François de Dinteville II (1530 - 1554) |
Neveu du précédent évêque, François de
Dinteville avait, été
nommé, à l'âge de 22 ans, par son oncle, chanoine d'Auxerre,
s'il est vrai, comme l'assure le P. Anselme, qu'il fût né le 26
juillet 1498. Il n'y a pas d'apparence qu'il eût alors fini ses
études. Quoi qu'il en soit; il était fils de Gaucher de Dinteville,
bailli de Troyes, et d'Aune du Plessis. Après avoir étudié la
grammaire à Troyes, on l'envoya à Paris au collège de Navarre
pour continuer ses classes, et plus tard à Poitiers et à Padoue pour y apprendre le droit civil et canonique. De retour en
France, il fut choisi par Louise de Savoie, mère de François 1er,
pour être son chapelain et son aumônier. Il eut, en même
temps que ce poste honorable, la cure des Riceys et le prieuré
de Choisy qu'avait possédés son oncle. La princesse, lui procura,
en outre, la trésorerie de Poitiers, dignité très considérable. Le nouvel évêque d'Auxerre, préconisé le 4 mai 1530, resta peu à Auxerre, après la mort de son oncle, et avant de prendre possession, il eut à faire annuler un arrêt du parlement de Paris en date du mois de mai 1531, rendu contre lui dans une affaire où son honneur était singulièrement intéressé. Cependant, la même année, le roi François 1er l'envoya à Rome en qualité d'ambassadeur pour y négocier le mariage de Henri, son fils, avec Catherine de Médicis, nièce du pape Clément VII. Il revint en France en 1533, avec des lettres du pape, qui lui étaient très favorables. La peste sévissant à cette époque à. Auxerre, il fit gouverner son diocèse par Philibert de Beaujeu, évêque de Bethléem, ce qui est une tache pour sa mémoire : car un bon pasteur et surtout un évêque doit toujours être prêt à exposer sa vie pour le salut de son troupeau. il lit son entrée solennelle à Auxerre le 4 mai 1533, et prêta, trois ans après, serment de foi et hommage à l'Église métropolitaine de Sens. Élu président des États de Bourgogne, lorsque le duc de Guise était gouverneur de cette province, il consentit, sans avoir pris l'opinion de ses collègues du parlement, à ce qu'elle payât la sixième partie de l'imposition de tout le royaume, tandis qu'elle n'avait accepté que la trente-sixième, et par là, il avait été cause d'une surcharge dont elle fut constamment grevée jusqu'en 1793 : autre fait grave qui a pesé sur la mémoire de cet évêque, et dont tous les auteurs l'ont blâmé avec raison. Quoi qu'il en soit, Dinteville tint régulièrement ses synodes et y fit des statuts dont le recueil, publié sur la fin de ses jours, a été très estimé. Il dressa des règlements, notamment en 1536, pour la collégiale de Saint-Martin de Clamecy. La même année, on imprima à Paris le Manuale seu Officiarium. sacerdotum secundum usum ecclesiae ca thedralis A ntissiadoïensis (1). Ce livre contient l'administration des sacrements qui sont de la compétence des prêtres, les bénédictions qui sont de leur ministère, la formule des inhumations et autres usages semblables des chapitres ou des paroisses. L'année suivante, on mit au jour le Processionat, et l'on publia vers la même époque une nouvelle édition du Missel d'Auxerre, la plus belle qu'on eut faite jusqu'alors : le calendrier qui précède ce Missel contient des fêtes inconnues dans la cathédrale avant 1535. On lit dans les registres du chapitre que le prélat fit présent de ce volume à ses chanoines le 28 février 1538. En 1539, une noire calomnie fit tomber François dans la disgrâce du roi. Il se trouva impliqué, ainsi que ses deux frères, Guillaume et Gaucher, dans le crime d'un seigneur italien nommé Sébastien Montecuculli, qui fut condamné à mort le 7 octobre 1536, par le conseil tenu à Lyon, pour avoir empoisonné le dauphin de Viennois, duc de Bretagne, fils aîné du roi, et avoir voulu attenter également à la vie du monarque lui-même. L'évêque d'Auxerre crut prudent de se retirer à Rome au commencement de 1539. Pendant que le pape Paul III lui faisait bon accueil, on mettait à prix en France la tête du prélat, on saisissait tout son temporel, ses meubles et ses biens-fonds ecclésiastiques et patrimoniaux et des commissaires étaient nommés pour la régie du revenu de ses bénéfices; mais la vérité se fit enfin jour. L'innocence de François de Dinteville fut reconnue, et, le roi l'ayant rappelé, lui rendit toutes ses bonnes grâces, de sorte que le prélat put revenir dans son diocèse en 1542. François de Dinteville visita d'abord, en Champagne , ses deux abbayes de Montier-la-Celle et de Miontiéramey. Informé que Pierre de Mareuil, évêque de Lavaur, qui avait été nommé en son absence administrateur du siége d'Auxerre, ne voulait point lui rendre la jouissance de son évêché ni ses deux abbayes, il protesta par devant deux notaires contre un aussi injuste refus et parvint à rentrer dans ses droits. Le clergé et le peuple d'Auxerre attendaient avec impatience le retour de leur pasteur. Lorsque les chanoines de la cathédrale furent avertis que François avait dessein de rentrer dans sa ville épiscopale, ils décidèrent, le 8 juillet, de faire une procession solennelle pour remercier Dieu de ce que l'innocence du prélat avait été pleinement reconnue. Dinteville, cependant, ne voulut point rentrer avec faste, et pour éviter les acclamations, il n'arriva à Auxerre que sur les dix heures du soir, le dimanche 16 du même mois, après trois ans et demi environ d'un exil volontaire. Le lendemain fut pour tous un jour de fête. Le 30 août suivant, François fit présent à Arnoul Gontier, chantre de la cathédrale, et à son frère Palamède, secrétaire du roi, pour leur vie durant, d'un jardin qu'il possédait dans la rue des Lombards où ils demeuraient. Le 28 décembre de la même année 1542, il accorda à la communauté des habitants de Gy-l'Evêque, dont les terres rapportaient peu, quarante-cinq arpents de bois pour leur usage, à la condition qu'ils ne pourraient en transporter hors de leur territoire et qu'ils lui seraient annuellement redevables, par chaque feu de la somme de douze deniers. Jusqu'à sa mort, il ne se passa point d'année qu'il ne fît quelque embellissement dans sa cathédrale. Comme son oncle, il contribua à l'achèvement de la tour ,et fournit, en 1543, une somme assez importante pour orner l'église de différentes peintures. La statue de saint Christophe était alors bien avancée; on y avait travaillé pendant son absence; mais ce fut un malheur, car elle eût été plus correcte si François, qui avait un véritable goût d'artiste et des connaissances étendues en peinture et en mécanique, avait pu en diriger lui-môme l'exécution. En 1547, il donna un vase de porphyre placé sous une petite voûte qui sou tenait la statue de saint Christophe. L'inscription qui se lisait au pied de ce vase oblong, marquait avec quels sentiments de piété il désirait que les fidèles prissent de l'eau bénite en entrant dans la maison de Dieu. Il fit aussi embellir la chapelle de Saint-Germain de peintures à fresque fort delicates représentant la vie et les miracles de ce saint évêque, et vraisemblablement la clôture en cuivre de cette chapelle était un effet de sa munificence. Les évêques d'Auxerre dont le diocèse fait l'office ou qui passent pour bienheureux, furent représentés par ses soins sur les murs de la chapelle de Saint-Sébastien. Il est encore probable que le haut des peintures de la rosace du grand portail est de son temps et a été fait à ses frais; quelques personnes même ont cru l'y voir représenté au-dessus de l'image de saint Jacques.
Plein de zèle pour orner les temples matériels, il s'attacha davantage encore
à former les temples spirituels. En son absence, les
protestants avaient infecté le diocèse de leurs erreurs. Il voulut
connaître l'étendue du mal, et, dans ce but, il s'associa l'évêque
d'Ebron, de l'Ordre de Saint-Dominique: tous deux firent la
visite pastorale. La ville de Cosne-sur-Loire lui ayant paru avoir plus souffert de
l'hérésie calviniste que toute autre localité de son diocèse, il y retourna au mois d'octobre
1545. Se trouvant à
Gien, en 1547, i1 fut averti que plusieurs habitants de cette
ville, ainsi que ceux de Briare, de Bony, de Neuvy, de Cosne,
de Pouilly et de La Charité, se dispensaient du devoir pascal : il
ordonna aux curés de raviver la foi dans le cœur de ces chrétiens négligents et d'inscrire les noms de ceux qui rempliraient le
devoir pascal sur un registre qu'ils apporteraient au synode après
la quinzaine de Pâques. Quelques monastères du diocèse étaient malheureusement alors dans le relâchement. On se plaignait surtout de celui de Saint-Laurent, de l'ordre des chanoines réguliers. Un arrêt rendu en parlement, le 14 avril 1548, à la requête du procureur du roi, prescrivit la réforme de cette abbaye. L'arrêt fut signifié à François de Dinteville qui, au mois d'octobre suivant, nomma deux chanoines réguliers du même Ordre pour y introduire la réforme jugée indispensable; ces deux chanoines étaient Laurent Petit fou, abbé de Saint-Père d'Auxerre, et Jacques du Coin; religieux de Saiut-Martin de Nevers. L'abbaye de Saint-Julien d'Auxerre, couvent de femmes était dans un état plus déplorable encore; François y rétablit l'ordre par ses visites et ses remontrances. Bien que l'évêque d'Auxerre eût fait beaucoup de voyages à Paris, il n'y présida qu'à une seule cérémonie; ce fut à la bénédiction de Catherine de Clermont, abbesse de Montmartre, le 11 août 1549; il avait pour assistants, en cette circonstance, Philippe le Bel, abbé de Sain te-Geneviève, et Antoine Garaccioli, abbé de Saint-Victor. Le 11 mars précédent, il avait donné à bail emphytéotique l'hôtel que les évêques d'Auxerre possédaient à Paris. De son temps et de son consentement fut instituée à Auxerre, au 14 janvier, la fête du Saint-Nom de Jésus, à la sollicitation d'un cordelier de la ville appelé Bonaventure Dubiez, lequel, non content d'avoir fait bâtir une grande chapelle à côté de l'église de son couvent pour célébrer la nouvelle fête, persuada à une personne pieuse de l'établir à la cathédrale, et obtint de l'évêque quelle fut chômée. François de Dinteville mangeait peu, buvait fort rarement, ne dormait guère , travaillait continuellement, étudiait sans relâche et vivait comme un vrai philosophe. il était d'une très faible santé, tantôt attaqué par la fièvre ou par la dysenterie, tantôt souffrant des douleurs de la gravelle et de la goutte. Au milieu de ces infirmités, il se réjouissait de souffrir en ce monde pour arriver dans l'autre au bonheur des élus. S'étant retiré au château de Régennes, sa résidence ordinaire, il y ressentit les atteintes de la dernière maladie dont il mourut, et succomba au bout de quelques jours, dans le milieu de la nuit du mercredi au jeudi 27 septembre 1554. Son corps fut apporté le-même jour à Auxerre et inhumé dans le caveau qu'il avait fait pratiquer six ans auparavant à côté du tombeau de son oncle. On ne trouva point de testament après sa mort, mais l'on sut qu'il avait pris des mesures pour faire tomber ses abbayes entre les mains de quelques-uns de ses parents.
(1) « Les éditeurs, par une fausse application de la langue grecque, dit l'abbé Lebeuf, changèrent l'ancien mot Autissiodorum en celui d'Antissiodorum. »
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