RUE DE PARIS

( EN PARTIE )  

C’est une des artères principales d’Auxerre. Par là arrivaient les nouvelles de Paris et pour ainsi dire l’existence de chaque jour ; par laquelle la cité intérieure envoyait à Paris ses produits en échange de ceux que la grande ville lui adresse. Mais tout cela a bien changé depuis l’établissement du chemin de fer ! Revenons à l’histoire du passé.

Le nom de Saint-Siméon avait été donné depuis longtemps à cette rue à cause d'une maladrerie et d’une chapelle de même nom qui s’élevait sur le bord de la route de Paris, à quelque distance de la ville, au sommet de la côte. Nos pères procédaient dans la désignation des rues d’une manière fort naturelle. Ici, par exemple, par suite de la communication immédiate de la rue à la route et de la route à la chapelle, le nom de Saint-Siméon fut bientôt trouvé. Dès le VIIe siècle, le chemin de Saint-Siméon était connu : c’était la voie romaine elle-même qui menait à la chapelle.( Testament de saint Vigile, Preuves de l’Hist. d’Auxerre, 2’ éd.)

Plusieurs siècles se passent ensuite sans qu’il soit fait mention de cette rue. Elle se borde de maisons à mesure que la ville s’accroît.

Au XIVe siècle l’abbaye de Pontigny y possède un emplacement appelé place, cour, chapelle et rue de Saint-Edme, et qui était situé derrière les Visitandines. Il y avait là une espèce de rue qui conduisait à l’hôpital de Saint-Edme, destiné aux moines de Pontigny et de tout l’ordre de Citeaux, et qui était fermée par un mur du côté de la rue de Paris.

Plus loin, l’abbaye Saint-Germain étendait sa censive qui occupait tout le côté Est de la rue en se rapprochant de la porte de Paris. C’était là la limite de son domaine.

Les documents détaillés concernant la rue de Paris ne remontent pas très haut. En 1409, l’abbaye Saint-Marien y possédait huit maisons qui avaient été détruites peu auparavant par le feu causé par la négligence d’un locataire. Il y avait encore, pendant le XVe siècle, plusieurs places à bâtir dans cette rue. Les moines de Saint-Marien y possédaient, en 1492, une maison tenant à leur clos et à un jeu de paume. Tous ces édifices étaient du côté Ouest de la rue.

Les bâtiments de la cour Saint-Edme, élevés sur les terrains de l’abbaye de Pontigny, au milieu du XVIe siècle, étant tombés en ruines à la fin du même temps, furent aliénés en 1620, à charge de cens et rentes. Depuis cette époque l’aspect de cet endroit a changé, et on a bâti sur la rue de Paris.

Les Forts, maison du fort de Boulongne ou de Bologne, tels sont les noms divers qu’a reçus, du XVe au XVIIe siècle, la plus grande partie de la maison qui devint le couvent des Bernardines au commencement de la rue de Paris, du côté de la rue Dampierre. Cette maison portait pour enseigne, en 1577, le fort de Bolongne (Censier d’Auxerre n° 6, et F. Saint-Germain). Elle devait cens à l’abbaye Saint-Germain. En 1636, les dames Bernardines, effrayées de l’annonce du passage d’une grande partie de l’armée du prince de Condé, qui revenait du siège de Dôle et descendait l’Yonne, se réfugièrent dans la ville et abandonnèrent pour toujours leur ancien monastère des Isles. Elles firent l’acquisition de cette maison du Fort, le 2 septembre 1636, de M. Jean Beraut de Vérilly, moyennant 5.300 livres, et s’y installèrent. Le couvent, quoique reconstruit sur un plan régulier, n’a jamais offert un grand caractère; l’église même fut composée de la réunion de quatre pièces appropriées à la hâte.

Les Bernardines avaient le costume blanc, scapulaire noir et ceinture de même couleur. Au chœur elles portaient, les unes des coules, longues robes descendant jusqu’aux pieds, les autres des manteaux.

Pendant la Terreur, le Comité révolutionnaire établit son siège dans cette maison et y fit renfermer une partie des suspects (M. Chardon, Hist. d’Auxerre, II, 450). La Gendarmerie l’a occupée ensuite au XIXe siècle. Elle a été vendue par le département à la ville qui y a établi la Bibliothèque pendant quelques années et des écoles qui y sont encore.

En 1543, il y avait un ormeau dans la rue de Paris mais rien n’en indique la place (F. Saint-Marien).

Au point d’intersection de la rue Dampierre et de la rue de Paris, s’élève sur la gauche une maison d’un beau style du temps d’Henri IV, à deux étages, dorique au rez-de-chaussée, composite au premier, et couronnée d’une corniche à modillons en consoles cannelées, avec masques de lions. Trois belles lucarnes de style composite terminent la façade. Sur la gauche est un pavillon de même décoration. Cet édifice appartenait au milieu du XIXe siècle à M. Tortora, notaire. En remontant dans le passé, on trouve parmi ses possesseurs M. Duché, une des victimes de la révolution, qui, en 1774, avait acheté la maison de M. Champion d’Avallon, écuyer, élu des Etats de Bourgogne. On l’a appelée l’Hôtel de Crôle, du nom de son possesseur, Madame de Crôle (XVIIIe siècle). En 1664, messire Morot, président en l’Élection d’Auxerre, était propriétaire de la maison qui nous occupe. Mais nous ne pouvons remonter plus haut et trouver l’époque de la construction de l’édifice, ni le nom de celui de la personne qui l’a fait élever.

La rue de Paris était divisée en deux paroisses : 1° celle de Notre-Dame-la-d’Hors qui s’étendait à l’ouest et dans la partie venant des Bernardines à la rue Michelet ; 2° celle de Saint-Loup, à l’est, du côté des rues de Saint-Germain.

Les religieuses de la Visitation, en s’établissant dans la rue Michelet, s’étendirent jusqu’à la rue de Paris. En 1744 elles élevèrent leur chapelle, dont le portail regarde cette même rue. C’est un petit édifice de style ionique, de l’architecture qu’on a appelée des Jésuites. Le péristyle, formé par deux colonnes et deux pilastres, soutient un fronton au centre duquel est un écusson portant un cœur, symbole de celui du Sauveur, avec les lettres IHS. Sur les côtés sont figurées deux niches. L’étage supérieur répète la même ordonnance et le portail est terminé par un amortissement lourd et assez compliqué.

L’intérieur de ce monument est de même style que la façade. Il se compose d’une petite nef à plein cintre et d’une croix grecque au centre de laquelle s’élève une large coupole. L’élégance des frises et des chapiteaux des colonnes ne peut racheter la lourdeur générale de l’édifice, trop massif pour son étendue.

Jusqu'en 1770 tout le trafic routier de Paris à Lyon passait par cette rue. La rue de Paris ne manquait pas d’enseignes remarquables. Ici c’était la Maison des Trois-Rois qui tenait au jeu de paume de l’autre monde, du côté de l’ouest (1584) ; là, la Maison de l’Écu de France, au coin de la rue Michelet (1572) ; puis au même temps celle de Saint-Christophe, qui fut plus tard enclavée dans les bâtiments des Bernardines. Les diligences s'arrêtaient à l'auberge du dauphin, devenue hôtel du faisan puis du commerce. Dans une autre auberge tenue sous la Restauration par le sieur Carolus, eut lieu l'algarade célèbre entre le capitaine Coignet, alors en demi-solde et deux fanfarons qui se vantaient d'avoir participé à l'exécution du maréchal Ney.

Jean de Troyes, marchand renommé, demeurait dans cette rue en 1508.

Pierre Vatard, imprimeur émérite, autant que bon tireur de la Compagnie de l’Arquebuse, dont il fut proclamé roi, demeurait, en 1607, dans la même rue, à l’enseigne de l’Imprimerie. On lui doit la publication de deux pièces de vers intitulées : Discours joyeux en façon de sermon, par Jean Pinard, chanoine, et le Monologue du bon vigneron, de Jean de Charmoy. Il fit précéder ces deux opuscules d’une préface à Messieurs d’Auxerre, comme les imprimeurs de nos jours n’en mettent plus guère en tête des oeuvres qu’ils publient (Voyez la réédition de ce livre, par M. Verdier, en 1851). Le bureau des coches, carrosses, diligences et messageries de Paris à Lyon fut établi dans la rue de Paris, à côté des Visitandines, vers 1660. Ce fut un M. Jacques Nigot qui obtint alors, le premier, le brevet des Coches par terre. Il s’enrichit à cette industrie et acheta plus tard la terre de Saint-Sauveur. Les Visitandines, ennuyées du voisinage des carrosses, acquirent, en 1723, la maison de M. Nigot et les firent déguerpir. Ces coches furent transportés plus loin, de l’autre côté de la rue, en face de celle du lycée J. Amyot

Jusqu'en 1851, subsistèrent de part et d'autre de l'entrée de la rue de Paris, à l'emplacement de l'ancienne porte Saint-Siméon, deux pilastre massifs, amorce d'un arc de triomphe que la municipalité voulait ériger en l'honneur de Napoléon 1er.

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