Pierre de Broc ( 1640 - 1671 ) |
Pierre de Broc, né dans le diocèse de Chartres, était fils de François de Broc, baron de Saint-Mars de la Pile, de Lizardière et Chemiré, et de Françoise de Montmorency de Fosseux, fille de Pierre de Montmorency, premier du nom, marquis de Tury , et de Jacqueline d’Avaugour. Après avoir étudié les humanités au collège de la Flèche et la philosophie à Orléans, il obtint le prieuré de la Madeleine de Broc en Anjou, dépendance de l’abbaye de Saint-Aubin d’Angers. Il eut ensuite l’abbaye de Ressons au diocèse de Rouen , et celle de Fontenelle au diocèse de Luçon, qu’il permuta en 1645 pour l’abbaye de Toussaints d'Angers. Il devint enfin camérier du cardinal de Richelieu et était alors connu sous le nom d’abbé de Saint-Mars. Nommé à l’évêché d’Auxerre le 10 septembre 1637, il reçut ses bulles au mois de janvier 1639, mais il ne put se faire sacrer que le 4 mars 1640, dans l’église des Bernardins, à Paris, par Léonor d’Étampes de Valençay, évêque de Chartres, assisté de Dominique Séguier, évêque de Meaux, et de Léonor Goyon de Matignon, évêque de Coutances. Dix-huit évêques assistèrent à la cérémonie de son sacre. Quatre jours après, il prêta serment de fidélité au roi dans la chapelle du château de Saint-Germain-en-Laye, et ne vint prendre possession que le jeudi-saint, 5 avril suivant. Dans cette circonstance, l’ancien cérémonial fut observé en partie seulement. Le nouvel évêque se rendit à l’abbaye de Saint-Germain et y resta une heure environ . Après quoi, les personnes chargées de la procuration du roi et des trois anciens barons, l’accompagnèrent depuis cette église jusqu’à la cathédrale, portant près de lui la chaise sur laquelle il aurait dû être assis. L’année de la prise de possession ne fut pas celle qui l’occupa le plus des fonctions de son ministère : il se comporta, au contraire, comme un évêque qui est persuadé que l'Église fait partie de État, et alla offrir au roi ses services pour le siège de la ville d’Arras. Il y fut envoyé en qualité de garde du trésor royal, et, pendant que revêtu de la cuirasse sous le manteau, il veillait avec deux ecclésiastiques sur le trésor qui lui avait été confié, il mandait tout ce qui se passait au cardinal qui , à son tour, lui expédiait les ordres que devaient suivre les maréchaux Chastillon et Gassion en sorte que, sans blesser personne ni être blessé, il empêcha que les troupes auxiliaires du duc de Lorraine, venues pour faire lever le siège, n’approchassent de la ville. Cette place ayant été prise au mois d’août de cette même année 1640, il se rendit aussitôt à la cathédrale; et, revêtu de ses ornements pontificaux, il y entonna le Te Deum. Le 28 janvier 1641 seulement, il alla à Sens et y signa la formule ordinaire en présence d’Octave de Bellegarde, archevêque métropolitain. Pendant que les affaires du royaume prospéraient, celles du chapitre d’Auxerre commençaient à se brouiller pour un motif bien futile. Le doyen, alors vicaire-général de l’évêque, avait rendu, le 29 octobre 1640, une ordonnance en vertu de laquelle tous les chanoines cesseraient. à l’avenir d’avoir une bordure de petit gris à la tête de leur camail. Cette bagatelle eut plus tard des conséquences infinies. En 1642, Pierre de Broc reçut du roi et du ministre l’ordre de conduire des troupes dans les États du duc de Lorraine et jusqu’auprès de Nancy. Il y attaqua Dieuze, qui était une place appartenant à ce duc; mais les digues des étangs de Lindre et du lac voisin ayant été rompues par ordre de ce prince, la petite ville se trouva si promptement entourée d’eau, que l’évêque fut obligé de se retirer en toute hâte avec ses équipages. Il revint alors dans son diocèse dont il ne s’éloigna plus pour de semblables affaires, parce que le cardinal-ministre survécut peu à cet événement. Les premiers actes d’administration personnelle de Pierre de Broc parurent un peu hasardés en ce qui concerne le pouvoir des chapitres cathédraux sede vacante; dans d’autres matières, l’évêque procéda avec plus de maturité, tint exactement les synodes au jour marqué, et fit, dans celui du 6 mai 1642, de sages règlements pour abolir certaines pratiques religieuses devenues abusives. C’est ainsi, par exemple, qu’il défendit de faire tourner les enfants au-dessous des autels, et de mettre autour des arbres de la paille trempée dans de l’eau bénite; il interdit aussi aux enfants de crier dans les rues le mot Noël entremêlé de paroles profanes, au sortir de l’office, depuis le commencement de l’Avent jusqu’au Carême, et proscrivit les messes que les confréries faisaient célébrer le dimanche avec de l’eau bénite et du pain bénit. En 1644, il réussit à désunir, de la mense du chapitre de Varzy, les cures de Saint-Pierre de Varzy, de Saint-Pierre du Mont, de Brugnon, ce que n’avait pu obtenir François de Dinteville, et diminua en même temps le nombre des chanoines de cette collégiale. Il érigea la chapelle de Pontchevron en église paroissiale à la sollicitation du seigneur de ce lieu, malgré l’opposition du curé d’Ouzoir dans le territoire duquel cette chapelle se trouvait. Il disposa des archiprêtrés comme s’ils eussent été amovibles, et supprima les trois officialités de Varzy, de la Charité et de Cosne, sur les instances d’Edme Amyot, official d’Auxerre, et de Germain de la Faye, chanoine promoteur. Il seconda la fondation des maisons religieuses qui furent innombrables pendant son épiscopat dans le diocèse d’Auxerre, et parmi lesquelles nous citerons celles des Augustins et des Bénédictines à Saint-Fargeau, des Ursulines d’Avallon à Cravan le 8 avril 1644, des chanoines réguliers de Sainte-Geneviève au prieuré de Saint-Eusèbe en 1654, des Augustines à l’Hôtel-Dieu en 1657, des religieuses de la Visitation sur la paroisse de Notre-Dame-làd’Hors en 1659, des Augustins-déchaussés sur celle de Saint- Eusèbe en 1662, etc. Il était parvenu, en 1649, à ramener dans la ville, selon le voeu du concile de Trente, les Bénédictines de Saint-Julien, retirées à Charentenay à l’époque de la Ligue, les soumit depuis lors à la juridiction épiscopale, et leur fit adopter la réforme du Val-de-Grâce. Voulant vivre en paix avec le chapitre de sa cathédrale, conformément au serment qu’il avait fait en arrivant à Auxerre, il n’en attaqua jamais la juridiction. Dès 1642, il avait reconnu l’erreur de ceux qui avaient voulu lui persuader de défendre aux curés d’admettre aucun prêtre à dire la messe sans son approbation ou celle de ses vicaires-généraux, et il tomba d’accord que ses chanoines pouvaient dire la messe dans tout le diocèse. Il ne refusa le paiement d’aucun des droits dus par l’évêque à la cathédrale, mais son train de maison l’obligea souvent à demander du temps pour s’acquitter. De son côté , le chapitre lui laissa introduire quelques nouveautés qui ne blessaient en rien les droits des chanoines. Pierre de Broc eut beaucoup de vénération pour les reliques des saints. Ce fut lui qui commença, en 1645, la vérification du chef de saint Pèlerin, trouvé à Bouy avec quelques vertèbres du col. Comme on était persuadé que ces vertèbres appartenaient au même corps que le chef, il les fit porter à l’abbaye de Saint- Denys en France le 13 juillet 1647. Là, en présence des religieux et d’un habile médecin, on compara les ossements de la châsse avec ceux qui venaient d’être trouvés, et l’on constata que les reliques de Bouy appartenaient bien réellement à saint Pèlerin. Procès-verbal en fut dressé. Pierre de Broc ne négligea rien pour faire exécuter la décision de l’assemblée générale du clergé de France de 1657, au sujet de la signature du formulaire, prescrite par les constitutions d’Innocent X du 31 mai 1653, et d’Alexandre VII du 16 octobre 1658, constitutions qui condamnaient les erreurs contenues dans cinq propositions de Jansénius. Par un mandement du 16 juillet 1664, adressé à tout son clergé séculier et régulier, aux régents, professeurs et maîtres d’école, il ordonna de souscrire le Formulaire, dans le délai d’un mois, à partir de ce jour, à peine de poursuites. Il donna lui-même l’exemple en le signant sur le registre de l’évêché. Un sergent royal alla ensuite notifier l’ordonnance épiscopale dans tout le diocèse et fit son rapport. Le 4 novembre, sur la requête du promoteur, il fut constaté que quarante curés ou prieurs, les abbés de Saint-Marien, Saint-Germain, Rigny et ses moines, Saint-Laurent de Cosne, les Bénédictins de La Charité, les chanoines et les moines de Gien, l’abbé des Roches, les Cordeliers d’Auxerre et un maître d’école de cette ville, avaient négligé ou refusé de signer le Formulaire. On ne vit pas quelle suite eut cette première affaire... Dans quelques actes, l’évêque d’Auxerre est qualifié : baron de Nully en Champagne. Il avait en effet acquis cette seigneurie dès la seconde année de son épiscopat, mais il l’échangea peu de temps après. Deux. fois il eut l’honneur de recevoir Louis XIV dans son palais épiscopal : la première en 1650, la seconde en 1681. Il assista à l’assemblée générale du clergé de France tenue à. Mantes en 1641, et à Paris en 1650, et la présida en 1662. Il sacra, le 25 août 1651, dans l’église de Sainte-Genevièvc, Louis d’Estaing, évêque de Clermont-Ferrand. D’un caractère doux et facile envers tout le monde, il n’était rigoureux qu’à l’égard de ceux qui voulaient entrer dans les Ordres ou obtenir des bénéfices: il n’y admettait que des hommes pieux et savants. Du reste, il maintint assez heureusement la paix dans son diocèse, on choisissant des vicaires-généraux qui avaient toute sa confiance et qui étaient en même temps sympathiques à son clergé. On désirait à Auxerre une nouvelle édition du Bréviaire, il y consentit volontiers; mais chargea de ce soin ceux qui, dans son chapitre, étaient les plus habiles dans la connaissance de l’antiquité. Leur travail fut publié en 1670, sous le titre modeste d’Essai. Quoiqu’il allât parfois visiter, le domaine épiscopal de Varzy qu’il avait accru de quelques biens situés dans le voisinage de cette ville, sa résidence la plus ordinaire, lorsqu’il n’était point à Paris, fut Régennes, où il fit mettre ses armoiries dans les endroits les plus apparents avec celles, du cardinal de Richelieu. C’est là qu’étant tombé malade dans les premiers jours de juillet 1671, il reçut les derniers sacrements et mourut le 7 de ce mois. Son corps apporté à Auxerre fut placé, après les obsèques, dans une chapelle des cryptes de la cathédrale, auprès de celui de sa soeur Antoinette, épouse de Pierre de Basse, qui y reposait depuis huit ans. Plus tard, et le 16 septembre 1730, on transféra sa dépouille mortelle dans la nef, dans le tombeau des évêques de la famille Dinteville. Cet évêque d’Auxerre aimait beaucoup les musiciens. C’est ce que l’on voit dans un petit livre devenu excessivement rare et qui parut à Auxerre chez Jacques Bouquet sous le titre de l’Entretien familier des Musiciens, 1643, in-12. L’auteur était Annibal Gantez, prêtre du diocèse de Marseille, prieur de la Madeleine en Provence, chanoine semi-prébendé et maître des enfants de choeur et de la musique de la cathédrale d’Auxerre; il reconnaît que c’est du prélat qu’il tenait sa semi-prébende et lui en fit hommage dans l’année même. On trouve, en effet, dans les registres du chapitre, au 27 juin 1643, la réception d’Annibal Gantez. Celui-ci n’hésita pas à dire qu’il lui a semblé ne pouvoir rencontrer un meilleur protecteur de son livre, dit-il à Pierre de Broc, "parce que vous avez un si grand amour pour la musique que presque toute votre maison en est composée."
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