PLACE DE LA PRÉFECTURE

Anciennement place du département, cette dénomination était due à ce qu’on appelait improprement le département l’administration départementale qui s’installa dans les bâtiments de l’évêché en 1790. Cette place n’existait pas avant cette époque. On y voyait une église dite de Notre-Dame de la Cité et l’une des trois parties de la cathédrale. Elle existait avant l’an 820, puisqu’à cette date l’évêque Angelelme en revêtit l’autel de tables d’argent; après plusieurs vicissitudes, elle fut agrandie par Hugues de Noyers, à la fin du XIIe siècle. Il y avait des chanoines qui étaient gouvernés alors par un prévôt dépendant de la cathédrale. Lebeuf rapporte que le bâtiment qui subsistait de son temps était en grande partie celui qu’avait élevé Hugues de Noyers. Mais le rond-point et le chœur avaient été rétablis après les ruines des Huguenots, en 1567 seulement ; on avait rétréci ces parties, de sorte qu’on y forma un passage qui conduisait à la cathédrale. On a toujours pensé que les corps des évêques Héribert et Hérifrid étaient enterrés en cet endroit. En 1760, l’abbé Précy, de la société des Sciences d’Auxerre, sollicita pour qu’on y lit des fouilles. On y trouva les squelettes de trois grands corps et un reliquaire portant une inscription de dix lettres romaines qui exercèrent en vain la sagacité des antiquaires d’Auxerre et de Paris (Voyez registre de la Société des Sciences, bibliothèque d’Auxerre, p. 55, n0 149.)

Ces recherches furent la cause d’une aventure que nous ne pouvons négliger de raconter. M. Précy était donc occupé à ces fouilles, lorsqu’arriva M. Deschamps de Charmelieu, receveur des finances du comté d’Auxerre, homme vain et orgueilleux au possible. « Ah! s’écria-t-il, ils trouveront là de vieilles sandales et des crânes pourris. » — Eh de grâce, répliqua l’abbé Précy, qui n’était pas d’une humeur commode, Monsieur de Charmelieu, laissez-nous donc tranquilles. Sachez donc qu’il y a des crânes pourris qui méritent bien notre vénération ; s’il s’agissait du vôtre, nous le laisserions pour ce qu’il est. » Sur quoi M. de Charmelieu riposta aigrement et finit par cette menace « Vous êtes bien heureux d’être prêtre! »

Mais la rancune de M. de Charmelieu eut des suites, et se traduisit par une volée de coups de canne qu’il fit donner par son laquais Maurice, dans la rue du Temple, à l’abbé Précy. L’affaire ne pouvait se terminer comme cela, et l’abbé intenta à M. de Charmelieu, civilement responsable de ses gens, un procès au bailliage de Sens en dommages-intérêts. Les juges de Sens, saisis de l’affaire pour cause de suspicion légale des juges d’Auxerre, qui étaient parents de M. de Charmelieu, condamnèrent ce dernier à 40.000 livres de dommages-intérêts envers l’abbé Précy, qui trouva très joli de faire élever une maison avec cette somme dans la rue Hipolythe Ribière, en face de l’hôtel et des jardins de son ennemi. Il y avait aussi devant l’église Notre-Dame un gros orme à l’ombre duquel les chanoines tenaient certaines assemblées.

La rue qui conduisait du haut de la cité à la Porte-Pendante longeait l’église Notre-Dame.

Dans cette rue à gauche, presqu’en face l’angle nord de la tour de la cathédrale, était un étroit passage appelé la Goulotte, qu’on avait percé dans le mur de la Cité romaine et qui communiquait avec la rue du quatre septembre.

Le chapitre de la Cité n’a jamais brillé d’un grand éclat, et les Huguenots du XVIe siècle ayant gravement endommagé son église et les maisons de ses membres, il ne put s’en relever. M. de Cicé projetait, au XVIIIe siècle, de le transférer dans la chapelle de Notre-Dame-des-Vertus, puis sous l’arcade qui formait l’entrée de son palais. En 1785, le corps municipal sollicitait déjà l’évêque de démolir cet édifice et d’ouvrir une rue qui se dirigerait de la porte nord de la cathédrale sur la rue Saint-Germain. Il alléguait l’urgence d’assainir la tour de la cathédrale et d’ouvrir un passage au quartier de la Marine « qui n’avait d’autre moyen d’arriver sur la place Saint-Etienne que par la Goulotte, passage dangereux et véritable repaire de libertinage à la nuit venue. » La Révolution mit fin à son embarras et la première chose qu’on fit, ce fut de demander la démolition de cette église « qui, disait-on, nuit à la salubrité de la cathédrale et qui laisse entre elle et les murs de cet édifice un passage étroit, dangereux à la sécurité publique, surtout dans les nuits d’hiver. »

La description qu’on en fait nous apprend qu’elle était en majeure partie bâtie en moëllons, et plusieurs piliers butans n’étaient qu’en petites pierres de taille et leur massif aussi en moëllons. On en estima les matériaux 800 livres, et bientôt le marteau des démolisseurs sous les ordres de Simon Boyer, adjudicataire, ancien domestique du collège en 1763, la jeta à bas en 1791. Elle était, dit-on dans la délibération, en ruine, nuisible à la cathédrale dont elle interceptait l’air, et ses environs étaient le repaire des libertins qui, la nuit, insultaient les passants (Voyez Archives de 1’Yonne, E, minutes de Charmoy, notaire, en 1570.)

Sa suppression facilita l’ouverture d’une voie de communication, devenue nécessaire par suite de l’établissement du nouveau siége de l’administration départementale. La cathédrale fut dégagée et présenta l’aspect de son beau portail nord devant lequel le chapitre Saint-Etienne recevait, au XVe siècle, les cens qui lui étaient dus à Auxerre.

Le contre-fort gauche de ce portail soutenait autrefois une chapelle dite des Quatre-Couronnés. On en voit encore la marque à la teinte plus neuve de la base du contre-fort. Elle était en ruine en 1796 et fut démolie.

La chapelle de Saint-Jean-Baptiste, l’une des trois églises qui composaient la cathédrale dans les temps primitifs, était bâtie entre Saint-Etienne et Notre-Dame. Elle fut transférée dans l’intérieur de la cathédrale lors de la reconstruction de cet édifice au XIIIe siècle.

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