François de Donadieu ( 1599 - 1625 ) |
Après la mort d’Amyot, le siège resta vacant pendant sept ou huit ans. Plusieurs ecclésiastiques à qui il fut offert, le refusèrent a cause du fâcheux état de la ville et des biens de l’évêché. Henri IV y nomma, en 1394, N. Pelletier, conseiller-clerc au parlement de Paris, ensuite François de Donadieu, abbé de Saint-Hilaire de Carcassonne, qui, ne pouvant obtenir des bulles avant que le roi n’eût abjuré l’hérésie, céda son brevet, vers 1597, à Jean Lourdereaux, abbé de Saint-Marien d’Auxerre; mais ce dernier mourut empoisonné en revenant de Paris en 1598, et l’évêché d’Auxerre fut donné par le roi à un frère aîné de François Donadieu, précédemment nommé, et qui s’appelait comme lui. François de Donadieu, du diocèse de Mirepoix, simple clerc tonsuré, était né en 1558, du mariage de Jean de Donadieu et de Madeleine de Hautpont. L’un de ses frères, Pierre de Donadieu, plus connu sous le nom de Puchairie, fut vicomte de Domfront, chevalier des ordres, capitaine de 50 hommes d’armes, conseiller des rois Henri III et Henri IV, sénéchal d’Angers, gouverneur du Maine et de l’Anjou, et mourut en 1604 aux eaux de Pougues. François fut présenté par le roi au pape Clément VIII, le 12 février 1598, et vivement recommandé par le chapitre qui gémissait de tant de retards; mais la cour de Rome, qui ne recevait pas sans défiance les présentations d’Henri IV, ne cessa d’hésiter qu’après que François de Donadieu se fût rendu en personne auprès du Souverain-Pontife qui put ainsi l’apprécier par lui-même. A Rome, l’évêque nommé d’Auxerre prit le bonnet de docteur au collège de la Sapience , et le pape lui accorda gratis, en juin 1599, les bulles de son évêché et celles de l’abbaye de Bellebranche que le roi lui avait donnée avec l’évêché d’Auxerre. François de Donadieu fut ensuite ordonné prêtre par le cardinal de Joyeuse, archevêque de Toulouse, qui s’était rendu à Rome en même temps que lui, et sacré par le même prélat, et non par le Souverain-Pontife, comme le dit un auteur moderne, le 1er août suivant, dans l’église de SaintPierre-ès-Liens. En accordant les bulles épiscopales à François, Clément VIII en avait donné avis le même jour au chapitre d’Auxerre, afin que les chanoines disposassent les esprits à reconnaître le nouvel. évêque comme leur légitime pasteur. De son côté, François avait chargé, dès le 13juillet, son frère Pierre, de prendre ou de faire prendre en son nom possession du siège d’Auxerre, ce qui eut lieu le 14. juin 1600 par l’entremise de Gaspard Damy, chanoine et lecteur de cette église. Toutefois, voulant passer à Rome l’année du jubilé séculaire, il ne fit son entrée solennelle à Auxerre que le mercredi-saint, 18 avril 1604, et le lendemain il fut reçu à la cathédrale. Le 17 septembre de l’année suivante, il prêta serment à l’église de Sens, entre les mains de Renaud de Beaune, son métropolitain. Ceux qui ont connu le caractère de François de Donadieu le représentent unanimement comme un véritable Nathanaël, sans fraude ni malice, d’un accès facile et d’un caractère naturellement libéral, joyeux et agréable dans la conversation; il était d’une taille moyenne, avait les yeux brillants et le visage sec, et portait une longue barbe. La première chose qui l’occupa, fut la visite des paroisses de son diocèse, tant pour procéder à la réforme des mœurs des ecclésiastiques, que pour administrer le sacrement de confirmation. Il n’oublia point de tenir exactement des synodes qui contribuèrent beaucoup au rétablissement. de la discipline. Son caractère doux et paisible ne lui fit point négliger les aveux et hommages qui lui étaient dus pour les terres qui relevaient de son évêché. En qualité de seigneur, il dressa un terrier général, et réunit au domaine de son siège un fief situé à Appoigny et qu’il acheta à la famille des Le Briois. Il fit aussi quelques échanges avec le chapitre, et racheta le château de Régennes qui, à peine réparé à ses frais, avait été pris, en 1615, par le prince de Condé. François se plut à embellir les églises et surtout sa cathédrale. Il établit des Capucins aux portes d’Auxerre, leur donna la somme de deux mille quatre cents livres pour acheter le terrain et les matériaux nécessaires à la construction de leur couvent, et, le 27 septembre 1606, planta lui-même la croix à l’endroit où leur église devait être bâtie. Il ajouta douze cents livres à ce premier don, et continua, aussi longtemps qu’il fût à Auxerre, d’accorder à ces religieux la valeur de cent livres chaque année. En 1614, il dédia leur église. Les Jésuites furent aussi l’objet de la vive sollicitude de François de Donadieu. Amyot avait projeté de leur donner une maison à Auxerse, et cette maison était même construite lorsqu’il mourut. Le nouvel évêque contribua, par son crédit et ses sollicitations à empêcher que le bâtiment élevé avec les deniers de son prédécesseur ne retournât à ses héritiers, et il obtint un arrêt qui l’adjugea à la ville en 1607. Ayant ensuite laissé écouler un certain intervalle de temps après la mort d’Henri IV, il consentit à l’établissement des Jésuites, et leur donna, à leur arrivée en 1622, la somme de 1.000 livres. Dès l’année 1606, il avait perpétuellement. uni à leur collège de La Flèche son abbaye de Bellebranche. Le 3 octobre 1618, il établit à Auxerre un couvent d’Ursulines et leur donna des constitutions en 1623, avec l’avis et les conseils de Jean Boutroux, curé de Saint-Pierre-en-Chàteau, promoteur de cet établissement. Il approuva celui des Augustins de la réforme de Bourges dans la ville de Cosne en 1616, aussi bien que la maison des Récollets qui, en 1620 et sous ses auspices, se fixèrent à Clamecy et à La Charité-sur-Loire. Les Jacobins et les Carmélites songèrent pareillement à s’introduire à Auxerre, mais leurs projets n’eurent point de suite. L’établissement des Bénédictines à La Charité eut plus de succès en 1624. Il prit un soin particulier des religieuses de l’abbaye de Saint-Julien, qui s’étaient retirées dans leur maison de Charentenay depuis les dernières guerres de la Ligue. Il serait inutile de s’étendre ici sur les statuts qui furent publiés dans les synodes tenus de son temps, Si la compilation qui en fut imprimée en 1622, n’était devenue fort rare. On y voit que c’est avec le plus grand zèle qu’il poursuivait les abus et rétablissait la discipline. Ainsi, par exemple, il défend, comme une cérémonie indécente et non conforme aux saints décrets, d’enchérir les bâtons pendant le chant du Magnificat et de les délivrer aux versets Deposuit et Suscepit; il décide qu’à l’avenir il n’y aura qu’un parrain et une marraine à chaque baptême, et qu’on retranchera la coutume par laquelle il y avait, en outre, un assistant ou une assistante, suivant que l’enfant à baptiser était un garçon ou une fille ; il ordonne aux prêtres qui administrent l’eucharistie, de ne plus présenter aux fidèles qui ont communié de l’eau et du vin dans un calice, mais dans un verre ou autre vase, afin qu’ils ne croient point communier sous les deux espèces; il prescrit aux curés ou vicaires de ne point prononcer dans les prières, les noms des seigneurs qui, dans les églises paroissiales, se disputeraient entre eux les honneurs et les prérogatives, et de laisser leur part du pain bénit sur le banc des fabriciens ; il défend de célébrer la messe pro sponso et sponsa au mariage de ceux qui, avant été mariés une première fois, disaient qu’on avait usé de ligature dans le dessein de leur nuire il proscrit aussi un ridicule usage qui s’était introduit de faire chanter à gorge déployée, par les parents du mari et les autres assistants, le Benedicamus qui terminait les vêpres que l’on faisait célébrer le jour des noces dans certains villages du diocèse; il interdit enfin les mascarades d’hommes vêtus en apôtres avec de fausses barbes et des perruques surmontées d’espèces d’auréoles, dont on faisait abus à la procession du jour de la Fête-Dieu : au lieu de ces vains simulacres, le prélat commande, en cette circonstance, de se montrer calme et recueilli, et de porter avec respect des cierges allumés. Bien que, depuis près d’un siècle, l’Eglise d’Auxerre n’eût point possédé de pasteur plus scrupuleusement attaché à la résidence que François de Donadieu, il n’en faut point conclure que ce prélat ne sortit jamais de son diocèse. Il s’en éloigna quelquefois, mais ce fut presque toujours pour des motifs pieux. C’est ainsi qu’en 1601, il se rendit à Orléans afin d’y gagner le jubilé que le pape avait accordé pour la continuation de l’église cathédrale dont le roi Henri IV avait posé la première pierre. C’est ainsi encore qu’on le vit, quelquefois célébrer à Paris la messe de l’ouverture du parlement. Egalement, lors des obsèques de Henri IV, il conduisit à Saint-Denys l’ambassadeur de Savoie, fit le diacre et chanta l’évangile à la messe des funérailles. L’assistance qu’il devait aux assemblées du clergé de la province l’obligea aussi à quelques voyages, et l’on voit son nom au bas de la condamnation du livre d’Edmond Richer sur la Puissance ecclésiastique, condamnation qui fut prononcée, le 13 mars 1611, par les évêques de la province de Sens. Sous son épiscopat, il essaya d’introduire dans la cathédrale le rite romain; toutefois, dans les visites des paroisses, il ordonnait qu’on achetât le Missel d’Auxerre préférablement au Missel romain, et ne permettait ce dernier qu’au défaut du diocésain qui commençait à devenir rare. Renaud Martin, archidiacre, fit aussi de son temps l’essai d’une correction du Bréviaire d’Auxerre, mais elle n’était point achevée en 1620, et il ne parut aucun ouvrage liturgique sous l’épiscopat de François de Donadieu, à qui Denys Perronet, pénitencier de la cathédrale, dédia, en 1601, un volume de Sermons, et Nicolas Camusat, chanoine de Troyes, en 1608, la Chronique de Robert, religieux de Saint-Marien d’Auxerre. Le 13 mai 1623, Gilles de Souvré, évêque de Comminges, vit à Paris François de Donadieu et lui persuada qu’il devait se rapprocher de son pays et de son frère François, alors évêque de Saint-Papoul. « François de Donadieu, ajoute l’abbé Lebeuf, fut tellement ébloui de cette proposition, qu’il n’examina pas seulement si celui avec qui il traitait, était revêtu de pouvoirs. On découvrit depuis que le sieur de Ventenac, son homme d’affaires, avait été gagné pour l’engager à la permutation. Le 7 février de l’an 1624, notre prélat étant retourné à Paris, révoqua le tout par devant notaires et fit signifier sa révocation à Gilles de Souvré, le 17 mars suivant, mais il était apparemment trop tard. » Le chagrin qu’il en conçut, le fit tomber gravement malade, car il aimait les Auxerrois qui le regrettèrent beaucoup. Revenu à la santé, il crut que Dieu lui demandait de résigner à un autre son évêché de Comminges, et il le fit en faveur de son neveu et fils adoptif, Barthélemi de Griet, sous la réserve d’une pension de huit mille livres et la jouissance, sa vie durant, du château d’Alan et des revenus de cette terre, dépendante de la mense épiscopale de Comminges. François
mourut au château d’Alan, le 5 janvier 1640, à l’âge de 82 ans, et
fut enseveli devant le grand autel de la cathédrale de Comminges, où
l’évêque Hugues de Labatut lui fit élever un tombeau que l’on voit
encore.
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