éRARD
DE LéSINNES (1272-1278) |
A la mort de Gui, le chapitre d’Auxerre comptait un grand nombre de chanoines distingués par la naissance et le mérite. Fournissant des évêques à plusieurs diocèses, ceux-ci n’oublièrent point leur propre église. Ils mirent l’élection en compromis, et ceux qui en avaient été chargés choisirent unanimement le doyen Erard de Lésinnes. Erard; neveu de Gui de Mello, était fils de Guillaume de Lésinnes, connétable de Champagne, et de Marguerite de Mello. A la mort de sa mère, il devint seigneur de Lésinnes dans le Tonnerrois. Licencié en droit civil et canonique, très habile dans le chant religieux, prédicateur excellent, Erard avait été nommé chanoine d’Auxerre par son oncle en 1250, après la mort de Guillaume de Cluny. Elu ensuite doyen du chapitre il se dévoua tout entier à l’accomplissement des devoirs de sa charge, sans avoir égard aux sollicitations ou aux intérêts de sa famille. L’élévation d’Erard au trône épiscopal fut confirmée avant la fin de l’année 1270, puisque Pierre de Charny, archevêque de Sens, écrivit dès lors aux régents du royaume, qui étaient Matthieu de Vendome, abbé de Saint-Denys, et Simon de Nesle, pour en obtenir mainlevée des revenus de l’évêché pendant la vacance du siège; mais, comme le fait observer l’abbé Lebeuf, par la supputation des sept ans, deux mois et trois semaines que l’on donne à son épiscopat, il n’a dû être reconnu et reçu à Auxerre que vers les premiers jours de janvier 1271, trois mois après la mort de son oncle. Du reste, avant de commencer son épiscopat, Erard, suivant la coutume de ses prédécesseurs, se retira pendant quelque temps en l’abbaye de Saint-Germain et y fit, pour se préparer à son sacre, une retraite de six jours. Thibaud, comte de Bar, lui fit hommage, en 1271, pour la seigneurie de Toucy, et par acte du 22 juillet, le choisit pour arbitre de quelques différends qu’il avait avec Henri, roi de Navarre. Ce prélat avait un caractère plein de mansuétude, mais il était énergique dès qu’il s’agissait de soutenir les droits de son église. Les premières difficultés qu’il eut à vaincre sous ce rapport, lui vinrent des moines de la Charité. Voici en quelle occasion. Erard poursuivait alors un clerc nommé Guillaume d’Orléans pour délit commis; le prieur de la Charité le revendiqua comme étant son bourgeois, disant qu’il n’avait été atteint ni convaincu du délit dont on l’accusait. De son côté, le coupable soutenait contre l’évêque qu’il n’était pas clerc, parce que, depuis son mariage, il avait assisté à des causes criminelles où l’on avait prononcé des sentences de mort. L’affaire fut portée, en 1271, devant le parlement, qui débouta l’évêque; mais, l’année suivante, celui-ci eut un différend dont les suites furent plus considérables. Érard, étant dans la même ville de la Charité, entreprit d’y examiner une femme qui était suspecte d’hérésie. Sommé plusieurs fois, le prieur refusa de lui livrer cette femme, parce qu’elle était sa bourgeoise. En conséquence, l’évêque mit toute la ville en interdit, ce qui n’empêcha point les religieux d’inhumer les morts comme à l’ordinaire. A cette nouvelle, les esprits s’échauffèrent de part et d’autre, et l’archevêque de Sens ainsi que l’abbé de Cluny durent intervenir. Il fut décidé que la femme serait livrée entre les mains du prélat; qu’un des religieux supplierait à genoux l’évêque de lever l’interdit, et qu’on tirerait de terre les corps de vingt personnes qui avaient été inhumées pendant la durée de la censure, afin que le prélat put absoudre ces cadavres : cérémonie terrible qui devait, à cette époque, faire une impression profonde sur les esprits. Peu de temps après, et le mardi 22 mars 1272, Yolande, comtesse de Nevers, reconnut en présence de Hugues, duc de Bourgogne, qu’elle était tenue de porter l’évêque le jour de son installation, non seulement, à cause du fief de Donzy, mais encore du fief d’Auxerre. Elle en donna un nouvel acte daté de Lésinnes le jeudi 4 août de la même année. Au mois d’avril, Erard, en qualité d’exécuteur testamentaire de Jean de Sully, archevêque de Bourges, délivra un legs de cent sous de rente au chapitre pour la fondation d’un anniversaire, et en mai suivant, il fit quelques autres largesses à diverses églises pour le repos de l’âme de son oncle. En 1273, il annexa une prébende à la chantrerie de Varzy, et reçut le serment de Robert de Béthune, comte de Flandre, et de Jean de Chalon, pour le comté d’Auxerre. En janvier 1274, il confirma, comme seigneur de Lésinnes, la vente d’une portion des dîmes de Sainbour que Jean le Moine, chevalier, fit aux religieuses de la Charité-sous-Lésinnes. Erard de Lésinnes étant venu au chapitre général du 3 mai 1275, y confirma aux chanoines le droit de nommer et de présenter aux cures de Monéteau, Gurgy, Chicbery, Chemilly, Beauvoir, Pourrain, Lindry, Cravant, Accolay, Oisy, Billy, Bazarnes, Montigny et les trois églises de Saint-Bris. L’année suivante, il donna au chapitre les dîmes de Chitry, et la juridiction temporelle dans les maisons canoniales situées dans le cloître et sur les séculiers qui les habitaient, sauf les cas d’incendie, homicide, rapt, etc. Les habitants de Bailly, Appoigny et Esbries se refusaient depuis longtemps à payer les dîmes à l’évêque d’Auxerre, quoiqu’ils fussent ses sujets, obligés à la servitude de main-morte, et à la taille haute et basse. Erard, du consentement de son chapitre, proposa de leur remettre la main-morte et de fixer leurs tailles par an, à la somme de 80 livres. Par ce moyen, tous les habitants consentirent à payer à l’avenir les dîmes de blé, de vin, etc., et ainsi il augmenta les revenus de l’évêché de plus de 300 livres par an. Se trouvant à Paris le vendredi 26 juin 1276, il reçut le contrat de mariage de Gui de Châteauvillain et d’Isabelle, fille de feu Hugues de Jaligny, nièce de son parent Guillaume de Jaligny, alors chantre d’Auxerre et depuis évêque de Laon. Erard de Lésinnes dut encore mettre en oeuvre les armes de l’église pour réprimer l’audace de Jean de Châlon, comte d’Auxerre. Il avait excommunié ce comte et sa femme; mais comme cette peine fut bravée, il jeta un interdit général sur la ville et le comté. Jean de Châlon en appela à Rome, et Erard se rendit en 1276 auprès du Saint-Siége pour y soutenir ses actes, mais il y trouva la fin de sa carrière. Comme il n’était point habitué aux chaleurs de l’Italie, il y contracta deux maladies dangereuses, après avoir été créé, le 12 mars 1278, cardinal et évêque de Palestine par le pape Nicolas III: mais il ne jouit pas longtemps de sa nouvelle dignité : sentant ses forces prêtes à s’éteindre, il se fit administrer le sacrement de l’extrême-onction, et rendit l’âme le samedi 18 mars 1279. D’après ses dernières volontés, ses restes mortels furent rendus à Auxerre, et inhumés sous la tombe de son oncle Gui de Mello. |
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