Charles de Caylus ( 1704 - 1754 )

CHARLES-DANIEL-GABRIEL DE PESTEL DE LÉVIS DE TUBIERES DE CAYLUS

Malgré les déclarations du roi, le chapitre, à la mort d’André Colbert, se mit en possession d’exercer son ancien droit de régale; il nomma trois chanoines économes pour régir le temporel de l’évêché, et trois autres pour administrer le diocèse en qualité de grands-vicaires.

Le siége d’Auxerre ne fut pas longtemps vacant, car Louis XIV y nomma Charles de Caylus le 18 août 1704.

Le nouvel évêque était fils de messire Charles-Henri de Tubières de Grimoard de Pestel de Lévis, marquis de Caylus, mort le 28 décembre 1679, et de dame Claude de Fabert, marquise d’Esternay, morte à 83 ans, le 1er avril 1728, fille du maréchal de ce nom. Issu d’une des plus grandes familles de France, il naquit le 20 avril 1669, et fit ses premières études chez les Pères Jésuites, au collège Louis-le-Grand. Il étudia ensuite la philosophie au collège du Plessis, entra au séminaire de Saint-Sulpice, y reçut les ordres jusqu’au diaconat inclusivement, et couronna ses grades en obtenant le titre de docteur en théologie.

Il eut ensuite la charge d’aumônier du roi, fut prieur du Val-Dieu et abbé de Saint-Jean de Laon en 1697. Ses relations avec Bossuet, évêque de Meaux, développèrent son esprit et son jugement. Louis XIV avait pour Charles de Caylus une bienveillance marquée et aimait beaucoup à le questionner, lorsque son service d’aumônier l’appelait auprès de lui. 

Le cardinal de Noailles, archevêque de Paris, le fit son grand-vicaire et lui confia la direction du collège des Lombards. C’est en accompagnant son supérieur dans ses visites diocésaines qu’il prit ce goût des recherches et des détails d’administration que l’on remarque dans ses registres diocésains.

En 1704, les évêchés de Meaux et de Toul lui furent successivement destinés, mais il en fut écarté pour différentes raisons. Enfin, celui d’Auxerre étant venu à vaquer, le roi l’y nomma le 16 août 1704. De Caylus, préconisé dans le consistoire du 17 novembre suivant, fut sacré à Paris, dans l’église des Carmes déchaussés, le 1er mars 1705, après avoir obtenu, le 26 janvier 1703, du pape, des bulles exemptes de presque tous les droits, à cause de sa parenté avec Guillaume de Grirnoard, pape en 1262 , sous le nom d’Urbain V. Son consécrateur fut le cardinal Louis-Antoine de Noailles, archevêque de Paris, assisté de Jean­François de Chamillard, évêque de Senlis, et de Denys-François le Boutillier de Chavigny, évêque de Troyes. Le 8 mars, il prêta entre les mains du roi le serment de fidélité dans la chapelle du château de Versailles. Le 22 de ce même mois, il prit solennellement possession de son siége épiscopal avec les cérémonies d’usage, et,  le 28, prêta. serment d’obéissance à son métropolitain sur le grand pontifical de Sens. L’un de ses premiers actes fut de publier, le 22 avril, un mandement qui continuait tous les pouvoirs accordés par son prédécesseur et par le chapitre, pendant la vacance du siége.

Le 4 juin 1706, il fut élu triennal du clergé, dans l’ordre des évêques, aux États de Bourgogne. Le 14 février de l’année suivante, il érigea l’adoration perpétuelle du Saint-Sacrement dans la chapelle de Notre-Dame-des-Miracles, avec le consentement du chapitre, et fut en avril, député de la province ecclésiastique de Sens à l’assemblée générale du clergé de France.

A l’apparition de la bulle Unigenitus donnée par Clément XI, M. de Caylus se signala d’abord par ses écrits contre ceux qui refusaient de l’accepter, et il fut l’un des quarante prélats qui donnèrent l’excellente Instruction de 1744. Cette année fut consacrée à la visite de son diocèse, et par son mandement du 28 mars, il avait publié la Constitution Unigenitus.

En 1715, il assista à l’assemblée générale du clergé de France, tenue à Paris. C’est à cette époque que voulant prévenir le retour de la misère dans son diocèse, ou du moins la rendre plus supportable, il créa, sous le nom d’Aumône générale, une institution qui avait pour but de régulariser la distribution des dons et aumônes destinés aux pauvres. Le bureau d’administration fut composé de chanoines de la cathédrale, de curés, d’officiers du bailliage et de l’hôtel-de-ville;  il s’assemblait à l’évêché plusieurs fois par mois. Des quêtes alimentaient la caisse. Cette institution se maintint jusqu’en 1790, et fut rétablie après le concordat’

Charles de Caylus alla à Bouhy, le 1er mai 1716, et y reconnut l’authenticité des reliques de saint Pèlerin , premier apôtre du diocèse, trouvées sous le grand autel de l’église de ce village, le 23 novembre 1645. Elles se composaient, comme on l’a vu dans la notice de Pierre de Broc, de la tête et de quelques vertèbres, le reste du corps ayant été emporté à Saint-Denys en France au VIIe ou au VIIIe siècle. De Caylus était accompagné dans cette visite de ses archidiacres et de l’abbé Lebeuf, du médecin Housset et de plusieurs autres personnes. On constata de nouveau que la tête avait été séparée du tronc avec violence et que les traces du martyre étaient évidentes. L’évêque déclara alors la relique authentique et digne de la vénération des fidèles. Dans une visite qu’il fit à La Charité, le 26 novembre 1730, il consacra l’église des Bénédictines du Mont-de-Piété, dont André Colbert avait, en 1702, autorisé la construction. Au mois de juillet 1752, il voulut solenniser avec son clergé, dans l’église des religieuses de la Visitation, à Auxerre, la béatification de Françoise de Chantal, et fit en chaire le panégyrique de cette illustre fondatrice. Le 10 novembre l749, il avait fait, à l’abbaye de Pontigny, la translation des reliques de saint Edme et la consécration du grand autel de l’église abbatiale tout récemment construit.

De Caylus avait d’abord accepté avec soumission la bulle Unigenitus; mais bientôt, par un revirement inexplicable, il changea tout à coup et devint l’un des plus zélés partisans du Jansénisme, appelant des décisions du pape au futur concile et prôneur des prétendus miracles du diacre Pàris. Comme il était instruit, pieux et de manières aimables, il exerça sur son diocèse une influence aussi considérable que fatale. Il n’admit dans son chapitre que des hommes dévoués à la nouvelle secte, et mit tout en oeuvre, lettres pastorales, discours, assemblées synodales, réforme liturgique, pour en inculquer. la doctrine à son clergé. Le clergé séculier fut pour lui une facile conquête; mais les Lazaristes qui dirigeaient le séminaire, et surtout les Jésuites qui étaient à la tète du collège, lui opposèrent la plus courageuse et la plus énergique résistance. De Caylus dut alors compter avec ces intrépides défenseurs de la foi, et, pour paralyser leurs efforts, il lui fallut ouvrir des écoles rivales et y attirer leurs élèves. On conçoit qu’avec une semblable administration et un pareil prosélytisme, le Jansénisme devait triompher. Aussi au bout de quarante ans, le diocèse d’Auxerre devint l'un des principaux foyers de la grande hérésie du XVIIIe siècle. Les écrits, les inépuisables bienfaits et les qualités mêmes de l’évêque d’Auxerre, avaient perverti la foi des peuples confiés à ses soins.

C’est dans cette déplorable situation qu’il laissa son diocèse. Il était à Régennes lorsque, malade et sentant sa fin prochaine, il reçut les sacrements qui lui furent conférés par son chapitre, et, après avoir fait des actes de foi sur les vérités que, selon lui, la bulle Unigenitus condamnait, il mourut le mercredi-saint, 3 avril 1754, à l’âge de 85 ans, et doyen des évêques de France.

Son corps, transporté à Auxerre, fut exposé dans le palais épiscopal jusqu’au 9, jour où le chapitre célébra ses obsèques avec la plus grande solennité. On devait prononcer l’oraison funèbre du prélat dans un service qui fut célébré le 5 septembre suivant; mais la cour ne le permit point; déjà, dès le 4 avril, un mandement capitulaire, véritable panégyrique du prélat; avait annoncé aux fidèles la mort du pasteur et fait l’éloge du défunt qu’on y qualifiait d’ange tutélaire du diocèse.

M. de Caylus avait publié un nouveau Bréviaire en 1725, un Rituel en 1729, un Processionnel et un grand Catéchisme en 1734 , un Missel en 1737 , des Ordonnances synodales en 1742, et un Martyrologe en 1751. Rédigé par les chanoines Mignot, Grasset et Potel, ce Martyrologe fut révisé et annoté par l’abbé Lebeuf qui avait quitté Auxerre depuis I 735, et qui fut aussi chargé de la partie musicale des nouveaux livres liturgiques du diocèse.

Les Oeuvres de Charles de Caylus réunies en quatre volumes in-12 ont été condamnées à Rome par un décret du 11 mai 1754. Cette collection ne comprend pas ses mandements et quelques autres écrits plus propres à nourrir l’esprit de parti, qu’à répandre des lumières. Presque aussitôt après, on publia un Supplément aux Oeuvres de M. de Caylus. Dans ce volume, se trouve réuni tout ce que le prélat avait composé dans les premiers temps de son épiscopat, en faveur de l’adhésion à la bulle Unigenitus. C’était une rude réponse.

L’abbé Pierre-Jacques Dettey, chanoine d’Auxerre et archidiacre de Puisaye, a écrit la Vie du prélat. Amsterdam, 1765, 2 vol. in-12.

 

De Caylus avait pour armoiries : écartelé, au 1er d’or, au chef emmanché de gueules, parti d’or à trois chevrons de sable; au 2e et 3e d’azur, à trois fleurs de lis d’or, au bâton péri en bande mis en abîme , au 4e d’argent, à la bande de gueules, accompagnée de six sautoirs, alaisés de même en ost, parti d’or à trois chevrons de sable , sur le tout, d’azur, à trois molettes d’or, au chef de même.

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