PLACE DE LA PRÉFECTURE |
Ces recherches furent la cause d’une aventure que nous ne pouvons négliger
de raconter. M. Précy était donc occupé à ces fouilles, lorsqu’arriva M.
Deschamps de Charmelieu, receveur des finances du comté d’Auxerre, homme vain
et orgueilleux au possible. « Ah! s’écria-t-il, ils trouveront là de
vieilles sandales et des crânes pourris. » — Eh de grâce, répliqua l’abbé
Précy, qui n’était pas d’une humeur commode, Monsieur de Charmelieu,
laissez-nous donc tranquilles. Sachez donc qu’il y a des crânes pourris qui
méritent bien notre vénération ; s’il s’agissait du vôtre, nous le
laisserions pour ce qu’il est. » Sur quoi M. de Charmelieu riposta aigrement
et finit par cette menace « Vous êtes bien heureux d’être prêtre! » Mais la rancune de M. de Charmelieu eut des suites, et se traduisit par
une volée de coups de canne qu’il fit donner par son laquais Maurice, dans la
rue du Temple, à l’abbé Précy. L’affaire ne pouvait se terminer comme
cela, et l’abbé intenta à M. de Charmelieu, civilement responsable de ses
gens, un procès au bailliage de Sens en dommages-intérêts. Les juges de Sens,
saisis de l’affaire pour cause de suspicion légale des juges d’Auxerre, qui
étaient parents de M. de Charmelieu, condamnèrent ce dernier à 40.000
livres de dommages-intérêts envers l’abbé Précy, qui trouva très joli
de faire élever une maison avec cette somme dans la rue Hipolythe Ribière, en face de l’hôtel
et des jardins de son ennemi. Il y avait aussi devant l’église
Notre-Dame un gros orme à l’ombre duquel les chanoines tenaient certaines
assemblées. La rue qui conduisait du haut de la cité à la Porte-Pendante longeait
l’église Notre-Dame. Dans cette rue à gauche, presqu’en face l’angle nord de la tour de la
cathédrale, était un étroit passage appelé la Goulotte, qu’on avait percé dans le mur de la Cité romaine et
qui communiquait avec la rue du quatre
septembre. Le chapitre de la Cité n’a jamais brillé d’un grand éclat, et les
Huguenots du XVIe siècle ayant gravement endommagé son église et les maisons
de ses membres, il ne put s’en relever. M. de Cicé projetait, au XVIIIe siècle,
de le transférer dans la chapelle de Notre-Dame-des-Vertus, puis sous l’arcade
qui formait l’entrée de son palais. En 1785, le corps municipal sollicitait déjà
l’évêque de démolir cet édifice et d’ouvrir une rue qui se dirigerait de
la porte nord de la cathédrale sur la rue Saint-Germain. Il alléguait
l’urgence d’assainir la tour de la cathédrale et d’ouvrir un passage au
quartier de la Marine « qui n’avait d’autre moyen d’arriver sur la place
Saint-Etienne que par la Goulotte, passage
dangereux et véritable repaire de libertinage à la nuit venue. » La Révolution
mit fin à son embarras et la première chose qu’on fit, ce fut de demander la
démolition de cette église « qui, disait-on, nuit à la salubrité de la cathédrale
et qui laisse entre elle et les murs de cet édifice un passage étroit,
dangereux à la sécurité publique, surtout dans les nuits d’hiver. » La description qu’on en fait nous apprend qu’elle était en majeure
partie bâtie en moëllons, et plusieurs piliers butans n’étaient qu’en
petites pierres de taille et leur massif aussi en moëllons. On en estima les
matériaux 800 livres, et bientôt le marteau des démolisseurs sous les
ordres de Simon Boyer, adjudicataire, ancien domestique du collège en 1763, la
jeta à bas en 1791. Elle était, dit-on dans la délibération, en ruine,
nuisible à la cathédrale dont elle interceptait l’air, et ses environs étaient
le repaire des libertins qui, la nuit, insultaient les passants (Voyez Archives
de 1’Yonne, E, minutes de Charmoy, notaire, en 1570.) Sa suppression facilita l’ouverture d’une voie de communication,
devenue nécessaire par suite de l’établissement du nouveau siége de
l’administration départementale. La cathédrale fut dégagée et présenta
l’aspect de son beau portail nord devant lequel le chapitre Saint-Etienne
recevait, au XVe siècle, les cens qui lui étaient dus à Auxerre. Le contre-fort gauche de ce portail soutenait autrefois une chapelle dite
des Quatre-Couronnés. On en voit encore la marque à la teinte plus neuve de la
base du contre-fort. Elle était en ruine en 1796 et fut démolie. La chapelle de Saint-Jean-Baptiste, l’une des trois églises qui composaient la cathédrale dans les temps primitifs, était bâtie entre Saint-Etienne et Notre-Dame. Elle fut transférée dans l’intérieur de la cathédrale lors de la reconstruction de cet édifice au XIIIe siècle. |
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