FERRIC
ou FERRY CASSINEL. (1382-1390) |
L’alliance
de famille qui existait entre la maison d’Estouteville et celle de
Cassinel, contribua au choix, comme évêque d’Auxerre, de Ferry
Cassinel, évêque de Lodève. Il était troisième fils de François
Cassinel, sergent d’armes du roi Jean, mort à Paris le 21 octobre 1360,
et d’Alix Deschamps, décédée le 23 octobre 1342. Son frère aîné,
nommé Guillaume, seigneur de Pomponne près de Paris, sergent d’armes
de Charles y avait épousé Isabeau de Châtillon, veuve de Matthieu,
seigneur de Roye, proche parent de Guillaume d’Estouteville. Cette
famille de Cassinel originaire de Lucques en Italie, sortait d’un Jean
Cassinel, dont un fils servit le roi Philippe le Bel, qui le fit chevalier
de son ordre, et châtelain de Galargues au diocèse de Nîmes. Ferry
fut d’abord clerc et notaire royal, puis secrétaire du roi Charles VI
qui l’affectionnait beaucoup et le retint presque toujours à sa cour.
Docteur en théologie en 1372, il remplissait depuis 1367 les fonctions
d’archidiacre du Vexin français dans l’église de Rouen, lorsque le
roi le nomma, en 1374, au siége épiscopal de Lodève, dont il avait pris
possession avant le 19 février 1375. A
cette date, on le trouve payant 3,000 livres en or, à Louis, frère du
roi, gouverneur de Languedoc, et l’année suivante, son nom est mentionné
dans une sentence rendue par Louis, duc d’Orléans, entre Gaston III dit
Phébus, comte de Foix, et Jean Il dit le Bossu, comte d’Armagnac. Un
acte du 26 mai 1377 nous apprend que Ferry reçut alors le titre de
capitaine-général en Languedoc, et que ces fonctions lui valaient des
appointements de deux livres en or par jour. Une autre charte du 12
septembre suivant, lui donne enfin le titre de comte de Montbrun qui,
depuis un temps immémorial, appartenait aux évêques de Lodève. Faut-il
d’autres preuves pour conclure que Ferry est le même évêque que
Plantavit de la Pause (Chronologia praesulum ladovensium) mentionne sous
le nom de Sarrussius ou Serrussius ? C’est donc à Ferry qu’il
faut rapporter un acte du 21 avril 1378, qui remet à la juridiction du
bailli de la Vacquerie le village de
Saint-Pierre de la Fage et ses dépendances, que depuis quelques
années seulement, on avait soumis à la juridiction du bailli de
Parlatges. Le chapitre de Lodève sanctionna cet acte par délibération
du 23 décembre suivant. Transféré
à l’évêché d’Auxerre, en 1382, Ferry promit pour ce siège à la
chambre apostolique le 22 octobre de cette année. Il dédia, le 12 juin
1383, l’église de Saint-Eusèbe, confirma et augmenta en 1385 les
statuts du chapitre collégial de Cosne. Ferry
fit à Charles VI des prêts considérables pour l’aider à faire la
guerre aux Anglais. Il lui avança la somme de cinq cents livres qui fut
remboursée, dans les derniers mois de 1385, par Nicolas de Plancy,
notaire du roi et clerc de ses comptes. Il parut avec éclat dans
l’affaire doctrinale de l’Aragonais, Jean de Monteson, religieux
dominicain, qui enseignait publiquement que la sainte Vierge avait été
conçue avec la tache du péché originel. Ferry plaida avec éloquence,
devant toute la cour, pour prouver le contraire; Il força Guillaume de
Vallan, évêque d’Évreux, partisan de cette doctrine, de rétracter le
17 février 1389, en présence du roi, ses erreurs à ce sujet , et
il engagea le roi à ordonner que l’on célébrât dans le royaume la fête
de la Conception, et que l’on fit publiquement rétracter les partisans
de Monteson. Nous ignorons si cet acte de dévouement au cuIte de Marie
immaculée figure dans les preuves que le Saint-Siège a réunies en
faveur du dogme consolant de l’Immaculée Conception de la plus pure des
Vierges; mais, quoi qu’il en soit ,nous ne laisserons pas échapper
l’occasion de montrer que le dogme dit nouveau , dans ces dernières années,
avait déjà de profondes racines dans notre religieux pays en 1387;
cependant, on doit avouer, avec l’abbé Lebeuf, que Ferry soutint avec
trop de sévérité une opinion qui ne reposait alors sur aucune décision
des papes et des conciles. L’aunée
suivante, Ferry s’opposa au rétablissement que le doyen de la cathédrale
d’Auxerre voulait faire de sa juridiction. Il eut un procès qu’il
perdit, au parlement de Paris, contre Etienne de Mailly, avocat demeurant
à Auxerre, qu’ il avait fait violemment conduire à Régennes, où
Guillaume Cassinel, frère du prélat, lui avait administré la géhenne
par deux de ses domestiques, parce qu’il avait plaidé à Auxerre pour
de bonnes gens mis injustement en cause. Le parlement ordonna, le 18 mars
1388, que l’évêque fit grâce à Etienne de Mailly, et enjoignit à
l’avocat de faire honneur et révérence au prélat, déclarant qu’après
cette démarche, Etienne pourrait exercer son office d’advocation. Ferry
excellait dans le droit; il excellait aussi dans la prédication : le
7 mai 1389, il prononça l’oraison funèbre du connétable Du Guesclin,
mort depuis neuf ans, oraison qui, dit-on, fut la première qu’on ait
prononcée en France pour un simple particulier, il la commença par ce
texte de l’Écriture : « Son nom a volé jusqu’aux extrémités
de la terre. » Il y rappela les principales actions du héros, et
finit en montrant que, pour mériter la réputation du brave chevalier
Bertrand Du Guesclin, il fallait, comme lui, joindre l’honneur et la
vertu à la valeur et à l’expérience. Le 1er de ce mois, Ferry avait
officié à Saint-Denis lorsque Charles VI arma Louis et Charles
d’Anjou, ses neveux. Le 1er juin suivant, il traita avec le chapitre de la cathédrale pour des prières à dire à son intention pendant le reste de sa vie et après sa mort. Touché de ce motif de piété. il légua à ce chapitre la terre de Sacy, achetée par son frère Guillaume Cassinel, à la charge de douze messes chaque année. L’acte qui constituait cette donation fut apporté en plein chapitre par Guillaume qui en déclara la substance, et deux notaires en authentiquèrent le dépôt, le 4 du même mois. Peu
de temps après, Ferry fut transféré à l’archevêché de Reims,
devenu vacant par la mort de Richard Picque. En quittant Auxerre, il
laissa l’évêché onéré de 1750 florins d’or et le logis épiscopal
en mauvais état, probablement parce qu’il avait beaucoup aidé sa
famille. On voit en effet, que, dès la première année de son épiscopat,
il avait acheté la terre de Survilliers, près de Senlis, de Pétronille
de Laistre, et en avait fait présent à Marie Cassinel, sa nièce, qui épousait
Gaucher de Châtillon, seigneur de Froissy et de Marigny. Ferry
se rendit à Avignon pour remercier le pape Clément VII de la faveur
qu’il venait de lui accorder, promit pour son nouveau siège le 31
janvier 1390, et poursuivit ensuite son voyage jusque dans le Languedoc,
par ordre du roi Charles VII, pour y punir des malversateurs; mais ayant
été empoisonné, il ne put aller à Reims où il avait été reçu par
procureur depuis un mois seulement, et mourut à Nîmes, le 26 mai 1390,
après avoir fait son testament. On reconduisit son corps à Auxerre et il
fut inhumé, le premier, dans le sanctuaire de Saint-Etienne, où l’on
voyait encore en 1783, son tombeau en assez mauvais état.
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