Dominique Séguier ( 1631 - 1637 )

Fils de Jean Séguier, seigneur d’Autry, conseiller au parlement de Paris, lieutenant civil au Châtelet de cette ville, mort le 9 avril 1596, et de Marie Tudert, fils de Claude, seigneur de la Bournalière et de Nicole Hennequin, il naquit à Saint­Denys près de Paris le 2 août 1593. On lui donna, à son baptême, le nom de Dominique, parce qu’il était venu au monde par suite d’un voeu que ses parents avaient fait à ce saint dont on lui fit porter l’habit pendant les six premières années de sa vie. Dès l’âge de onze ans, on lui fit commencer ses études chez les Jésuites à Dijon jusqu’à la fin de 1606. Il les continua pendant les trois années suivantes à Paris, au collège du cardinal le Moine, et fut alors fait chanoine de Notre-Dame de cette ville. Il alla étudier ensuite la philosophie au collège de la Flèche, d’où, étant de retour à Paris, il fréquenta les écoles de théologie et celles de droit jusqu’en 1616. Le 15 juillet de cette année, il fut reçu conseiller-clerc au parlement de Paris.

Le décanat de la cathédrale du Mans étant venu à vaquer en 1621, les chanoines lui offrirent cette dignité qu’il garda jusqu’en 1623. Le chapitre de Paris le choisit alors pour doyen, le 15 février 1623; Dominique accepta, et obtint les prieurés d’Auneau et de Sainte-Marie de Gehard.

Comme les infirmités et les affaires de Jean-François de Gondy, premier archevêque de Paris, ne permettaient point à ce prélat d’officier à toutes les cérémonies extraordinaires, le nouveau doyen s’en acquitta, avec tant de grâce et de majesté, que Louis XIII l’admira en plusieurs occasions, et le fit son premier aumônier. Le même prince obtint pour lui, du pape Urbain VIII, le titre d’archevêque de Corinthe in partibus, et le destina ensuite à l’évêché de Boulogne, vacant par la promotion de Victor Le Bouthillier à l’archevêché de Tours; mais comme le siège d’Auxerre vaqua presque dans le même temps, il lui fut donné le 6 octobre 1631, avant même qu’il eut reçu ses bulles de l’archevêché de Corinthe.

Bien que Dominique, après l’obtention de ces bulles, eût pu se faire sacrer archevêque pour avoir le pas sur les évêques, il. aima mieux attendre l’expédition de celles de l’évêché d’Auxerre et ne se faire sacrer que comme évêque. Il le fut le 18 janvier 1632, dans l’église des Carmélites de Paris, par Jean-François de Gondy, assisté de Jacques de Neuchèze, évêque de Chàlon-sur-Saône, et de Nicolas de Netz, évêque d’Orléans, prêta serment à l’Église de Sens le 3 août suivant, prit possession le 6 septembre et conféra les ordres le 18 de ce mois, qui était le samedi des Quatre-Temps.

Dominique avait appris, dès sa jeunesse, que l’abbaye de Saint-Denys en France possédait la plus grande partie du corps de saint Pèlerin, premier évêque d’Auxerre. Comme son église cathédrale n’avait plus aucune relique de ce Saint, il en demanda au P. Cyprien, clerc-prieur de ce monastère, et à toute la communauté. Sa demande fut favorablement accueillie, non-seulement parce qu’il était le successeur de saint Pèlerin, mais encore parce qu’il avait été l’un des commissaires nommés par le roi, en 1633, pour introduire dans cette illustre maison la réforme de la Congrégation de Saint-Maur. Ayant donc obtenu, le 27 mars 1634, la moitié environ de l’un des fémurs de l’apôtre d’Auxerre, il fit faire un reliquaire en argent doré, de la valeur de deux mille livres, y renferma ce précieux ossement, déposa la relique dans la chapelle de Notre-Dame-de-Lorette, près d’Auxerre, et la fit processionnellement apporter à la cathédrale par le clergé de toute la ville et des faubourgs, le mardi de Pâques 25 mars 1636. Il officia pontificalement à cette cérémonie et renferma dans la châsse l’acte de la donation qu’il faisait de la relique, signé à Paris le 12 février précédent. Le 26 du mois d’octobre de la même année, il déposa dans une grande chasse de bois doré, dont il fit présent à la même église, les débris des corps saints du diocèse qui avaient échappé aux dévastations des calvinistes.

Déjà abbé du Gué ou Saint-Georges de Vaas, au diocèse du Mans, il devint, le 1er avril 1636, abbé commendataire de Saint-Jean d’Amiens.

Le caractère bienfaisant de Dominique Séguier se manifesta surtout dans la visite générale qu’il fit de son diocèse peu de temps après sa prise de possession du siège d’Auxerre. Il eut soin d’y répandre alors de bons livres qui traitaient de l’administration des sacrements et des ouvrages d’instruction chrétienne en forme de catéchismes. il enrichit un grand nombre de paroisses des vases d’argent qui leur étaient nécessaires, entre autres, de ciboires, sans cependant astreindre aucune église à quitter l’ancien usage de conserver le Saint-Sacrement à côté du sanctuaire; mais on observa que les prédicateurs étrangers qu’il menait avec lui n’avaient rien qui les distinguât des curés du diocèse; on le blâma aussi de n’avoir point imité son prédécesseur pour la confection des statuts qu’il proposa tout dressés dans son premier synode. Ces premiers statuts, publiés le 5 avril 1633, roulaient sur le mariage : il y en avait contre les mariages clandestins; d’autres défendaient de se marier le jour de Saint- Joseph, quand il tombait en Carême; le reste avait pour objet les dispositions nécessaires à la réception des ordres.

Dominique prit aussi un soin tout particulier des nécessités corporelles de ses diocésains : il fit habiller à neuf un nombre considérable de pauvres honteux, assigna des dots à plusieurs filles, et fit apprendre un métier aux garçons pauvres.

Pendant les premières années de son épiscopat, des maladies contagieuses accrurent encore le nombre des indigents. Aussi, au lieu de faire distribuer deux fois par semaine, à la porte de son palais, du pain à tous les pauvres, il ordonna que cette distribution eût lieu trois fois, et y ajouta de nombreuses aumônes secrètes par les mains des curés, des religieux et des dames de charité. Il fit plus : il aida de son crédit, dans ces tristes circonstances, les personnes affligées ou mal dans leurs affaires, et intercéda souvent, dans ce but, auprès de son frère Pierre Séguier, devenu garde-des-sceaux en 1633 et chancelier en 1635.

Entre les choses qu’il obtint à l’assemblée du clergé, tenue à Paris en 1635, l’une des plus utiles pour son diocèse fut que l’évêque de Bethléem aurait, du clergé de France, une pension de cinq cents livres, et qu’en retour il ne célébrerait plus d’ordination clans la chapelle de l’hôpital de ce nom, au faubourg de Clamecy.

Depuis longtemps il n’y avait pas eu de dédicace d’église dans le diocèse. Dominique en fit deux en 1634 celle de l’église du village de Saint-Privé, à l’instance d’Edme Birault, chanoine; qui en était curé, et celle des Récollets de Clamecy.(5 mai). Deux mois avant cette cérémonie, il s’était rendu à Nevers afin d’y assister au sacre d’Eustache de Chéry, chanoine trésorier de cette cathédrale, en qualité d’évêque de Philadelphie, coadjuteur de son oncle, évêque de Nevers. Ce qu’il fit à Auxcrrc, en 1634 et en1636,dans l’église de Saint-Germain , fut aussi solennel qu’une dédicace et une consécration d’évêque : il y procéda à l’ouverture de tous les tombeaux sur les instances de Dom Viole, prieur du monastère, afin de confirmer l’opinion publique des Auxerrois qui croyaient que les huguenots n’avaient point dépouillé de leurs ossements les tombeaux de pierre, qu’ils ne les avaient point profanés, mais s’étaient contentés de disperser les reliques des saints pour s’emparer de leurs châsses, lorsque celles-ci étaient d’un métal précieux.

Aussi zélé pour la réforme des maisons religieuses que pour la régularité des ecclésiastiques séculiers de son diocèse, Dominique Séguier introduisit, le 14 septembre 1635, dans l’abbaye de Saint-Père d’Auxerre , la réforme des chanoines réguliers de Sainte-Geneviève, et il transféra, suivant l’intention du concile de Trente, les religieuses Cisterciennes de l’abbaye des îles, dans la ville, le 25 août 1636, et consacra leur église l’année suivante. La mort d’Antoine Séguier, son cousin , arrivée le 18 août 1635,.lui fit donner, par Louis XIII, l’abbaye de Saint- Jean d’Amiens, pour laquelle il fut préconisé le 1er avril 1636. Il eût souhaité de faire l’avenir les Bénédictines de Saint-Julien dans leur ancien monastère du faubourg d’Auxerre, mais comme cette maison n’avait pas été réparée depuis les dernières guerres civiles, il se contenta de visiter ces religieuses dans leur couvent de Charentenay où elles s’étaient retirées, et y confirma les règlements que leur avait donnés son prédécesseur François de Donadicu. La communauté des Ursulines, instituée à Auxerre sous ce dernier prélat, prospéra de plus en plus sous Dominique qui se trouvait partout où il y avait du bien à faire.

Le 31 mai 1636, Dominique Séguier fut l’un des commissaires apostoliques qui privèrent de son évêché René de Rieuz, évêque de Léon, accusé, à la sollicitation du cardinal de Richelieu, d’avoir servi la reine Marie de Médicis dans sa retraite, et de s’être réfugié en Flandre. Le 17 juillet suivant, il baptisa, dans la chambre de la Reine, la princesse Anne-Marie-Louise d’Orléans.

Pendant le peu de temps qu’il posséda le diocèse d’Auxerre il voulut toujours avoir, outre son palais épiscopal, deux châteaux en état de le loger, savoir, Régennes et Varzy. Tout était, chez lui, d’une propreté sans exemples chez ses prédécesseurs.

Il eut toujours la plus vive affection pour son chapitre qui, de son côté, l’entoura du respect le plus sympathique.

Vers le commencement de septembre 1637, le bruit se répandit que le roi avait transféré l’évêque d’Auxerre au siége de Meaux. Ce fut un deuil public. Dominique Séguier confirma ce bruit en écrivant de Paris, le 4 de ce mois, à son chapitre, pour lui donner avis de cette nouvelle qui n’était que trop réelle, et l’informer qu’il ignorait quel serai son successeur. On ne sait si cette translation fut alors de son goût; mais, dans la suite, il n’en parut pas fort satisfait. Il quitta donc Auxerre au grand regret du clergé et des habitants. Transféré au siège de Meaux le 26 août 1637, il n’en prit personnellement possession que le 9 avril 1639, ses fonctions le retenant presque toujours à la cour.

Le nouvel évêque de Meaux ondoya Louis XIV à Saint-Germain-en-Laye au mois de septembre 1638, et le baptisa dans la chapelle de ce château le 21 avril 1643. Le 14 mai de cette même année, Louis XIII malade le fit venir près de lui pour lui administrer les derniers sacrements et lui réciter les prières de l’agonie. Ce même jour, la France avait pour roi un enfant qui s’appelait Louis XIV. Le monarque défunt ayant légué une somme de quarante mille livres pour la fondation d’une messe quotidienne et d’un service par semaine à perpétuité, pour être célébré le jour de sa mort, Dominique Séguier fut chargé par le cardinal de Mazarin et par le comte de Chavigny, exécuteurs testamentaires, de régler les termes de la fondation. L’évêque de Meaux approuva diverses acquisitions qui furent faites pour la sûreté de cette fondation, et en signa, le 19 décembre 1643, le contrat qui fut ratifié par le cardinal de Mazarin et le comte de Chavigny, lors de l’acte de fondation passé le 16 mai 1644.

Dominique Séguier avait assisté au concile t:enu à Paris le 28 mars 1640 où fut condamné un livre composé par l’oratorien Hersent et intitulé: Optati Galli de cavendo schismate liber paraeneticus, 1640, in-8° de 39 pages, satire contre le cardinal de Richelieu, faite à l’occasion du bruit répandu que ce prélat allait faire créer un patriarche en France.

Il montra autant de vigilance contre le calvinisme que de zèle contre les erreurs de Jansénius, et entreprit de mettre la liturgie de Meaux, comme il avait voulu le faire à Auxerre, en harmonie avec celle de l’Église universelle, ainsi qu’il l’annonçait dans le mandement mis en tête du Bréviaire qu’il publia en 1640, sous le titre de : Breviarium Meldense ad formam Sacrosancti concilii Tridentini restitutum. Toutefois , le vénérable prélat ne pensait point violer les prescriptions de la bulle de Pie V en donnant un Bréviaire, qui s’écarte encore en plusieurs points du Romain. En 1642, il fit paraître un Missel intitulé Missale ad formam sacrosancti concilii Tridentini restitutum , et en 1645 un Rituale Meldense ad Romani formam impressum.

Dominique Séguier établit, le 30 octobre 1645, un séminaire dans l’hôpital de Jean Rose, et assista, le 17 décembre, à l’assemblée générale du clergé de France. Il fut le premier de nos évêques qui établit des conférences ecclésiastiques, ce qu’il fit en 1652 et en 1654, et publia d’excellents statuts.

Après avoir fait de riches présents à son Église, il prit pour coadjuteur son neveu Dominique de Ligny à qui il remit toute l’administration du diocèse le 12 mars 1659, et mourut à l’âge de 66 ans, le 16 mai de la même année à Paris. Son corps fut transporté à Meaux le 10 juin suivant et inhumé dans la cathédrale à gauche du grand autel. Son décès est mentionné dans les termes suivants au nécrologe de l’Église de Paris

"Le sieiziesme jour de may mil six cent cinquante neuf est décédé en sa maison du cloistre de Notre-Dame, Monseigneur le Révérendissime Messire DOMINIQUE SÉGUIER, évésque de Meaux, et le lundy vingt sixiesme des dits mois et an, son corps fut levé et porté en la dite Église de Paris, et le service solennellement dit et célébré par moy, doyen de la dite Église, et quelques jours après, fut conduit à Meaux pour y être inhumé.

DE CONTES, doyen.»

Dominique Séguier portait : d’azur, au chevron d’or accompagné en chef de deux étoiles de même et en pointe d’un mouton passant d’argent.

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