RUE MARIE NOËL

COUVENT DES JACOBINS

 

Nous voici descendus dans la plaine qui commence au pied du vieil Auxerre, et qui s’étend du côté du sud.

La rue Valentin tire son nom d’une croix dédiée à saint Valentin qui y existait autrefois (Abbaye Saint-Julien, an 1703) et que l’on voit sur le plan d’Auxerre de Belleforest. Au bas de la rue Paul Bert existait, dès le XVIe siècle, au n0 33, le grand hôtel de la Madeleine voisin de la cour des Jacobins. On y remarquait encore, au début du XIXe siècle, une grande porte de style renaissance.

Le couvent des Pères Dominicains ou Jacobins avait sa principale entrée dans cette rue qu’on appela aussi la rue des Jacobins. C’est aujourd’hui la maison occupée par la Trésorerie générale. Son heureuse disposition, ses vastes jardins en font une résidence sans pareille dans la ville. Les religieux, voulant jouir de la vue de la campagne sans sortir de leur couvent, avaient fait élever à l’une des extrémités du clos, du côté des murs de la ville, un monticule d’une certaine grandeur qui existe encore entouré d’arbres et de broussailles.

Les Jacobins furent appelés à Auxerre, dès l’an 1244, par Amicie, comtesse de Joigny et son fils Gaucher, qui obtinrent par échange du Chapitre Saint-Etienne la place ou ils s’établirent (Archives de l’Yonne, Fonds des Jacobins).

Lebeuf fait remarquer que, comme les Cordeliers, ils occupaient beaucoup de terrain dans la ville, mais qu’ils y rendirent des services considérables. En effet, le couvent des Jacobins était célèbre. Il en sortit au XIVe siècle plusieurs prélats, tels que Guillaume de Valan, évêque d’Evreux et Maurice de Coulanges-les-Vineuses, évêque de Nevers, etc.

Les Jacobins avaient reçu de saint Dominique un habit que la Vierge elle-même avait, dit-on, montré au B. Renaud d’Orléans. Il consistait en une robe blanche avec un scapulaire de même couleur auquel était attaché le chaperon. Ils prirent aussi la chape et le chaperon noir se terminant en pointe comme celui des Chartreux.

Mahaut II, comtesse d’Auxerre, favorisa le couvent des Jacobins en lui attribuant la direction d’un petit collège dit des Bons-Enfants, (Voir. la rue Milliaux), pour la fondation duquel elle leur fit don du cimetière des Juifs en 1253.

Ils assistaient chaque année, au XVe siècle, à une touchante cérémonie. Le jour des Morts, les fidèles faisaient à leur église paroissiale les offrandes d’un grand pain pour les pauvres. Les six curés de la ville proprement dite portaient ces pains à l’hôpital de la Madeleine, en la chapelle saint Michel, où le prieur de Saint-Amatre le bénissait. De leur côté, les administrateurs achetaient 70, 80 et même 100 bichets de blé qu’ils faisaient convertir en pain destiné « aux pauvres gens indigents afin qu’ils prient Dieu pour ceux qui ont fondé lesdites Charités » (Compte de l’Hôtel-Dieu de 1474). On portait ensuite toute cette provision dans une cuve devant la porte des Jacobins où la distribution s’en faisait aux pauvres.

Les curés recevaient 7 sous pour les peines d’avoir apporté le pain de leurs paroisses, et les administrateurs dînaient ensuite ensemble, comme c’était l’usage, pour se dédommager de leurs soins.

L’entrée du couvent des Jacobins donne bien sur la rue, mais il faut traverser une longue avenue d’acacias pour arriver aux bâtiments; je ne dirai rien de leur état actuel, parce qu’ils sont tout à fait modernisés. L’église, qui est réduite à l’état de magasin, datait du XIVe siècle (Archives de l’Yonne, Jacobins). Elle avait 108 pieds de longueur dans oeuvre, sur 32 pieds 6 pouces de largeur, et 36 pieds environ de hauteur, l’entablement compris. Elle était construite en partie en moellons. Lors de la prise d’Auxerre en 1567, les Huguenots voulaient brûler ou au moins découvrir cette église. Elle fut rachetée par une pieuse dame du voisinage nommée Jeanne Leroy. Mais ils firent main basse sur l’argenterie du couvent qu’un religieux menacé de mort leur fit découvrir. Il y avait dans cette église plusieurs confréries. En 1581, Nicolas Use, peintre à Auxerre, décora les murailles de la chapelle de sainte Barbe en y représentant de nombreux sujets de l’histoire de saint Ursin et d’autres pieuses légendes.

Les Jacobins étaient spécialement les propagateurs de la confrérie du Rosaire. Celle d’Auxerre était nombreuse au XVIIe et au XVIIIe siècle.

Ils fournirent, dans les premières guerres de religion, un prédicateur célèbre, le P. Divolé, qui, nouveau Jérémie, signalait hardiment les tendances des principaux officiers à livrer la ville aux Huguenots, et prédisait les malheurs et la ruine qui menaçaient les églises. Aussi, lorsque les Huguenots se furent emparés de la ville, ils firent cruellement souffrir le vieux moine, le dépouillèrent de ses vêtements et le promenèrent ainsi dans les rues et le menacèrent de mort. Son âge le fit échapper à ce dernier péril.

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