GAUDRY (918- 933) |
Le
clergé et le peuple d’Auxerre étaient si satisfaits d’avoir eu un
moine pour évêque dans la personne de Betton, qu’après la mort de ce
prélat, ils jetèrent les yeux sur l’abbé de Saint-Germain pour lui
succéder. Le duc Richard le Justicier notifia à Gaudry que l’église
d’Auxerre l’avait élu, et celui-ci accepta, au mois de mars suivant,
en sorte que le siége ne fut vacant que l’espace de trente trois jours.
Le dimanche des Rameaux, 29 de ce mois, Gaudry sortit de son monastère
avec tous les religieux, et vint à la cathédrale où il fut sacré évêque. Ce
prélat appartenait à une noble famille de l’Auxerrois. Fils de Gaudry
et d’Hemmène, il avait été voué dès son enfance, à Dieu et à
saint Germain. Confié aux religieux de ce monastère, il y prit l’habit
de leur ordre, et devint après avoir passé par diverses charges, abbé
de cette célèbre communauté. Placé sur le trône épiscopal, il
continua d’observer fidèlement les règles monastiques de l’abbaye
qu’il avait dirigée; et il fut d’un abord facile, d’un visage
gracieux, magnifique dans la réception de ses hôtes, d’une douceur à
l’épreuve des injures, d’une grande réserve dans ses discours,
aimant particulièrement les ecclésiastiques et plus encore les moines
parce qu’il avait été élevé parmi eux, ne rejetant point la
compagnie des gentilshommes, mais s’y plaisant au contraire, donnant
toujours la préférence à ceux qui étaient de ses parents, et leur témoignant
sa libéralité plus qu’aux autres. Il se fit une maxime d’être
assidu à l’office divin de son église, et comme il avait un bonne
voix, il la faisait entendre dans toutes les solennités religieuses. Il
avait un temps fixé pour la prière, et un temps pour la réception des
fidèles de son diocèse qui avaient affaire à lui. Tous les jours, après
la messe, une multitude de pauvres se rassemblaient à la porte de la maison
épiscopale, et Gaudry donnait lui-même, à chacun d’eux un pain ou un
demi-pain, suivant l’âge de la personne, et une tasse de vin; après
quoi les pauvres chantaient des psaumes autour du prélat. En carême,
celui-ci augmentait ses aumônes et distribuait même de l’argent aux
plus pauvres; le jeudi-saint, il habillait les indigents et leur donnait
un repas. Gaudry
termina la reconstruction de la maison épiscopale commencée par Betton,
et fit aussi bâtir deux autres corps de logis attenants à la tour de
l’église et au milieu desquels il éleva une chapelle en l’honneur de
la Sainte-Croix. La crypte située au-dessous de la tour, avait été fermée
jusqu’alors du côté du nord il y fit faire une ouverture avec un
portique en fer ouvré et en cuir richement colorié. Il embellit l’intérieur
de la cathédrale et y établit une galerie d’où il pouvait assister
aux offices et voir tout son troupeau. Rien n’approche des présents
qu’il fit à cette même église : il donna une couronne d’argent
que l’on suspendit au milieu du sanctuaire, — un bras d’or garni de
pierreries où il mit les reliques de saint Etienne et d’autres saints,
— un autre bras d’or, mais sans pierreries, qu’il remplit des
reliques de saint Germain, — deux petites croix d’or dont l’une, ornée
d’ambre représentant le martyre de saint Laurent, renfermait les
reliques de ce saint, une magnifique tenture, et une bannière éclatante
d’or, pour les processions générales. Gaudry
alla visiter à Rome, sous le pontificat de Jean X, les tombeaux des Apôtres.
Le pape lui fit alors présent de quelques reliques de saint Laurent et de
sainte Eugénie. On a vu plus haut que les reliques de saint Laurent
furent placées par Gaudry dans une croix d’or. L’église
du monastère de Saissy, à quatre lieues de Varzy, avait été brûlée
par les Normands. L’évêque d’Auxerre la fit reconstruire à ses
frais, et l’embellit. Il semblait qu’il eût pris en affection les
moines de cette abbaye à cause de la pauvreté dans laquelle ils se
trouvaient souvent. Gaudry leur envoyait de temps à autre des provisions,
de bouche, et, s’y transportant quelquefois, il leur faisait de pieux
discours pour les exciter non-seulement au travail des mains, mais encore
aux exercices spirituels. Il
avait le désir de rebâtir à neuf l’église de Saint-Eusèbe et celle
de Saint-Gervais près d’Auxerre; mais il ne vécut pas assez longtemps
pour donner suite à ce pieux dessein, et légua seulement sur la fin de
sa vie à chacune de ces deux églises, la somme de cent sous d’or. Il
n’oublia point celle de Saint-Germain dont il avait été abbé, et lui
fit beaucoup de présents. Enfin, il ordonna que, pendant les fêtes de la
Pentecôte, tous les curés de son diocèse vinssent en procession à
Auxerre avec leurs paroissiens, et qu’après avoir fait leurs stations
à toutes les abbayes, situées autour de la ville, ils se rendissent à
la cathédrale, où l’archidiacre leur dirait quelques paroles d’édification;
et si l’évêque n’était point absent, ils ne s’en retourneraient
pas qu’ils n’eussent reçu sa bénédiction. Un
prélat si régulier, si amateur du bon ordre et si rempli de zèle pour
les églises de son diocèse, aurait dû vivre longtemps pour le bonheur
de ses ouailles; mais il ne siégea que quinze ans et vingt quatre jour,
et mourut le dimanche 24 avril 933. On l’inhuma à Saint-Germain. |
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