RUE PHILIBERT ROUX ET PAROISSE SAINT-REGNOBERT |
Saint
Regnobert, évêque de Bayeux au VIIe siècle, a donné son nom à une paroisse
de la ville d’Auxerre, et par suite à cette rue qui conduisait devant l’église
du même nom. Les Juifs y avaient au XIIe siècle leur synagogue. Le comte
Pierre de Courtenay les ayant chassés de la Cité, vers l’an 1206, à
l’invitation de l’évêque Hugues de Noyers, transforma leur temple en église,
et y fit ériger d’abord deux autels à saint Nicolas et à saint Antoine,
puis il démolit entièrement l’édifice et y éleva une église qui fut
consacrée à saint Regnobert (Lebeuf, Prise d’Auxerre, p. 205). Dès
l’an 1234, un chanoine tortrier prenait à rente une maison « sise devant
l’église Saint-Regnobert » (Cartulaire du pitancier de
Saint-Germain, p. 8, Bibliothèque d’Auxerre). Mais où
est-elle cette église où notre savant Lebeuf apprit à lire les vieilles écritures, en chantant au lutrin dans les
antiphoniers gothiques ? Il n’en reste plus de vestiges aujourd’hui. Un
vaste jardin à l’angle des rues Philibert Roux et Joubert
en marque la place. Lebeuf
dit que cette église avait été reconstruite du temps de François 1er et de
Henri II, et il ajoute que sa structure était du genre de celle qu’on nomme enriciastique (C’est-à-dire du temps de Henri
II. ( Voyez Lebeuf, Prise
d’Auxerre, p.52, une curieuse notice sur la classification des styles
d’architecture du moyen âge). En 1541 ,
Jean Alacre, dit d’Amboise, était maître-maçon de l’œuvre de
Saint-Regnobert, et y travaillait activement (Minutes d’Armant, notaire, E,
Archives de l’Yonne). L’église longeait la rue et se composait d’une nef
et d’un chœur avec bas-côtés ; chapelles à droite et à gauche en entrant.
Elle avait 109 pieds de longueur, 46 pieds de largeur hors oeuvre, non compris
les chapelles. La tour ou clocher, à côté du portail, était fort belle et
s’élevait à 82 pieds de haut, y compris la balustrade qui la couronnait;
elle avait 18 pieds sur 17 de largeur, et les murs portaient 2 pieds 9 pouces
d’épaisseur (Procès-verbal d’expertise du 26 février 1792). L’église
fut vendue le 30 avril 1792, moyennant 45.300 livres, à Melle Cuisin, qui avait
l’intention de la conserver, mais elle fut démolie peu après. Ce monument offrait autrefois plusieurs objets
remarquables. Il y avait en haut du portail une statue de Mars antique à
mi-corps, qu’on nommait vulgairement le Coquillon; Montfaucon en parle dans ses
Antiquités. La chapelle Sainte-Anne possédait une magnifique statue de sa patronne, que
les amateurs venaient voir. La paroisse Saint-Regnobert comprenait les rues de
l’Horloge et de Philibert Roux, la
place de l'hôtel de ville et la rue
Fourier, ainsi qu’une partie de la rue Fécauderie
et la rue des Cordeliers.
La maison n°
3, appartenait, au XIXe siècle à M.
Lepère, était au XVIe siècle la demeure du fameux ligueur Tribolé. Elle est
dans le style de la Renaissance, à deux étages, ionique au rez-de-chaussée et
composite au premier. Aux angles sont deux gargouilles très belles, figurant
des chimères. Sur le fronton d’une fenêtre du grenier la date :1576. Auxerre a la chance de posséder quelques rares édifices civils de la Renaissance. Qui connaît cette façade — ou, plus précisément, la partie supérieure de cet édifice, la partie inférieure étant outrageusement dissimulée par une adjonction moderne — qui se dresse au N° 3 de la rue Philibert-Roux ? Les réminiscences antiques frappent dès l’abord pilastres cannelés surmontés de chapiteaux corinthiens rythmant l’ensemble, entablement, couronnement des lucarnes, mufles, termes. Au-dessus des fenêtres, un thème décoratif répété trois fois une palmette florale que l’on appelle improprement « chou bourguignon » ici, en forme de scorpion et très proche des « choux » ornant la façade de la maison Milsand à Dijon.
Par bonheur, la date de construction est connue ; elle figure au linteau de l’une des fenêtres ouvrant sur les combles : 1576, donc sous le règne de Henri III, à l’époque que l’on a coutume d’appeler, en art, la Seconde Renaissance. Remarquez où se niche l’essentiel de la décoration : aux lucarnes Des cariatides et des termes, au pittoresque gaillard, en animent les jambages ; les flancs sont garnis de grosses volutes d’acanthe, comme à Blois. Nombre de propriétaires, qui n’avaient pas les ressources nécessaires pour agrémenter de sculptures tout l’extérieur, se permettaient une agréable fantaisie dans les parties hautes. Sur l’entablement, des mufles de lions, sourcilleux et camus, des masques ailés comme à l’hôtel Le Compasseur, à Dijon. Ce répertoire ornemental — termes, cariatides, mufles, têtes ailées, choux — fait inévitablement penser à l’art de Hugues Sambin (1520-1601) et aux demeures dijonnaises qui ont été édifiées sous sa direction ou à son imitation. Il existe plus
bas une maison, n° 8 et 10, qui s’est accrue vers 1840 de parties considérables
et de belle apparence. Elle appartenait alors à MM. Piétresson, notaire, et Métairie,
vice-président du tribunal civil. Le Chapitre d’Auxerre possédait autrefois
ce vaste emplacement, qui donnait sur les deux rues de Philibert Roux et de la Fécauderie.
En 1486 il y avait dans l’une des maisons du Chapitre un jeu de paume, qui
subsista plus d’un siècle. Au XVIe siècle,
l’hôtellerie de la Souche, vaste maison qui communiquait dans la
rue Fourier, était en face de l’église Saint-Regnobert. On voyait
encore, au XIXe siècle, dans la cour du n° 45, un saint Nicolas
sculpté sur un pilier. Les
philosophes de la Révolution avaient appelé cette rue du nom d’Helvétius. On a réuni,
au XIXe siècle, à la rue Saint-Regnobert, la rue Porte-Pendante, dont elle est le prolongement. Le nom de cette
dernière vient encore d’une porte de clôture du cloître du Chapitre cathédral,
qui était établie à peu de distance de la rue de Milan. |
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