GUI
Il DE MELLO (1247 – 1270) |
Quoi
qu’il en soit, les bourgeois de Verdun, qui tenaient le parti de
l’empereur excommunié contre le pape, et voulaient se soustraire à la
domination temporelle des évêques, regardèrent le nouveau prélat comme
un étranger, et refusèrent de le reconnaître à titre de comte de la
ville, et par conséquent, de lui rendre les honneurs dus à cette qualité.
Gui de Mello qui n’était alors âgé que de trente deux ans, essaya de
les ramener par des voies de douceur et aussitôt après sa prise de
possession, convoqua à cet égard les magistrats et le peuple. Ses représentations
furent inutiles. Il prit alors le parti de les excommunier, et, ayant délibéré
avec le clergé, il sortit processionnellement de la ville, faisant porter
devant lui le corps de Notre-Seigneur, avec ordre de signifier un interdit
général de l’office divin dans toutes les églises; où il ne laissa
que quelques prêtres pour baptiser les enfants et absoudre les mourants.
« Dieu
conduisit tellement les démarches de Gui, dit l’historien de sa vie,
que dans tout ce qu’il entreprit pour son honneur et pour les droits des
églises dont il fut chargé ; il demeura toujours victorieux. » Il
fit son entrée solennelle à Auxerre le dimanche de Pâques, 31 mars
1247, et à cet effet, Mahaut, comtesse de Nevers, par un acte du 28 de ce
mois, donna commission à Hugues de Vérigny, seigneur d’Anlézy, de
porter le prélat en son nom. Peu après, Gui se rendit à Sens pour y prêter
aux mains de l’archevêque Gilles Cornut, le serment d’obéissance
d’usage. Quelque temps après son intronisation à Auxerre, un grand
nombre de seigneurs entreprirent le voyage de la Terre-Sainte, et résolurent
de partir avec saint Louis. Plusieurs d’entre eux ayant alors fait leur
testament, choisirent ce prélat pour être leur exécuteur. De ce nombre,
furent son père Guillaume de Mello; son oncle Dreux de Mollo, seigneur de
Loches et de Mayenne; Archambaud de Bourbon le jeune, fils d’Archambaud
son cousin-germain, et Jean de Toucy, seigneur de Saint-Fargeau. Pendant
l’absence du roi et des principaux parents de Gui, le chevalier Renaud
Rongefert, voulant en quelque sorte braver l’évêque, fit fortifier et
élever sa maison de Saint-Pierre-du-Mont, prés de Varzy. Gui lui
signifia qu’il eut à démolir toutes ses constructions, parce qu’il
n’était pas permis de bâtir un château dans la châtellenie d’un
autre seigneur supérieur et reconnu tel, sans la permission de celui-ci.
Le chevalier répondit par le mépris aux admonitions de l’évêque qui,
après avoir imploré l’assistance du bras séculier, vint assiéger le
château , le prit en peu de jours et le rasa jusqu’aux fondements.
Furieux. Renaud essaya depuis d’attenter à la vie de Gui, mais Dieu
permit que tous ses efforts fussent vains et inutiles. Un autre seigneur,
Geoffroi de Corbelain, écuyer et homme-lige du prélat, fit aussi
construire, dans sa maison de Corbelain, au préjudice des droits de l’évêché,
une bretèche, espèce de forteresse en bois, et quelques autres édifices
qui ressemblaient à un château. La comtesse Mahaud se rendit médiatrice
en cette affaire :on convint que ce qui était bâti resterait sur
pied, mais que si Geoffroi y ajoutait quelque autre construction, la
comtesse se chargeait de la faire démolir. Gui réprima également, mais
sur la fin de ses Jours, la hardiesse de Pierre de Bassou, chevalier, qui
avait osé entreprendre sur sa justice d’Appoigny, et obtint contre lui
un fameux arrêt donné par le parlement le 1er novembre 1269. Ayant
appris qu’il y avait longtemps que les évêques d’Auxerre n’étaient
entrés comme seigneurs féodaux dans les châteaux ou tours de Château-Neuf,
Saint-Sauveur, Cosne, Mailly et Bitry, il contraignit la comtesse Mahaud,
par censure ecclésiastique, à les lui livrer. Après avoir couché une
nuit dans chacun d’eux, il laissa quelques officiers pour les garder et les rendit
ensuite à la comtesse, sa vassale. En
1248, Gui de Mello approuva la vente que Guillaume d’Arcis, chevalier,
et Mathilde, sa femme, avaient faite aux religieuses de Maubuisson, de
tous les biens qu’ils possédaient à Pontoise, du chef de ladite
Mathilde. Il confirma aussi les donations de son grand-oncle, Dreux de
Mello, à l’abbaye de Baugerais. N’ignorant point l’acquisition que
les chanoines de la cathédrale avaient faite du bourg de Cunzy, près de
Varzy, que son frère Dreux avait, en 1248, vendu de son consentement, par
devant Anseau, évêque d’Autun, il songea à réunir ce bien à la
terre épiscopale de Varzy, et pour y parvenir il donna à son chapitre sa
grange de Chichery. La même année, Guillaume de Mello, son père,
reconnut, au mois de juillet, tenir de lui en fief sa maison de Beauche,
en présence et témoignage de son frère, Dreux, seigneur de Loches et de
Mayenne, et de Gui son oncle. Déjà, à la fin de juin précédent, le même
Guillaume avait engagé à Gui, comme évêque, quelques domaines du fief
de Mathilde, comtesse de Nevers. Au
mois d’octobre 1249, Gui de Orto reconnut, en présence de Gilles Cornut,
archevêque de Sens, avoir reçu et tenir de Gui de Mello, en fief et
hommage-lige, sa maison de Orto, dont la situation n’est point connue
aujourd’hui. La même année, l’évêque d’Auxerre établit dans sa
cathédrale un second archidiacre, et une bulle d’innocent IV, en date
du 23 octobre, approuva cette institution. Gui, pour l’obtenir, avait
exposé que le nombre des fidèles était devenu trop grand dans son diocèse
pour qu’un seul archidiacre pût suffire, et que le chapitre avait admis
tous les articles de ses dispositions. La cure de Nannay fut alors unie au
grand archidiaconé, et celle de Treigny au second qui prit le nom
d’archidiaconé de Puisaye. Gui décréta aussi, le mardi 16 novembre
1249, que l’écolâtre d’Auxerre serait désormais son chapelain et
son vicaire pendant ses diverses absences. Il attribua aux religieux du
Val-des-Choux la chapelle de Plain-Marchais, dans la paroisse de Lavau, et
ceux-ci, le vendredi 18 mars 1250, reconnurent que cette chapelle était
une dépendance de l’évêché. Les Prémontrés de Saint-Marien lui
demandèrent, le vendredi 12 mai 1251, de vouloir bien confirmer l’élection
d’Etienne, alors abbé de Saint-Paul de Sens. Vers
cette époque se passa un événement qui démontre combien Gui de Mello
savait énergiquement maintenir les immunités et privilèges de l’église.
Par une sentence d’un juge laïque, un clerc appelé Robin Chevrier,
avait été condamné au bannissement à l’instigation d’une riche
famille bourgeoise d’Auxerre, nommée les Souefs, et à l’insu de l’évêque
diocésain. Revenu à Auxerre avant l’expiration de sa peine, ce clerc,
sur la poursuite de cette même famille, fut bientôt arrêté, et
nonobstant toutes les réclamations de Gui de Mello, pendu haut et court
aux fourches patibulaires de Brelon. Gui de Mello porta cette affaire au
tribunal d’innocent IV alors à Lyon, et les ennemis de Chevrier succombèrent
dans la procédure et furent condamnés à une réparation authentique.
Elle consista en une procession où le clergé et le peuple, sorti de la
ville et du faubourg, le rendirent à sa justice. Lebuin, prévôt d’Auxerre,
Pierre et Dreux Souef et leurs complices, pieds nus et en chemise, des
verges à la main, portèrent, depuis ces fourches jusqu’à la cathédrale,
une bière sur laquelle était l’effigie d’un clerc. La messe
solennelle des morts fut célébrée par l’évêque, et le cadavre de
Robin Chevrier, qu’on avait détaché de la potence et conservé dans un
coffre, reçut la sépulture près de l’église de Notre-Dame de la Cité.
Les malfaiteurs payèrent un outre au prélat une amende considérable,
sur laquelle il donna aux chanoines de cette collégiale une somme de
trois cents livres, pour être employée à la construction d’une petite
chapelle sur la sépulture du pauvre clerc. En
1252, Gui permit aux Franciscains d’établir à Auxerre une maison de
leur Ordre. Gui qui, le 9 juin 1247, avait fait à l’abbaye de Pontigny,
en présence du roi saint Louis, de la reine Blanche, sa mère, et de
toute la cour, l’élévation du corps de saint Edme, archevêque de
Cantorbéry, assista à la fameuse assemblée tenue à Sens le 19 mars
1251, pour examiner l’affaire du mariage de Henri, roi d’Angleterre,
avec Jeanne de Ponthieu. Il se trouva cette même année à Paris au
concile provincial de Sens qui adressa une monition canonique à Thibaud
VI, comte de Champagne, son parent, à celui du mercredi 12 novembre
1253, du 13 juillet 1255, et à ceux tenus à Sens les 31 juillet et 24
octobre 1256, tous relatifs au meurtre de Renaud de l’Epine, chantre de
l’église de Chartres. Au mois de juin précédent, il approuva le décret
d’Alexandre IV sur la canonisation de saint Pierre martyr, et de concert
avec la comtesse Mathilde; il fit, Ie 4 juin de cette même année,
quelques règlements au sujet de la vente du pain dans la ville
d’Auxerre. En 1257, Thibaud, roi de Navarre, le récompensa de quelques
services, et la comtesse Mathilde le nomma l’un de ses exécuteurs
testamentaires. Le
5 septembre 1258 , Gui de Mello se trouva avec Eudes Rigaud, archevêque
de Rouen, son ami intime, à la translation des reliques de saint Eloi
dans la cathédrale de Noyon, et approuva, la même année une vente
faite par les chanoines de Saint-Pierre d’Auxerre à ceux de Saint-Jean
de Sens. En 1259, il souscrivit aux lettres des évêques qui permettaient
à saint Louis d’employer en oeuvres pies les sommes qui devaient être
resituées à des personnes inconnues, et concilia un différend de
l’abbesse de Crisenon avec le seigneur de Bazarnes. L’année
suivante, l’évêque d’Auxerre, parlant au nom du clergé de France,
fit, en présence de saint Louis, des prélats et des grands du royaume,
un tableau pathétique des vexations qu’avaient à subir les chrétiens
d’Orient. Au mois d’avril, en qualité d’exécuteur testamentaire de
Guillaume de Mello, son père, il fonda l’anniversaire de ce dernier
dans les églises de Saint-Germain, de Grandmont, et des religieuses des
îles. Le 27 novembre suivant, Thibaud, roi de Navarre, lui permit de
disposer, en faveur de qui il lui plairait, d’une rente qu’il lui
avait donnée trois ans auparavant sur les entrées de la ville de Troyes.
Gui s’en servit pour fonder six chapelains à Saint-Jean-le-Rond, outre
les deux qui y étaient déjà et six à Saint-Michel. Toutefois, il
n’exécuta son dessein qu’au mois d’octobre 1265, lorsqu’il fit
son propre testament. Au
mois de février 1261, Gui était témoin de la vente des domaines de
Pinterville faite à Eudes Rigaud, archevêque de Rouen, par Jean de
Meulan, et le dimanche 3 mars suivant, il accorda aux religieux de
Pontigny un oratoire et un autel dans leur maison de Saint-Bris. Le 1er
juillet, il se trouvait à Paris, et y passa dans l’hôtel d’Eudes
Rigaud un compromis avec, le comte de Nevers et le prieur de Pré, près
de Donzy, sur un procès relatif à l’arrestation de quelques-uns de
ses vassaux. A son retour de l’assemblée de Clermont, en juillet 1262,
il suivit Eudes Rigaud à Rouen et à Villedieu, et y bénit en son nom
l’abbé de Valmont. Vers cette époque, ainsi qu’il résulte d’une
lettre du pape Urbain IV, ce Souverain-Pontife lui offrit le patriarcat de
Jérusalem, mais Gui déclina cet honneur. En mars 1264, il acheta tout ce
que Renaud Préaux possédait à Lindry. Le pape Clément IV lui écrivit
peu après pour l’inviter à se joindre à Charles, roi de Sicile, dans
la croisade publiée contre le tyran Mainfroi. Gui, trois ans auparavant,
avait paru à la tête d’une armée levée en quinze jours par Urbain
IV, et avait fait des prodiges de valeur; aussi n’hésita-t-il pas à
lever de nouveau sa bannière pour rendre Charles d’Anjou, frère du roi
saint Louis, paisible possesseur des royaumes de Naples et de Sicile. Il
partit en octobre 1265, d’après la Chronique de Nangis, avec Robert,
comte de Flandre, Bouchard, comte de Vendôme, et plusieurs autres
seigneurs. Ce fut alors que dans l’incertitude de son retour, il fit son
testament dont un des principaux exécuteurs fut son ami, Eudes Rigaud,
archevêque de Rouen. En quittant Auxerre, il passa à Vézelay, où le 4
octobre, il y vérifia, à la prière de l’abbé et des religieux, les
reliques de sainte Marie de Béthanie. Arrivé à Rome, Gui y fut créé légat
apostolique pour cette croisade et partit avec le roi Charles, récemment
couronné. Ils prirent le chemin de Bénévent, où Mainfroi s’était
renfermé. Lorsque l’heure de livrer bataille fut arrivée, l’évêque
d’Auxerre harangua en peu de mots les chefs et l’armée, donna
l’absolution générale aux soldats, et leur promit, dit Guillaume de
Nangis, de la part de Dieu, une place au paradis, s'ils mouraient dans
cette guerre. La victoire acheva l’œuvre de Gui, qui revint à Rome en
mars 1266 , y fut reçu avec de grands honneurs, et le 15 mai, obtint du
pape la confirmation de tous les biens, droits et privilèges de son église. A son retour d’Italie, Gui alla se reposer auprès d’Eudes
Rigaud qui, le 25 août 1266, le laissa malade au château d’Alleville,
toutefois, le 28 septembre suivant, il se trouvait à
Saint-Germain-en-laye présent au contrat de mariage de Fernand, infant de
Castille, avec Blanche, fille de saint Louis. Le 1er février 1267, il était
à Saint-Satur, en Berri. Le siège métropolitain de Lyon était alors
vacant par suite de la démission de Philippe de Savoie, les uns
demandaient pour lui succéder, Milon, doyen de cette église, d’autres,
au contraire, lui eussent préféré Gui de la Tour, évêque de Clermont.
Pour mettre fin à ces tiraillements, Clément IV nomma Gui de Mello à
cet archevêché par une bulle du 30 décembre 1267; mais Gui, fidèle à
l’église d’Auxerre, refusa de devenir primat des Gaules. En 1269, le
roi saint Louis étant passé à Auxerre, Gui lui fit une réception
magnifique, et obtint de ce prince qu’une monnaie fabriquée à Auxerre
par Eudes, comte de Nevers, sans avoir été approuvée des officiers de
l’église, ne put avoir cours dans la ville, et que ceux qui l’avaient
fabriquée fussent chassés. Enfin, les Templiers qui, sans son
autorisation, avaient fait suspendre une cloche à la chapelle de leur
maison de Monéteau, où ils s’étaient même permis d’administrer la
bénédiction nuptiale, furent, à sa requête, condamnés par Simon de
Brie, cardinal et légat en France, à donner à l’évêque d’Auxerre
pleine et entière satisfaction. La
maison épiscopale qui subsiste encore à Auxerre, est due en partie à la
munificence du prélat, qui fit d’énormes dépenses pour relever et
embellir les châteaux de Régennes, de Beauretour, de Villechaud, de
Varzy, etc. Une
grave maladie l’éprouva cruellement. La prière et les bonnes oeuvres
l’occupèrent alors exclusivement, et ce fut en fixant les yeux sur le
crucifix et sur l’image de la sainte Vierge, qu’il rendit le dernier
soupir, le 19 septembre 1270, à l’âge de 58 ans; après un épiscopat
de 23 ans et 6 mois. On l’inhuma dans le chœur de la cathédrale, aux
pieds de Bernard de SuIly.
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