FAUBOURG SAINT-MARTIN-LES-SAINT-JULIEN

Au-dessous du faubourg Saint-Amatre, s’étend la vallée de Saint-Martin-lès-Saint-Julien dont l’aspect riant et pittoresque charme la vue du haut de l’esplanade du Temple. Ce faubourg, aux maisons blanches dispersées au milieu des jardins qu’arrose le cours sinueux du ru de Vallan, aux cultures variées des maraîchers, est sans contredit le plus beau site des environs de la ville. Au fond de la vallée s’étendent la rivière d’Yonne au cours ombragé de peupliers, la ligne du chemin de fer et plus loin enfin les montagnes de Saint-Bris, de Quenne et de Vaux qui servent de fond au tableau.

 

  Rue de Coulanges. — La rue de Coulanges a reçu ce nom en 1791, parce qu’elle conduit à Coulanges par un chemin direct, mais abandonné aujourd’hui. Elle aurait été plus justement appelée rue de Saint-Julien, en souvenir du monastère qui y a existé pendant tant de siècles et dont nous allons résumer l’histoire.

Saint Pallade, évêque du VIIe siècle, en transportant le monastère de Saint-Julien de Brioude hors des murs de la cité, au sud, dans la vallée dont nous parlons, y bâtit trois églises sous le vocable de la Sainte-Vierge, de Saint-André et de Saint-Julien. Ce monastère était double et composé de moines et de religieuses vierges et de veuves.

Les désordres des temps mérovingiens causèrent la décadence des religieuses, et le monastère tomba, sous Charles-Martel, aux mains des laïcs. Ce ne fut qu’en 940 qu’il rentra sous l’autorité de l’évêque. Les moines avaient disparu et des chanoines les remplacèrent dans la direction de l’abbaye. Ils demeuraient dans un cloître particulier, et l’un d’eux était curé de la paroisse de Saint-Martin qui fut érigée pour la population groupée autour du monastère.

Les religieuses Bénédictines abandonnèrent Saint-Julien pendant les guerres de religion et se retirèrent dans leur terre de Charentenay, d’où elles ne revinrent qu’en 1649. L’évêque de Brocy introduisit alors la réforme du Val-de-Grâce, et posa lui-même la première pierre du nouveau monastère, le 8 mai 1647.

Anciennement, les Bénédictines portaient l’habit noir, mais dans le relâchement qu’amenèrent les guerres de religion elles avaient le costume blanc des chanoinesses. Après la réforme elles reprirent les vêtements de couleur sombre robe noire, scapulaire de même, avec tunique par dessous la robe d’une étoffe non teinte. Au chœur et dans les cérémonies elles revêtaient en outre une grande cucule à larges manches, comme les moines.

Le clos de Saint-Julien était encore, au milieu du XIXe siècle, entouré d’un mur d’enceinte qui en marque la vaste étendue. Ce n’est que depuis le milieu du XVIIe siècle qu’il prit ce développement par les achats successifs des abbesses qui le portèrent à 35 arpents.

Il ne subsiste presque plus rien des édifices du monastère reconstruit dans les temps modernes. Le bâtiment qui l'on apercevait encore, en 1869,  de la promenade de l’Eperon n’a rien de monumental. Il était autrefois surmonté d’un étage. La chapelle qui en était voisine portait un dôme à flèche. La nef était du XIe au XIIe siècle, et ornée de colonnes à chapiteaux sculptés d’animaux et de feuillages. Le XIXe siècle a vu détruire le vaste portail qui servait d’entrée à l’abbaye sur la rue de Coulanges. Ce portail ne datait que de 1783, et occupait l’emplacement d’une maison de cette rue, n° 43. Le bâtiment abbatial qui était à peine terminé à la Révolution fut démoli en 1793. Le reste de l’abbaye fut affecté à un dépôt de cavalerie.

Le sol du monastère de Saint-Julien est particulièrement renommé pour les antiquités qu’il renferme. Il est vrai qu’à plusieurs reprises on y a trouvé des médailles du haut empire, des fragments de sculptures, des poteries, etc. En 1793, deux commissaires, délégués par le Ministre de l’Intérieur, y firent fouiller. Un mémoire de Thyars, à l’Académie de Dijon, signalait, en ce clos, l’existence d’un souterrain rempli d’antiquités. On le chercha en vain. Mais des tranchées faites à 24 ou 25 toises du mur de clôture, dans la direction du nord au sud, et à 48 pieds d’un pin qui s’élevait au milieu du clos, amenèrent la découverte de plusieurs murs et de morceaux de sculpture, et notamment d’un petit monument d’un pied de haut représentant un empereur debout, tenant de la main droite une patère, et de la main gauche une corne d’abondance; une femme debout auprès de lui portant la main gauche sur son épaule. Il y avait une troisième figure qui a été brisée.

Le reste du faubourg, surtout sur les bords du ruisseau de Vallan, renferme aussi des vestiges nombreux d’antiquités. Partout où l’on creuse on l’encontre des aires de maisons, des puits en grand nombre comblés avec des débris gallo-romains. Un jardin, qui a été particulièrement défoncé dans tous les sens par son propriétaire, M. Madelenat, a fourni tous les éléments de l’existence d’habitations dans la vallée. Le niveau du sol primitif y est à 4 mètres de profondeur. Une route très bien ferrée traversait le jardin et passait entre le puits et la maison, en se dirigeant du côté de la maison Géraut, l’ancien monastère de Saint-Julien. Elle avait 9 mètres de large sur 2 mètres d’épaisseur. Des médailles du haut empire, des poteries à noms de potiers et divers ustensiles ont été recueillis dans cette partie de la vallée. Plus loin, en se rapprochant de l’Yonne, était un atelier monétaire aux coins de Tibère. La grande voie d’Agrippa descendait diagonalement du haut du chemin de Coulanges sur le pont d’Yonne.

Au XIVe siècle, le bourg de Saint-Martin-lès-Saint-Julien était divisé comme aujourd’hui en plusieurs rues. On y trouvait la Grande rue, la rue dorse, la rue veile-borse. Les maisons « devant les ormes de Saint-Julien » annoncent une plantation d’arbres devant le monastère, comme c’était l’usage dans ce temps-là (Registre de l’Hôtel-Dieu). La rue Boursaudière longe le grand ruisseau de Vallan et conduit au moulin d’Arnus et au moulin Rouge, qu’on appela de ce nom dès le XVe siècle.

Le siége de la paroisse a été longtemps dans l’une des trois églises du monastère, celle de Saint-André qui fut érigée en cure vers 990, sous le titre de Saint-Martin. Elle ne fut transférée sur le bord de la route, de l’autre côté du ruisseau, à l’extrémité du faubourg à gauche, que bien plus tard. Cette église, démolie dans la Révolution, n’avait rien de remarquable.

L’abbesse de Saint-Julien avait toute justice dans le bourg, et un redoutable poteau avec carcan s’élevait, pour le prouver, sur la place qu’occupe un jardin à gauche, au-delà du petit pont du moulin de Saint-Martin. La justice se rendait sous le portail de l’église de l’abbaye (Enquête sur la justice de 1580. Fonds de Saint-Julien). Voici l’étendue de cette justice. Elle commençait au pont de Rantheaume, au coin du clos actuel de Saint-Julien, suivait le ruisseau de Vallan le long du Clos Friquet ou Fiquet, bordait la douve du fossé de la ville jusqu’à l’Yonne dans laquelle le ruisseau se jette. On remontait ensuite la rivière jusqu’au bout de l’accrue de l’île Pataut ou des Cerisiers; puis en faisant retour on tirait en droite ligne au haut du faubourg Saint-Martin. Ensuite on descendait un chemin qui va du chemin de Coulanges au moulin d’Arnus, puis de ce moulin au chemin qui va à Saint-Amatre où le ruisseau se divise en deux et conduit jusqu’au petit pont de Rantheaume. — Voilà les limites d’une des seigneuries de la ville. L’abbesse y avait droit de haute justice, c’est-à-dire de faire pendre, marquer, fouetter, aussi bien que d’ajuster les poids et les mesures du meunier de Saint-Martin, etc.

L’abbesse faisait, chaque année, le Jeudi-saint, une distribution de pain à tous les pauvres qui se présentaient à la porte du monastère. C’était ce qu’on appelait une donnée générale. On y employait ordinairement trente bichets de blé.

On n’a pas toujours joui d’une chaussée aussi belle que celle qui conduit aujourd’hui au faubourg Saint-Julien; et sans remonter bien haut, il parait qu’au commencement du XVIIe siècle il n’y avait que des planches pour franchir les différents bras du ruisseau qui devenait dangereux lors des grandes eaux. Le corps municipal se résolut enfin de porter remède à cet état de choses, et il fit construire une chaussée et un pont, en 1623.

La plaine de l’abbaye de Saint-Julien fut, en 1412, le théâtre d’une grande cérémonie, celle de l’assemblée des princes du sang pour la conclusion de la paix. Voici comment en parle un chroniqueur du temps (Chronique de Monstrelet, t. II, p. 294, in-8°, 1858) :

« Environ la feste l’Assomption Notre-Dame, ceulx qui avoient esté mandez de par le roy vindrent au lieu d’Aucerre. Entre lesquelz y vindrent en grand estat les Parisiens.

………Et le lundi en suivant, le duc d’Orléans et le comte de Vertus, son frère, s’en vindrent au lieu d’Aucerre à tout trois mille combattans, et après que tous les seigneurs d’un côsté et d’autre furent venuz, ils s’assemblèrent dehors les murs de la cité, en une plaine auprès d’une abbaye de nonnains (L’Abbaye de Saint-Julien), ouquel lieu on avoit fait ung eschafault noblement orné, sur lequel estoit le duc d’Aquitaine, en lieu de son père, accompagné du roy de Cécile, des ducs de Bourgogne et de Bar et de plusieurs aultres grands seigneurs. Et là, en présence de tous ceulx qui veoir et oir les povoient, firent lesdiz seigneurs serement solemnel de entretenir ledit traictié.

………Après lequel serement fait, et toutes les solemnitez fournyes, les seigneurs dessusdiz allèrent disner ensemble en grande concorde, ou logis du duc d’Aquitaine, lieutenant du roy, son père... Et le lendemain et aucuns jours suivans, se rassemblèrent par plusieurs fois, continuant de faire grant chère et estre en grande concorde les uns avec les aultres.

Et quant au peuple, dont il y avoit grande multitude et autres bonnes gens, il ne faut point demander s’ils avoient grande joye, car ils crioient à hauts cris Gloria in exceisis Deo, etc.

 Et après toutes ces besongnes accomplies, et aussi pour ce que l’épidémie si fort régnoit audit lieu d’Aucerre, le roy, avecques les princes se partit de là et par Sens alla à Melun. »

En 1362 il existait, dans le bourg de Saint Julien, un lieu appelé la Loge aux Aveugles de Saint-Julien (Archives, Fonds Saint-Julien).

Pendant la peste qui sévit en 1569, on transporta les malades pestiférés de l’Hôtel-Dieu de la Madelaine dans la grande maison qui est à l’extrémité du faubourg, à droite, en allant à Vaux.

Un peu plus loin se trouve le climat de Montardoin (monsarduinus), où Lebeuf a vu un souvenir de la Diane antique. Les Fourches Brelon, de Broilum, Breuil, petit bois, étaient à gauche du chemin de Coulanges, à l’endroit où s’embranche celui de Vaux. Ce lieu funèbre recevait les corps des suppliciés après leur exécution sur la place des Fontaines; et ils étaient accrochés à des potences jusqu’à ce qu’ils en tombassent en poussière. Les Comptes du domaine d’Auxerre parlent souvent des Fourches de Brelon ou du gibet de la ville d’Auxerre. Au milieu et à la fin du XVIe siècle, la justice du grand prévôt pourvoyait abondamment au gibet de Brelon. On y vit jusqu’à sept hommes pendus en 1566 !

Le ruisseau de Vallan qui vient de ce village et qui arrose les vallées de Saint-Âmatre et de Saint-Julien, en se divisant en plusieurs branches, fait tourner deux moulins sur son cours celui d’Arnus appelé aussi de Bechereau, en 1467, en 1509 de la Chelardye, ou de la Chelardise, ou d’Arnuse (Censier de 1582, chapitre d’Auxerre); et celui de Saint-Julien qui servait autrefois à l’usage de l’abbaye dont il était voisin. Un bras du ruisseau traversait le clos de Saint-Julien pour l’agrément et l’utilité du monastère. Ses diverses branches, après avoir répandu la fraîcheur dans la vallée, se jettent dans l’Yonne sur plusieurs points.

 

  Rue d’Arnus. — Cette rue, qui longe le ruisseau de Vallan au fond de la vallée de Saint-Julien, s’appelait autre fois rue Boursaudière. Son nouveau nom lui vient du moulin d’Arnus auquel elle conduit.

  Moulins de Saint-Martin, d’Arnus, Moulin-Rouge. — Ces trois usines sont sur le ruisseau de Vallan qui arrose la vallée de Saint-Julien. Le premier, placé auprès de l’abbaye, était surtout destiné à son usage et lui appartenait. Les deux autres sont des moulins particuliers.

 

  Rue Géraut. — M. Géraut, propriétaire de la plus grande partie du Clos de Saint-Julien, ayant résolu il y a quelques années de le morceler, y a ouvert une rue dans laquelle se sont élevées plusieurs jolies niaisons. Il est évident que cette rue qui fait communiquer la rue de Coulanges avec le chemin de Vaux à reçu le nom de celui qui l’a ouverte au XIXe siècle.

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