Ce
quartier est situé au sud de la ville et à la porte du Temple. Il a vu,
depuis un demi siècle, modifier beaucoup sa physionomie. La population
s’y est portée; des établissements de commerce s’y sont élevés. La
route de Clamecy, qui était autrefois bordée de jardins, l’est
maintenant de maisons.
Le
« bourg Saint-Amatre » a reçu son nom d’un illustre évêque du Ve
siècle qui y fonda un oratoire sous le vocable de Saint-Symphorien, évêque
d’Autun, et où il fut inhumé. L’emplacement actuel de la maison
Souplet indique celui de l’église de Saint-Amatre et du cimetière
public gallo-romain.
Il
n’est pas rare de trouver, quand on fouille à une certaine profondeur
dans les alentours de cette maison, des cercueils de pierre des premiers
siècles chrétiens. Maximilien Quantin en a recueilli lui-même deux
composés de portions d’une pierre qui portait une inscription romaine
et qui avait été sciée pour cet usage.
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Lebeuf
rapporte qu’on trouva au dernier siècle dans ce cimetière, proche l’église,
un gros bloc de pierre, reste d’un criobole, portant cette
inscription :
Pro salvte Dominorvm
Dedicavit
Modesto et Probo cos.
Cette
pierre avait servi de cercueil comme les morceaux dont je parlais
tout-à-l’heure (Conservée au Musée d’Auxerre, n° XXII).
La
date du consulat de Modestus et de Probus fait remonter l’âge de ce
monument à l’an 228 de notre ère. Ce n’est pas le seul morceau d’antiquité
qu’on ait trouvé sur ce point.
Le
cimetière de Saint-Amatre était, selon les légendaires un lieu saint.
Les premiers évêques d’Auxerre y furent inhumés. C’est dans le
cimetière Saint-Amatre que Mamertin, prêtre païen, venu des pays de
Puisaye auprès de saint Germain, s’arrêta, en arrivant à Auxerre, et
eut, en dormant, cette vision miraculeuse racontée par Constance, où
figuraient les cinq premiers évêques Auxerrois sortis de leurs tombeaux
et célébrant l’office divin. Les solitaires s’y retiraient et y
vivaient dans des oratoires. Saint Urse, l’un d’eux, était célèbre
au commencement du VIe siècle ; il arrêta, par ses prières, un incendie
qui dévorait la ville.
Le
Chapitre d’Auxerre allait souvent en procession dans l’église
Saint-Amatre dont le clergé ne paraît pas avoir été monastique avant
le XIe siècle.
Pendant
l’anarchie du Xe siècle, un des évêques la donna à titre de
bénéfice à un noble que le chroniqueur qualifie de tyran, lequel, à
son tour, en avait doté son fils, évêque d’Autun. C’est alors que l’évêque
Geoffroy de Champalleman la recouvra comme une des quatre filles de sa
cathédrale. Mais, l’un de ses successeurs, y fit venir des chanoines de
Saint-Satur, en Berri, en 1163. Ce n’était plus qu’un prieuré que
ces pères possédèrent jusqu’en 1789. — Ils portaient la robe noire,
une aumusse sur les épaules en forme de manteau, et pardessus une chape
noire à capuchon.
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L’église,
aujourd’hui détruite, avait, en 1791, 63 pieds de longueur; la nef,
avec ses bas-côtés, 33 pieds de largeur, et le chœur 18 pieds. Elle
avait été reconstruite dans les temps modernes. Le clocher était ruiné.
La crypte dans laquelle on descendait par la nef, à droite, avait 24
pieds de long sur 18 de large. Elle subsiste encore en partie et date du
XIIe siècle. Le corps de saint Amatre y reposa depuis l’an 860 et y
resta jusqu’au XIe siècle, époque de sa translation dans la cathédrale.
Il
y a encore un tombeau de pierre encastré dans le mur, et qu’on suppose
être celui d’un saint personnage. Derrière l’église existait la
chapelle élevée en l’honneur de saint Didier, évêque de Langres, au
VIle siècle; ce n’était plus qu’un pressoir en 1790 ; les
paroissiens l’échangèrent alors avec le prieur contre un ornement
complet qu’il avait fait faire pour la fabrique.
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Le
faubourg Saint-Amatre se divise en deux parties : 1° la rue en face
de la porte du Temple qui conduit au cimetière actuel dit des Capucins et
qui est aussi la route impériale n0 65 ; 2° la rue qui, en
sortant de la porte du Temple, détourne à gauche et mène à la route de
Clamecy. Des rues latérales relient ces deux parties principales.
N’oublions
pas une petite chapelle de Saint-Sébastien élevée dans le faubourg
Saint-Amatre, lors d’une peste du XVIIe siècle.
Les
protestants eurent leur prêche, dans ce faubourg, d’après l’édit de
janvier 1561.
Le
cimetière Saint-Amatre fut le théâtre de l’inhumation solennelle
d’un enfant par le comte Pierre de Courtenay, condamné par l’évêque
Hugues de Noyers à le porter sur ses épaules, en robe courte, escorté
de son propre oncle, Guillaume, archevêque de Bourges, de Pierre de
Corbeil, archevêque de Sens, et d’une foule de personnes.
Le
récit de cet événement, amené à la suite d’un outrage commis par le
comte, qui avait fait inhumer un enfant dans la chambre de l’évêque
pendant l’interdit dont celui-ci l’avait frappé, dépeint d’une façon
saisissante les mœurs du temps, les rapports féodaux de ces deux
personnages et leurs caractères réciproques. On voit l’énergie
brutale de Pierre reculer devant la persistance de l’évêque armé des
foudres religieuses, et la force physique être obligée de céder devant
la force morale.
Le
tombeau de saint Amatre, quoique vide, était regardé, au moyen-âge,
comme favorable à la guérison des maladies mentales, car on y voit
placer, en 1455, un pauvre fou, par ordre des gouverneurs de l’Hôtel-Dieu.
Le compte du receveur rapporte ce fait avec la naïveté du temps
«
A Etienne le Breton, valet et serviteur, qui puis naguère a perdu son
sens et sa mémoire, et l’a convenu mettre en la pierre Saint-Amatre :
10 sols pour luy aidier illec à vivre et avoir ses nécessités. »
Pendant
le moyen-âge la physionomie du bourg de Saint-Amatre a bien changé. La
construction du mur d’enceinte au XIIe siècle a fait cesser peu à peu
l’usage d’enterrer dans la partie du cimetière de Saint-Amatre laissée
en dehors, et bientôt chaque paroisse eut son propre cimetière. On établit
sur la douve des fossés de la ville un chemin pour conduire de la porte
du Temple à la porte Chantepinot. Plus tard, le cimetière extérieur,
abandonné, devint un champ cultivé. La promenade actuelle du Temple, la
route, les jardins voisins, tout cela n’était que des cultures aux XVe
et XVIe siècles.
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La
foire du 1er mai, célèbre dans les temps anciens, et qui coïncidait
avec la fête de Saint-Amatre, se tenait dans le haut du bourg, sur la
route des Capucins et sur la vaste place qui sert aujourd’hui aux exécutions
publiques (La foire subsistait encore en 1511 (Archives de la Côte-d’Or,
B.2607). Le nom de calendes de mai, par corruption chalendemai ou chalandemas
fut donné à la place. La porte qui y conduisait fut même appelée Porte
des Calendes de mai (Acte de 1237, petit Cartul. Saint-Germain). |
La
croix qui s’élevait sur la place conserva ce même nom jusqu’au
commencement du XVIIe siècle. Lebeuf dit dans la "Prise d’Auxerre"
( p. 44) : "Il
y existe un gros chapiteau roman renverse qui a servi de piédestal à
une croix". Ce chapiteau supporte actuellement une statue de
Saint-Amatre. |
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Une
autre partie du bourg, qui était au-dessous du Prieuré, avait le nom de
champ du Lendit ou de l’indict, parce qu’il était désigné ou indiqué,
indict, pour servir à la foire de la Tannerie ou de la Pelleterie (On
l’appelait au XIIe siècle la foire de Tanneto) que Lebeuf
rapporte avoir été transférée par le comte Guillaume III, en 1166,
auprès du château.
On
l’appelait aussi le Champ de l’Orme Billon à cause d’un arbre de
cette espèce qui s’élevait en cet endroit.
La
fontaine de Saint-Amatre doit aussi venir à son tour au rang des objets
intéressants de ce bourg primitif d’Auxerre. Placée au fond de la vallée,
au milieu des prés, non loin du moulin Durand, elle alimente encore
d’eau les habitants du quartier qui, bien que fort éloignés, étaient,
avant l’établissement des fontaines actuelles, fort heureux d’y
venir puiser à une source saine et limpide. Saint Amatre lui a donné son
nom, sans doute parce qu’il la purifia des traditions païennes
qu’elle avait conservées. Peu éloignée du temple d’Apollon, elle
devait nécessairement servir aux prêtres de ce dieu.
Il
y avait auprès, en 1253, un clos et un filandrerium ou filoir
appartenant à un nommé Simon, de Saint-Amatre.
L’évêque
d’Auxerre, P. de Cros (1350), allant à Avignon, fut reçu au faubourg
Saint-Amatre, dans la prairie proche la fontaine, où il harangua le
peuple et le clergé.
Le
bassin de la fontaine, fort large et profond, est aujourd’hui construit
en pierres de taille qui n’ont rien d’antique. Cependant les
traditions superstitieuses ne l’ont pas abandonné. Les anciens
racontent qu’il y a au fond une pierre énorme scellant un orifice sous
lequel passe un bras de mer; que sur cette pierre sont écrits ces mots: Qui
m’ôtera périra! et que si jamais on l’enlève, le faubourg sera
inondé. Aussi n’a-t-on jamais pu la soulever malgré les plus grands
efforts!
Le
prieur de Saint-Amatre jouissait des droits censuels dans le bourg. Son
terrier parle de la grande rue allant à Vallan, de la rue d’En-Bas
allant au même lieu, de la rue d’Auxerre à la Croix-des-Mars ou rue
d’En-Haut, appelée aussi rue des Capucins ; de la rue montant de l’église
à la Croix-d’En-Haut; de la rue descendant de la rue d’En-Bas aux
Saulces de l’Orme-Billon; enfin, de la rue de la Mouchette ou de la
Mouquotte, du nom d’une chapelle. On connaît la grande rue de
Saint-Amatre dès 1339. Celle du Four-l’Evêque et une rue, dite rue
Neuve, existaient aussi à cette date, suivant le Livre des rentes de
l’Hôtel-Dieu. Mais où est la rue devant l’orme des Belles-Filles qui
existait en 1440 ?
C’est
dans une maison du faubourg Saint-Amatre que le pieux Henri Bargedé, juge
criminel à Auxerre, a composé une Histoire d’Auxerre en 2 vol. in-f°,
résumée des grands ouvrages de D. Viole et de Dom Cottron, et un
volume sur le Martyrologe auxerrois. Ces manuscrits sont à la Bibliothèque
de la ville.
Les
Capucins qui furent établis à l’extrémité du faubourg Saint-Amatre,
sur la route impériale n0 65, ne datent que de 1606. Parmi les
six premiers frères, on remarque le fameux frère Ange du Bouchage, connu
dans le monde sous le nom de Henri, duc de Joyeuse. Ces religieux, dont la
pauvreté était proverbiale, portaient une robe de laine grossière et de
couleur fauve; la barbe longue et les pieds nus dans leurs sandales. Il
leur était défendu de se coiffer de chapeaux. Leur capuchon carré,
auquel ils doivent leur nom, leur attira, dans l’origine, de grandes
tribulations.
Les
Auxerrois accueillirent les Capucins avec empressement, et ils
n’eurent qu’à s’en louer dans les maladies contagieuses du XVIIe
siècle.
L’église
du couvent, démolie en 1844, n’offrait rien de remarquable. — Voyez
plan de l’ancien couvent en 1750, Alm. de l’Yonne, 1860; et Notice
sur le couvent, par A. Lechat, Ann. de 1842.
Le
Cimetière dit des Capucins a reçu son nom de l’emplacement qu’il
occupe. Il ne date que de 1790. Des accroissements successifs et des améliorations
lui ont donné un aspect régulier et décent. Il renferme quelques
tombeaux remarquables. Dans un de ses compartiments, appelé le cimetière
Dunand, existe une chapelle monumentale fort massive qui rappelle le legs
généreux que fit de ce terrain et d’une somme de 40.000 francs, Mlle Thérèse Dunand, en 1832. La construction de la chapelle n’eut
lieu qu’en 1840.
En face, et sur le plateau dit de la Mocquette, a été creusé le réservoir
des fontaines de Vallan qui contient 6.282 hectolitres d’eau. L’établissement
de ce réservoir en 1852 fut l’objet d’une cérémonie solennelle et
d’une fête organisées par M. Martineau des Chesnez, alors maire de la
ville, qui avait réussi à mener à bien le grand projet de conduite des
eaux de Vallan (Voyez Relation de la cérémonie, le 7 novembre 1852,
Auxerre, 1852, in-8°).
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Rue
Bourneuil. — C'est en 1495, que Bourneuil, commandeur de
l'ordre de Malte, céda une source dans la vallée de Vallan dont les eaux
furent ammenées par canalisation sur la place des fontaines (place Charles
Surugue) où elles y coulèrent jusqu'au milieu du XVIe siècle.
La
rue Bourneuil est le point de départ de la route de Clamecy.
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Avenue
de Puisaye. — Cette rue a été ouverte pour desservir la
gare Saint-Amatre. Elle prit en 1889 le nom d'avenue de la puisaye,
région traversée par la ligne de chemin de fer d' Auxerre à Gien |
Rue
Darnus.
— Elle tire son nom d'un moulin qui était situé sur le cours du ru de
Vallan. Il appartenait en 1515 à Pierre Darthé, sieur d'Arnus, un petit
fief du village de Saint-en-Puisaye. En 1853, elle s'appelait : rue de la
boursaudière en raison des saules ou bourseaux qui poussaient sur les
berges du ru qui longe la rue |
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Place
Saint-Amatre.— Ancienne place des calendemai, elle fut le
lieu, après la place du pilori (place Charles surugue) des exécutions
publiques. Dans le square du centre de la place a été érigé le
monument aux morts en déportation
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La
gare Saint-Amatre.
— La ligne fut ouverte en 1879. son exploitation resta constamment
déficitaire. l'ouverture de cette gare répondait surtout à la
préaucupation d'urbaniser ce secteur d'auxerre |
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Rue
du stand.
— Proche de la gare cette rue doit son nom au stand auxerrois créé en
1884 par la société d'instruction militaire et de tir. |
Rue
d’Argentine. — Appelée en 1484 la ruelle par laquelle
on va des vieilles Buttes à Saint-Amatre (Cure de Saint-Amatre). Elle
fait communiquer entre elles les routes de Clamecy et de Toucy. |
Rue
du Réservoir. — Ainsi nommée depuis 1853, parce
qu’elle conduit plus ou moins directement de la route de Clamecy au
vaste réservoir des eaux de Vallan qui a été établi en 1852 en face du
cimetière. C’était, auparavant, la rue Garde-Neige.
Au
fond de la place que longe cette rue, s’élève la maison de M. Cotteau,
juge au tribunal d’Auxerre, qui possède une précieuse collection d’échinides,
la plus considérable du monde (plus de 42.000 espèces).
M.
Cotteau a hérité de Mme Duru, sa belle-mère, une collection
d’objets d’art et d’antiquité considérable et curieuse.
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L’Arquebuse.
— A quelques pas de la porte du Temple, à droite de la route de Toucy
s’élève, au milieu d’une plantation de platanes et de tilleuls,
une maison isolée qui n’est pas dépourvue d’élégance. A l’entrée
de l’avenue qui la précède était un portail décoré de trophées
d’armes qui annonçait une institution qui fit les délices de nos pères.
Le « noble jeu de l’arquebuse » avait son séjour en cet endroit. L’édifice
que nous voyons ne date que du premier tiers du XVIIIe siècle, mais les
arquebusiers avaient pris naissance bien antérieurement. Les
lettres-patentes qui leur donnèrent une existence régulière datent du
mois de janvier 1642. Le corps municipal, en les adoptant, y mit ces
honorables conditions : « Qu’il ne seroit admis dans cette
compagnie que des gens de probité, d’honnesté et louable conversation,
et que les chevaliers feroient serment de vivre dans la religion
catholique, apostolique et romaine, comme aussi de servir le roy en toute
occasion. » |
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Les
« chevaliers de l’arquebuse, » comme s’appelaient les membres de la
société, remplaçaient l’ancienne compagnie du « noble jeu de l’Arbalète,
» connue dès l’an 1382, dont l’arme était abandonnée.
L’arquebuse, au contraire, était très en vogue et l’on tint bientôt
à honneur de faire partie des compagnies où l’on s’exerçait au tir
de cette arme , — d’autant plus que celui qui abattait le papegai était
exempt de toutes tailles, aides et autres impositions pendant l’année.
De
grands débats sur le droit de nomination du capitaine des Arquebusiers
troublèrent, dès sa naissance, les exercices de la compagnie auxerroise,
qui acquit peu d’importance, et paraît même être tombée en décadence
complète. En 1729, une nouvelle compagnie d’arquebusiers se forma ;
elle était appelée à de plus brillantes destinées. Elle fut érigée
en compagnie royale, par lettres-patentes du mois de décembre 1729, et se
composait de cent membres choisis parmi les officiers de guerre et de
justice, les bourgeois et marchands seulement, « qui devoient
s’assembler chaque premier et second dimanche du mois pour faire
l’exercice de l’art militaire et jeu de l’arquebuse. » Le jour de
Saint-Jean-Baptiste, le 24 juin de chaque année, on tirait, en grande cérémonie,
un oiseau ou la cible, et le chevalier qui abattait l’oiseau, ou mettait
le plus près dans le noir de la cible, avait le droit de prendre la
qualité de roi de l’Oiseau ou de la cible, et il jouissait de
l’exemption de tous impôts pendant l’année de sa royauté.
Celui qui abattait l’oiseau pendant trois années de suite jouissait
de l’exemption pendant toute sa vie, et sa veuve avait le même privilège
pendant sa viduité. On donnait, à cet adroit tireur, le nom
d’Empereur.
Ces
distinctions honorifiques étaient un puissant stimulant pour les jeunes
gens de la classe bourgeoise et marchande. Ils formaient une brillante
compagnie qui eut plus d’une fois
maille à partir pour le pas dans les cérémonies publiques avec la
milice bourgeoise et d’autres corps. Leur costume était composé
d’un habit de drap écarlate avec boutons d’or, et d’un plumet blanc
sur le chapeau. Leur drapeau, de soie blanche, portait l’écusson du
prince de Condé et celui de la ville. Ils avaient l’arquebuse au bras
et l’épée au côté. La devise de leur étendard portait ces mots :
Est prœsidium et decus.
La
Butte des Chevaliers était au faubourg Saint-Amatre, mais on ne sait pas
précisément en quel endroit. Ce fut en 1734 qu’ils achetèrent de M.
Jodon, médecin, l’emplacement qu’occupe encore aujourd’hui le
Jardin de l’Arquebuse. Ils le firent entourer de haies vives et planter
de tilleuls et de marronniers. Sur une pancarte contenant les lettres
patentes de la création de la compagnie des Arquebusiers en 1729, qui
appartient à M. Monne, on lit: « 11février 1732, on a commencé à
planter les arbres de l’Arquebuse, M. Baudesson, lieutenant des
chevaliers, en l’absence du comte de la Tournelle, capitaine de la
compagnie, a planté le premier arbre, et MM. ses frères ont planté les
deux autres, au son du tambour et des hautbois. » Les arbres venaient de
Sens
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Le
pavillon fut construit en 1735, aux frais des chevaliers, et coûta 4.810
livres. M. Guilbert-Latour, architecte, en dressa le plan et l’exécuta.
Il
y avait, dans la haute salle du pavillon, une collection de plus de 200
tableaux acquise en 1730, et formant une suite de portraits historiques
des rois de France, des ducs et duchesses de Bourgogne et d’autres
personnages marquants. C’était une richesse artistique pour la ville.
La Révolution la détruisit par les mains d’un bataillon de volontaires
du Gard qui, passant à Auxerre le 19 septembre 1792, en firent un autodafé,
malgré les résistances du Conseil général de la commune.
L’Arquebuse
fut vendue comme bien national à M. Faultrier, qui la rétrocéda à la
ville en 1797. Elle servit alors pour les fêtes nationales.
En
1842 et 1843, on y fit bivouaquer des prisonniers espagnols. On essaya,
mais en vain, sous la Restauration, de reconstituer une compagnie
d’arquebusiers. Depuis ce temps, le Jardin de l’Arquebuse n’a plus
guère été fréquenté que pendant quelques accès de mode de bals
publics.
La
garde nationale y a célébré plus d’un banquet depuis 1830. On se
rappelle aussi la promulgation de la Constitution de 1848, par une froide
journée de novembre. Une autre fête dont l’éclat et la splendeur sont
encore dans le souvenir de tous, fut celle du Concours régional au mois
de mai 1866, et qui fut célébrée sur la vaste place actuelle de
l’Arquebuse.
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La visite de l’Empereur et de l’Impératrice à cette
occasion (Le 6 mai), donna lieu à une décoration féerique de l’Arquebuse
et de ses alentours. Un pavillon superbe fut érigé au milieu de la
place, des massifs de fleurs et de gazon ombragés d’arbres plantés
pour la circonstance, avaient transformé ce terrain en vaste square. La réunion
du Conseil général, de tous les maires du département, de beaucoup de
compagnies de pompiers et d’une foule immense donnait à cette cérémonie
une importance exceptionnelle. Des fleurs furent présentées à l’Impératrice
par les jeune filles de la ville, et S. M. les reçut avec sa grâce si
naturelle. C’est dans cette circonstance que fut prononcé par l’Empereur,
à l’entrée de la ville au faubourg Saint-Gervais, ce fameux Discours
d’Auxerre qui présageait les événements dont l’Europe fut le
théâtre peu de temps après.
Le
vaste terrain qui est entre la promenade et l’Arquebuse sert,
aujourd’hui, de champ de manœuvres pour l’exercice des troupes de la
garnison. C’est encore là que se déploient les fêtes publiques de
toute espèce.
Nous
ne pouvons passer sous silence, en parcourant les jolies promenades de ce
quartier, celle de l’Esplanade du Temple qui est ornée de trois allées
de tilleuls. Elle fut, le 14 juillet 1794, le théâtre d’une cérémonie
patriotique. Une procession s’y rendit solennellement pour y planter un
arbre de la Liberté. On voyait, au milieu des corps constitués, porter,
sur des brancards, une copie en pierre du monument de la Bastille détruite
et un autel en bois qu’on appelait « l’autel de la Patrie. » Le goût
naturel des Français pour les fêtes trouvait, dans ces circonstances,
sujet de se satisfaire ; et elles se répétaient souvent alors.
Le
31 mai 1791, une autre fête se célébra sur l’Esplanade. Les députés
de toutes les légions des gardes nationales du département s’y étaient
réunis dans un banquet fraternel, après une messe à la cathédrale
suivie d’un Te Deum (Manuscrit de M. Duplessis, curé de Saint-Bris).
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Nous
terminerons cette revue des sujets intéressants du quartier Saint-Amatre
par la description de la statue du maréchal Davout qui s’élève au
fond de l’Esplanade.
Ce
monument, inauguré le 28 juillet 1867, à la gloire d’un grand homme de
guerre qui fut aussi un grand citoyen, est dû à l’initiative de la
ville d’Auxerre. Davout y fut élevé à l’École militaire et avait
conservé de ce temps un bon souvenir. (Voyez le lycée Jacques Amyot).
La
statue est de M. Dumont, membre de l’Institut. Le maréchal est représenté
debout, en grand uniforme, la tête nue. Il tient, dans la main droite,
une lunette et parait dans l’attitude de l’observation devant
l’ennemi. Le piédestal, en granit gris du Morvan, porte les noms
glorieux des 46 batailles où le maréchal Davout s’est illustré. |
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