciter la gaieté et la verve de ses concitoyens. Pas de distraction remarquable ni de ridicule particulier dont on puisse retrouver trace. A moins qu’on ne veuille en voir dans sa maison, la maison « sans poutre ni chevron » de la chanson. Il s’était en effet acheté une maison place du Prétoire (depuis place Fourier); pour l’agrandir, il construisit une espèce de loggia qui allait s’accrocher à la tour de l’Horloge. En fait, on connaît l’auteur de la chanson; c’est le chevalier Chenu du Souchet, un vieux gentilhomme auteur de quelques spirituelles satires contre les nouvelles modes et les nouveaux puissants. La chanson n’a d’autre base que le désir de ridiculiser l’ancien huissier à la Cour royale qui s’était transformé en un ardent révolutionnaire. Roussel était en effet devenu membre de la Société populaire d’Auxerre et montrait un zèle considérable. En septembre 1793, il fut inquiété pour avoir commis quelques excès au cours d’une visite domiciliaire. Si sa conduite fut jugée avec sévérité, nul n’osa le condamner car il était « un trop servile partisan de Maure ». Celui-ci, un conventionnel ex-marchand épicier à Auxerre, était célèbre par ses excentricités révolutionnaires: il se crut un jour appelé à un grand destin parce que Marat l’avait appelé: mon fils. Il se suicida en 1795. Après l’épisode révolutionnaire, Cadet Roussel rentra dans l’anonymat. Il fut un instant emprisonné, mais sauvé par l’amnistie de vendémiaire an IV. Il se contenta par la suite d’exercer son ministère d’huissier, sans éclat, pendant le Directoire, le Consulat et l’Empire. Il mourut en 1807. La célébrité de la chanson dépassa de beaucoup le modeste huissier que l’on avait voulu ridiculiser. On fit de nombreuses pièces de théâtre où l’on imagina Cadet Roussel dans toutes les situations possibles : Cadet Roussel misanthrope et Manon repentante, Cadet Roussel aux champs Élysée, Cadet Roussel au jardin turc, la Mort de Cadet Roussel, la Résurrection de Cadet Roussel, Cadet Roussel entrepreneur de spectacles, Cadet Roussel Hector, Cadet Roussel esturgeon, Cadet Roussel chez Achmet, Cadet Roussel à Meaux en Brie, Cadet Roussel dans l’île des Amazones. Toutes ces pièces attestent le succès d’un type parfaitement défini, figure du niais parfait qui n’a que peu de chose à voir avec l’authentique Roussel. Cette veine se poursuivit jusqu’aux premières années de la Restauration. |
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