PLACE SAINT-ETIENNE |
Cette place était jadis plus petite qu’à présent et elle n’avait
pas sa forme actuelle. Il ne faut pas oublier qu’avant le XIe siècle elle
s’avançait beaucoup sur l’emplacement de la cathédrale, qui ne prit un
grand développement qu’à cette époque. On abattit plusieurs maisons pour
l’agrandir, mais
elle se ressent toujours de sa
disposition primitive. L’axe de la rue qui y conduit
ne s’adapte pas avec celui de la cathédrale, preuve, comme nous l’avons déjà
dit, que la ville lui est antérieure. Son nom lui vient de
celui de la cathédrale, dont la façade en est un des côtés. C’est aujourd’hui
le seul monument resté debout, encore n’est-ce pas la faute de certains
patriotes de 93. On voyait au XII siècle, dans le haut de la place, une chapelle dédiée
à saint Etienne, pape et martyr, et qu’on appelait chapelle de
Saint-Étienne-le-Petit,
pour la distinguer de la cathédrale. Lebeuf pense qu’elle a pu servir de
paroisse aux habitants du quartier jusque vers 1240. Elle fut réunie à l’église
Saint-Regnobert après le XIIe. siècle.
La chapelle Notre.Dame-des-Vertus s’élevait en premier lieu contre la
porte sud du grand portail de la cathédrale. C’est là que le roi Jean,
passant à Auxerre en 1304, fit sa prière, assisté de l’évêque Jean
Germain. Cet oratoire était très célèbre. Au
XVIe siècle, le Chapitre éleva à côté de la tour de la cathédrale une
charmante chapelle de style renaissance dont il subsiste encore le fond de
l’abside, qui porte la date de 1505. Elle était couverte de plomb et surmontée
d’une croix de même métal, dorée de fin or par Germain Michel. Sous l’évêque
Séguier on l’orna de statues. La voûte de ce petit monument s’écroula en
1780, par l’imprudence de l’entrepreneur qui était chargé de la réparer. A
gauche de la tour nord de la cathédrale était l’hôpital de Saint-Etienne,
le Xenodochium dont parle déjà l’évêque
Âymar au VIIIe. siècle, et qui eut sa dotation particulière jusqu’au XVIe
siècle. Cette maison a appartenu, au XVIIIe siècle, au savant chanoine
Potel.
On y remarque un joli campanile renaissance. Elle a appartenu au siècle suivant
à Mme Duru. M. Duru y avait réuni une riche collection
d’objets d’art et d’antiquités. La
place Saint-Etienne est féconde en souvenirs. Nous pouvons peut-être y placer
le fameux arbre auquel saint Germain faisait suspendre les têtes des bêtes
fauves qu’il avait tuées à la chasse. Quoi qu’il on soit, lorsque le
Chapitre eut été constitué distinctement avec ses biens et
prérogatives, c’est là qu’il se réunissait dans l’été pour
prendre le plaisir de la promenade. C’était sur cette place qu’arrivaient de l’abbaye
Saint-Germain,
au milieu du parvis, les évêques, intronisés par les quatre premiers barons
du diocèse, et portés sur leurs épaules en grande cérémonie. On y jouait quelquefois des mystères,
on y tirait des feux de joie dans les grandes circonstances, et surtout on y
élisait l’Abbé des Fous, chaque année, sous l’orme, le 18 juillet, en présence
de la foule assemblée. On trouve à ce sujet, dans les poésies de Roger de
Collerye, chanoine
d’Auxerre à la fin du XVe siècle, des vers burlesques qui en disent plus que
toutes les descriptions. Les voici: « Sortez, saillez, venez de toutes parts, Sottes et Sots plus prompts que lyépars, Et écoutez notre cry magnifique. Laissez chasteaux, murailles et remparts, Et vos jardins et vos clos et vos parcs, Gros usuriers qui avez l’or qui clique, Faites fermer, marchans, votre boutique, Grans et petitz destoupez vos oreilles, Car par l’abbé, sans quelconque trafique, Et ses suppostz, orrez demain merveilles. N’y faillez pas, messieurs de la justice. Et vous aussi, gouverneurs de police. Admenez y vos femmes sadinettes, ……………………………………
« Vous y viendrez sans flacons et bouteilles Car par l’Abbé (sans porter ses lunettes) Et ses suppostz, orrez demain merveilles. Marchans, bourgeois, vous gens de tous mestiers, Bouchers, barbiers, cordonniers, savetiers, Trompeurs, flûteurs, joueurs de chalumeaux. Trouvez-vous, aussi menestriers, ……………………. couratiers, Et apportez de vos bons vins nouveaux. Badins, touyns, aussi mondains que veaux, Vous, vignerons, laissez vignes et treilles, Car par l’abbé, sans troubler vos cerveaux, Et ses suppostz, orrez demain merveilles. Fait et donné en ung beau jardinet, Tout au plus près d’un joly cabinet, Où bons buveurs ont planté maint rosier, Scellé en queue, et signé du signet, Comme il appert, de Desbride-Gosier. Dans le moyen-âge, les condamnés à mort ou aux galères et les
individus convaincus d’hérésie étaient amenés sur une charrette devant la
cathédrale, une torche de cire à la main, pour faire amende honorable à Dieu
et aux hommes (Archives de la Côte-d’or, B. Comptes du domaine à Auxerre.). Dans les temps modernes, parmi les faits dont cette place a été le théâtre, on a vu, aux Cents-Jours, Napoléon arrivant à Auxerre y passer la revue de sa vieille garde et des quelques régiments qui l’accompagnaient. Il portait le costume historique composé de la redingote grise et du petit chapeau. Il montra encore, dans cette occasion, son esprit soigneux et économe. Il avait revêtu d’abord un costume et un chapeau propres, lorsqu’étant arrivé près de la tour de l’église il s’aperçut que la pluie menaçait. « Qu’on aille me chercher, dit-il, ma vieille redingote et mon vieux chapeau. » Et il s’empressa de les revêtir. |
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