FAUBOURG SAINT-MARTIN-LES-SAINT-MARIEN

Ce faubourg, situé sur la rive droite de l’Yonne, n’est plus qu’une rangée de maisons qui rappellent de loin l’importance de l’ancien bourg de Saint-Marien.

Son origine vient du monastère bâti par saint Germain en face de sa résidence habituelle sur le mont Brenn.

Héric raconte ainsi cette fondation dans son langage poétique :

  ………Mœnia pulchra locavit

Urbis ab aspectu, tumido qua promineat amni

Surgentem ad phœbum, fluvio tamen interjecto

Cui prius Icaunœ nomen largita vetustas,

His distincta modis ecclesia, res et ejusdem

Crevit in immensum  

  Cette maison religieuse était la première fille de la cathédrale, avec d’autant plus de raison, selon Lebeuf, qu’elle représentait le plus ancien monastère du diocèse. Elle fut primitivement sous le vocable de saint Cosme et de saint Damien ; mais lorsque Marien, moine qui gardait les troupeaux en Puisaye, et qui devint célèbre par sa sainteté, y eût été enterré en 488, son nom remplaça ceux des patrons primitifs.

Les Normands détruisirent le bourg et l’abbaye, et sur l’emplacement du monastère il n’y avait plus, au XIIe siècle, qu’une simple chapelle. Un clerc, nommé Ithier, la restaura vers l’an 1125, et le pape Innocent II, étant. alors à Auxerre, en consacra l’autel. Le comte Guillaume II, de Nevers, y établit, à la sollicitation de l’évêque Hugues, une colonie de Prémontrés, en 1141, qu’il dota libéralement. Ces moines obtinrent, en même temps, l’église de Saint-Martin, reste d’un ancien monastère de filles qui était proche de leur maison. Ils y firent de grandes constructions et s’y installèrent en 1169. Les femmes du faubourg avaient pris l’habitude de laver leur linge au bord de l’Yonne, tout près du monastère, dans un port des moines. Le bruit qu’elles y faisaient par leurs battoirs et leurs caquets troublèrent tellement le repos de ces derniers, qu’ils obtinrent du comte Pierre, en 1203, l’éloignement des laveuses.

Des inondations fréquentes au XIIIe siède, endommagèrent l’abbaye. La chronique de Saint-Marien raconte qu’en 1280, la veille des Ides de janvier, les eaux s’élevèrent si haut que les moines furent obligés de manger dans le cloître du côté de l’église, et qu’ils puisaient l’eau dans le puits avec la main. Mais Lebeuf dit que cela n’avait rien d’étonnant, puisqu’on descendait plusieurs degrés pour arriver au chapitre et au réfectoire. L’inondation pouvait venir par le canal artificiel qui prenait naissance auprès du moulin Milau, et passait dans le jardin des religieux, puis se jetait dans l’Yonne.

Les Prémontrés quittèrent Saint-Marien lorsque les Anglais menacèrent Auxerre, en 1358, et ils se retirèrent dans leur prieuré de Notre-Dame-la-d’Hors. Ils revinrent, en 1373, sur les bords de l’Yonne pour les quitter encore au temps des guerres de religion ; et comme les bâtiments de l’abbaye pouvaient être dangereux pour la sûreté de la ville et faciliter aux Huguenots l’attaque de la place, les habitants forcèrent les moines, à les démolir, en 1570 (Cependant Belleforêt, qui publia son oeuvre en 1575 représente encore l’église de Saint-Marien avec une haute flèche sortant d’une tour octogone. Mais le dessin avait peut-être été pris avant la démolition.) On les fit sauter avec de la poudre, on ne laissant pour souvenir que l’arcade du sanctuaire de l’église. Il subsiste encore un pilier très élevé formé d’un faisceau de colonnes de style renaissance. C’est le seul reste de l’abbaye Saint-Marien. C’est au pied de ce pilier que le chanoine Villetard, l’un des derniers survivants de la coterie janséniste du Chapitre, a été inhumé en 1806. Il avait exprimé le désir d’être enterré sous les ruines de l’abbaye de Saint-Marien, au lieu où saint Germain venait jadis prier. La maison Lesseré et les jardins qui l’entourent occupent l’emplacement de ces ruines, et déjà depuis longtemps il en était ainsi au dernier siècle, et Lebeuf disait que les seuls vestiges qu’on voyait, c’étaient des tombes de pierre dont la tête était baignée des eaux de l’Yonne, et les pieds étaient tournés du côté d’un chemin que les titres désignent sous le nom de ruelle Saint-Cosme.

Les habitants avaient pour paroisse la nef de l’église de l’abbaye. On lui donna saint Martin pour patron, parce qu’elle occupait à peu près l’emplacement de l’ancien monastère des filles du même nom, d’où est venu le nom de bourg de Saint­Martin-lès-Saint-Marien.

Depuis la démolition, du temps des Anglais, on bâtit une chapelle en l’honneur de saint Cosme et saint Marien, dont les restes subsistaient encore en 1650, sous le nom de Saint­Adrien.

L’église paroissiale de Saint-Martin-lès-Saint-Marien, qui fut reconstruite sans doute après les guerres civiles du XVIe siècle, n’avait que 38 pieds de longueur sur 13 pieds 6 pouces de largeur dans oeuvre. Elle était construite en moellons et peu élevée. On y arrivait par une avenue qui partait du chemin de l’Yonne. Elle fut vendue et démolie dans la Révolution.

 

La Ruelle Saint-Cosme et le Champ Saint-Cosme sont deux noms fréquents dans les titres du XVe et du XVIe siècle. Les moines de Saint-Marien donnèrent à bail les terres qui tenaient à leur clos pour y faire des jardins. Des mariniers habitaient alors de ce côté de l’Yonne. On trouve un Jean Guiart en 1493. En 1530, le « champ de Saint-Cosme et ancienne situation de l’abbaye, » était encore bien connu , il tenait d’un long à la chapelle Saint-Adrien et par devant à l’Yonne.

Les moines avaient aussi des tanneries sur le chemin qui conduisait de l’abbaye à celui de Seignelay, et des fours. Ces deux établissements touchaient au monastère ; ils étaient détruits avant 1534. N’oublions pas que le droit de basse justice appartenait à l’abbé dans l’enceinte du monastère et les héritages environnants, en vertu des chartes des comtes.

   

Le Port et la maison Gerbaut. —Belleforest, dans sa Cosmographie, a rendu célèbre la Maison-Gerbaut. C’était une belle construction élevée sur le bord de l’Yonne par Etienne Gerbaut, riche marchand d’Auxerre.

En l’an 1538, il prit à bail des moines de Saint-Marien un arpent de vigne au Champ de Saint-Cosme, mais comme le terrain ne comportait pas la culture de la vigne, il offrit d’y édifier une bonne maison de 8 à 900 livres si l’abbé voulait lui céder le terrain à perpétuité, ce qui eut lieu en effet moyennant 25 sous de rente. Le terrain tenait à la ruelle de Saint-Cosme ; ce fut l’origine d’un petit château figuré dans Belleforest, et qui était en face du port de Saint-Loup. Il représente un petit castel flanqué de quatre tours crénelées et placé au fond d’un clos entouré de murs. Sur le devant, auprès de la rivière, est un édifice surmonté d’un clocher qu’on peut prendre pour celui de la chapelle de Saint-Cosme. En 1560, le fils d’Etienne Gerbaut prenait le titre de seigneur de Champlay et de la Basse-Maison, et était receveur et voyer de la ville de Paris. Il prit à bail des moines un terrain contigu à son jardin et l’entoura de murs comme le reste de son domaine. Le nom de la Basse-Maison avait été donné à cet édifice qui était devenu un fief relevant du roi. Il était gardé militairement en 1589.

Mais en 1590, la « belle maison du Port-Gerbant » dut être démolie, par ordre du sieur de Pluvault, pour qu’elle ne pût fournir aux royalistes de moyens d’attaquer la ville. Sept ans après il n’en restait plus que des ruines.

A côté du moulin Brichou, dont il est question plus bas, était le Château des Choux, édifice dont l’existence est certaine, mais dont l’origine et les anciens maîtres sont tout à fait inconnus, à moins qu’on ne veuille en voir un dans ce Guillaume de Chau, qui vendit le moulin de Brichou à l’abbaye Saint-Marien, en 1164.

En 1559, il en est fait mention dans les chartes de Saint-Marien. En 1574, messire Etienne Gerbaut, alors notaire et secrétaire du roi, greffier du bailliage d’Auxerre, qui était natif de cette ville, « et y portoit bon zèle et amitié, donna aux habitants le lieu et place de présent en masure sur une motte entourée de fossés, appelée le Château des Choux, avec cinq ou six arpents de terre et pré aux alentours. » Le pré tenait d’un long au bief du moulin Merle ou de Brichou.

Cette cession avait pour but l’établissement d’un hôpital pour les pestiférés. Le donateur offrit en outre d’acheter un arpent de terre près du chemin attenant à la rivière, pour qu’on pût y bâtir l’hôpital.

Lorsqu’en 1630, on voulut rétablir une bonne administration dans l’hôpital et la Maladerie, on s’aperçut que les bâtiments de la Maladerie avaient été ruinés pendant les derniers troubles, et que les voisins du Château des Choux en avaient démoli les murs de clôture pour entourer leurs propres héritages (Archives de L’Yonne, Hospice d’Auxerre). Six ans après, la peste sévissant à Auxerre, on voulut, pour ne pas jeter l’alarme dans la ville en rouvrant l’hôpital Saint-Roch, sur la rive droite de l’Yonne, au-dessous du moulin Judas, transférer les malades au Château des Choux; mais ce lieu étant très humide et marécageux, il fallut revenir à Saint-Roch.

Depuis ce temps, on abandonna le Château des Choux; cependant il en est encore fait mention dans l’estimation du moulin Brichou ou Petitjean, en l’an IV. On dit qu’il y avait « un petit chemin de pied pour conduire du moulin au Château des Choux. » Mais il n’est point parlé des bâtiments qui n’existaient plus.

  Le moulin Brichou rappelle le pré de la Vierge de l’Eau, nom cher aux Auxerrois, lieu de fête champêtre. Cette fête se célébrait autrefois par toutes les classes de la société. Chaque famille partait de bonne heure pour le pré de la Vierge de l’Eau, et munie de provisions de vivres, elle se préparait à bien festoyer ce saint jour. Après la messe à la chapelle, la foule se portait aux joûtes et aux spectacles en plein vent, et l’on rentrait le soir à la ville fort content de sa journée.

La fête de la Vierge de l’Eau ou de là l’Eau, est à peu près abandonnée depuis la création de la fête de Saint-Germain et de Saint-Etienne, qui se célèbre au commencement du mois d’août, et dont le siége principal est sur le vaste emplacement qui est on dehors de la porte du Temple.

   

L’abbaye des Is1es. — L’abbaye des Isles occupait autrefois le lieu de la ferme du même nom, sur la rive droite de l’Yonne. C’est encore là un souvenir des temps du moyen-âge. Les religieuses cisterciennes des Isles y avaient été transférées du monastère des Celles, paroisse de Saint-Georges, par le comte Gui et la comtesse Mathilde, vers 1229. Le climat s’appelait alors Orgelaine; quatre îles en dépendaient, d’où vint le nom des Isles qui fut donné au nouveau monastère. Les familles nobles de l’Auxerrois y plaçaient volontiers leurs filles comme religieuses, et la maison acquit, par les dotations qui s’ensuivirent, une certaine importance.

Un acte de 1254 donne au couvent le nom de Beatoe Mariae de Cellis in Insulis. Les îles dont il s’agit ont disparu, soit par suite d’attérissements, soit par l’envahissement de la rivière.

Les guerres du XIVe et du XVIe siècle ont dû causer de grands dommages aux religieuses. Lors de la peste de 1632, elles se retirèrent à Pontigny, dont l’abbé était parent de leur supérieure. En 1636, l’évêque Séguier les décida tout à fait à quitter leur antique résidence et à demeurer dans la ville, dans la rue de Paris, à l’angle de la rue Dampierre.

Les bâtiments conventuels abandonnés furent convertis en ferme. On n’y voit plus rien de remarquable, si ce n’est cinq écussons gravés sur des pierres trouvées dans les fouilles, et qui appartenaient à quelques personnages nobles inhumés dans le monastère.

Le nouveau pont sur 1’Yonne, qui va faire communiquer la route nationale n° 6, au-dessous de l’hôpital, avec la gare du chemin de fer, traverse la rivière en face de l’ancienne abbaye Saint-Marien. Il ouvrira pour les quartiers du nord de la ville une artère favorable à la circulation.

N’oublions pas, en passant en revue les souvenirs locaux du quartier, la petite maison qui touche au pont, sur la rive droite de l’Yonne. C’est là qu’habita pendant de longues années, et jusqu’à sa mort, en 1838, un vieil Auxerrois d’adoption, le P. Chapet, ancien oratorien, savant humaniste qui faisait les délices de tous ceux qu’il voulait bien admettre à ses conversations.

Sa bibliothèque était richement pourvue de livres classiques, mais il n’en prêtait guère. Pour s’en défendre il avait sur sa cheminée une inscription ainsi conçue :

« Si vis legere, ite ad vendentes et emitte vobis. »  

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