PLACE
SAINT-GERMAIN |
L’enceinte murale a perdu ses créneaux, qu’une maçonnerie moderne permet encore de reconnaître. La tour d’angle seule a résisté. Mais la vieille porte à plein-cintre, qui servait d’entrée au monastère, a été abattue en 1825, malgré son vieux saint Maurice, dans lequel des amateurs ont voulu voir un guerrier romain. Il y avait aussi des arcades romanes sur le côté où s’élève aujourd’hui la clôture du lycée Saint Germain, et c’est par là qu’on entrait au monastère. Quant à l’église, elle présentait un ensemble de constructions irrégulières, dont il ne reste plus qu’une belle tour à flèche romane du XIIe siècle, isolée du reste du monument de plus de 38 mètres. Cette disposition serait inexplicable si l’on ne savait que la pauvre église de Saint-Germain, après avoir échappé plusieurs fois à la démolition, pendant et depuis la révolution, était devenue une trop lourde charge pour les hospices qui s'y étaient installés. Un architecte parisien, M. Blanchon, prétextant de l’état de vétusté où était la nef, en proposa la démolition, qui fut exécutée en 1812. Que saint Germain lui pardonne ! Mais il est heureux que ce ne soit pas un Auxerrois qui ait commis ce vandalisme. Pour boucher la cicatrice faite à l’église, M. Blanchon imagina un maigre portail qui semble de carton-pierre, et l’adapta à la blessure. Il ne se trouva personne dans la Commission administrative, ni ailleurs pour protester contre cette décapitation du plus vénérable monument du pays! Saint Germain, évêque d’Auxerre, possédait sur le Mont-Brenn, (la montagne du chef), une habitation qui lui venait de ses pères. Il y faisait son séjour ordinaire. Il y fonda, en 425, un oratoire dédié à Saint-Maurice d’Agaune et y plaça des clercs sous la direction de Saturne, son disciple. Ce fut l’origine de l’abbaye Saint-Germain. A la mort du grand évêque, en 448, son corps, rapporté solennellement de Ravenne, y fut déposé, et il attira bientôt un grand concours de peuples. Clotilde, veuve de Clovis, voulut honorer dignement le saint, et fit élever une vaste basilique sur son tombeau. Les dons des rois et des évêques accrurent rapidement l’importance du monastère. Au IXe siècle, il devint célèbre par ses écoles dans lesquelles se pressait l’élite de la jeunesse française, et où enseignaient Héric et Rémi. Les empereurs carlovingiens visitèrent souvent l’abbaye Saint-Germain. Louis-le-Débonnaire, Charles-le-Chauve, la comblèrent de dons. Ce dernier prince assista deux fois à la translation des reliques de saint Germain; et pour honorer le saint, il fit don d’un magnifique suaire en soie, parsemé d’aigles, qu’on conserve aujourd’hui dans le trésor de l’église Saint-Eusèbe, et vint notamment invoquer le vieux général, l’évêque vainqueur des Pictes d’Angleterre la veille de la bataille de Fontanetum en 841. Des princes de la deuxième race étaient alors les abbés laïques de Saint-Germain. Conrad, l’un d’eux, fit construire, vers 843, les cryptes qui y existent encore, et qui ont reçu les corps d’un grand nombre de saints et d’évêques Auxerrois, qui forment comme la garde de saint Germain, dont le tombeau repose au milieu d’eux. Ces cryptes sont une église sous l’église, avec trois nefs, sanctuaire et chapelle absidale. Elles ont 30 mètres de longueur sur 43 mètres de largeur au passage des transepts, et 3 mètres 90 de hauteur à la voûte. Le caractère archéologique du monument ne dément pas la date que lui donne l’histoire. On y remarque, aux deux entrées, des colonnes octogones à tailloir très saillant et chapiteau ionique. Çà et là sont des tombeaux des saints évêques et d’autres personnages, violés au XVIe siècle, pour la plupart, mais dans lesquels sont encore des ossements. Au centre des cryptes est la chapelle de saint Germain, proprement dite, dans laquelle est un énorme tombeau de pierre, malheureusement vide depuis longtemps. La voûte de cette chapelle, remaniée au XVIe siècle, est portée par des colonnes à chapiteaux des temps mérovingiens. On peut voir dans la description de l’église et des cryptes de Saint-Germain, publiée en 1846 (1), la topographie détaillée de ce monument, qui a perdu beaucoup de son caractère solennel primitif, par l’application sur les murs de peintures symboliques et mystiques, dues au prieur Dom Coquelin, en 1655. (1) Description des
Saintes Grottes de l’ancienne abbaye de Saint-Germain d’Auxerre, par D.
Fournier, avec notice historique et archéologique, par M. Quantin. Auxerre
1846, in 12, pl. On a bâti, au XIIIe siècle, pour racheter la pente de la montagne et établir la chapelle terminale des cryptes, qui reçut elle-même la chapelle de l’abside de la haute église, une espèce de salle qui n’a jamais reçu la destination de l’édifice supérieur. Le château de Saint-Germain, situé sur une montagne, presqu’inaccessible de trois côtés, ne fut jamais pris par les bandes Normandes et les autres Barbares qui assiégèrent Auxerre. Le roi Robert, lui-même, ayant osé mettre le siège devant ce saint asile, en 1003, fut repoussé avec perte. Un épais brouillard l’ayant arrêté au milieu d’un assaut, le roi vit dans ce phénomène un signe de la colère de Dieu et se retira. Les Anglais ne purent pas davantage s’emparer de l’abbaye Saint-Germain en 1359, alors qu’ils étaient maîtres de la ville. Mais après que, par condescendance, les moines eurent permis aux habitants de relier leurs fortifications à celles de l’abbaye, celle-ci fut exposée aux mêmes coups que la ville. C’est ce que remarque avec regret un moine qui raconte la prise et le sac du monastère par les Huguenots, en 1567. En effet, l’abbaye fut horriblement maltraitée dans cette circonstance, et, depuis ce temps, l’église, qui y perdit tous ses vitraux, ne put s’en relever. Les moines, eux-mêmes, furent longtemps dispersés, et ils perdirent les reliques de leur saint patron. Ce ne fut qu’au XVIIe siècle que l’ordre put être rétabli dans cette maison dont les Bénédictins réformés de Saint-Maur prirent possession en 1639. Les cryptes, qui avaient été remplies de terre par les Huguenots, furent nettoyées en 1637, et l’évêque Séguier en fit la visite solennelle. La reine de Suède fut reçue dans le monastère en 1656, et Louis X1V et la reine-mère le jour de la Toussaint 1658. Pendant les deux derniers siècles, les Bénédictins soutinrent dignement à Saint-Germain la réputation de leur ordre, et les travaux manuscrits et imprimés de D. Viole, ceux de D. Bastide et de P. Fournier, sont là pour l’attester. Ils trouvèrent une belle occasion de se distinguer lorsque le roi leur confia, en 1776, la direction du collège, transformé en école militaire. D. Rosman, le dernier prieur de Saint-Germain, ne fut pas au-dessous de sa tâche et rendit de grands services à l’instruction publique du pays. Les Bénédictins portaient au XVIIIe siècle une robe noire et un scapulaire de même couleur par dessus. Au chœur et en ville ils revêtaient une coule de peu de dimension. Telle qu’elle est encore aujourd’hui, l’église de Saint-Germain n’est pas sans mérite architectural. Ses vastes et hautes nefs aux nervures grèles, et ses fenêtres rayonnantes accusent le XIVe siècle. Elle porte encore 59 mètres 60 centimètres de longueur ce qui, joint à la partie démolie, ferait un édifice de 98 mètres, la dimension d’une cathédrale. On y descend par un certain nombre de degrés qui se trouvaient autrefois à l’entrée de la nef détruite. Cette disposition est nécessitée par la pente de la montagne; à ce point qu’il a fallu construire deux cryptes l’une sur l’autre, lorsqu’en 1227 l’abbé J. de Joceval voulut rebâtir son église, en commençant par l’extrémité du chevet. La partie la plus remarquable de l’édifice est, sans contredit, le transept nord qui a servi longtemps de chapelle aux paroissiens de Saint-Loup. Il y a là une rose à compartiments très compliqués et des galeries de très bon goût. La chapelle du chevet, imitée de celle de la cathédrale, est très développée; une arcature ogivale simulée en décore les murs d’enceinte, et sur le devant s’élèvent, pour servir de soutiens aux retombées des voûtes, deux longues colonnes trop hardiment profilées pour la solidité de l’édifice, et dans lesquelles on a voulu imiter, mais avec moins de succès, la chapelle absidale de la cathédrale. La disposition générale des bâtiments du monastère n’a pas beaucoup changé par l’établissement de l’Hôtel-Dieu en 1826. Au nord de l’église sont les cloîtres reconstruits au XVIIIe siècle; sur la face Est, bâtie au XIIe siècle, où étaient les salles des vieillards, régnait le dortoir. On y voit de délicieux chapiteaux romans. L’infirmerie était en avant et parallèle au dortoir, et le réfectoire, donnant également sur les cloîtres, faisait angle droit avec ce dernier bâtiment, du côté du nord. L’abbatiale était cet édifice moderne assez gracieux qui servait de logement au directeur de l’Ecole normale. Les bâtiments des hôtes étaient plus en avant et se rapprochaient de la tour dont nous avons parlé au commencement de cet article. De vastes jardins et des cours s’étendaient dans l’espace qui a servi au XIXe siècle à deux établissements départementaux, l’Ecole normale et la Gendarmerie. Ces bâtiments sont occupés de nos jours par le lycée Saint Germain et les archives départementales L’abbaye Saint-Germain reçut, au moment de la révolution et depuis, des destinations bien diverses. Dès 1788, les Bénédictins y avaient transféré une partie des élèves de l’Ecole militaire, à cause du mauvais état du vieux collège d’Amyot. Trois ans après, Dom Rosman, le directeur du collège, y avait un pensionnat, et il sollicita et obtint de la Convention que les bâtiments de l’abbaye ne seraient pas vendus et resteraient affectés à l’enseignement public. Il sauva, on peut le dire, l’abbaye Saint-Germain de la destruction. Bientôt l’Ecole centrale y fut établie (en l’an IV), c’était une sorte de lycée, où l’on donnait une éducation complète, et il y avait même un cours de législation et un cours de bibliographie fait par le savant Père Laire. A la suppression de l’Ecole centrale, en l’an XI, on y créa une Ecole secondaire qui redevint ensuite le collège et qui rentra dans sa véritable demeure, le collège d’Amyot. L’Hôtel-Dieu, qui était de temps immémorial à la porte Chantepinot, y sembla, on ne sait pourquoi, mal installé, et ses administrateurs sollicitèrent et obtinrent sa translation à Saint-Germain. Ce fut un décret de l’Empereur, du 24 octobre 1840, qui autorisa ce grand changement. L’hospice céda ses bâtiments à l’Etat contre ceux de Saint-Germain, à l’exception de l’abbatiale et de ses jardins, qui furent vendus au Département. L’abbatiale devint d’abord le logement du directeur d’un dépôt d’étalons, pour lequel M. Leblanc a bâti, en 1820-24, ce vaste édifice qui a la forme d’un parallélogramme et s’étend depuis la rue Saint-Germain jusqu’aux murs de la ville. Cet établissement, ayant été supprimé en 1834, fut remplacé par une Ecole normale d’instituteurs, fondée en 1834. Mais on reconnut bientôt que l’édifice était mal approprié à sa nouvelle destination; on l’abandonna pour élever de nouveaux bâtiments au centre des jardins de Saint-Germain, qui s’adapteraient à d’autres, existant le long des murs d’enceinte, afin d’installer convenablement l’Ecole. La pose de la première pierre de l’édifice, qui n’a rien de monumental, fut faite en 1844 par M. de Bondy, alors préfet, zélé pour les améliorations. On y plaça une inscription latine, relatant l’ancienne et la nouvelle destination des lieux : Quem olim institutœ in abbatia Sancti-Germani scholœ illustraverunt, Nunc
scholœ normalis dictœ ad usum destinata ut ibidem informarentur idonei, peritique magistri, qui, accepta disciplinarum beneficia, provinciœ populis vicissim dividerent, edificata est domus; Curante Domino comite T. de Bondy, viro haud ignaro, scientiarum fautore,
Icaunensis provinciœ prœfecto; dominis Gallois, Tambour, Charié, Challe et
Bazot, scholœ inspectionis partes habentibus,, Badin regente. Anno Domini M. DCCCXLI. Enfin la gendarmerie départementale a été transférée dans l’ancien bâtiment du dépôt d’étalons en 1844. Ainsi, trois établissements publics importants tenaient à l’aise dans l’enceinte du monastère de Saint-Germain. Non loin et au-dessous de l’église de Saint-Germain, s’élevait l’église de Saint-Loup, qui dépendait de l’abbaye. Il existe à la Bibliothèque nationale, manuscrits Bourgogne, t. III, Auxerre, plusieurs dessins au crayon rouge reproduisant le portail roman et le porche de même style, en saillie de l’église Un dessin de la tour détruite, dite de Saint-Maurice, la représente dépourvue de baies jusqu’aux 2/3 de la hauteur. A ce point sont deux rangs de baies cintrées en style du IXe siècle; au-dessus à chaque étage deux lucarnes circulaires. — Archives de l’Yonne, vue cavalière de l’église, au crayon rouge (XVIIIe siècle).— Deux dessins au crayon inédits, par F. A. Pernot, 1834, de l’église prise du côté du quai et sur la façade. (Coll. Monceaux). |
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