LE Vénérable GUILLAUME DE TOUCY (1167 – 1181)

La retraite d’Alain obligea le clergé d’Auxerre à se donner un premier pasteur. Pour éviter l’inconvénient qui était arrivé lors de l’élection précédente, on jeta les yeux sur un ecclésiastique renommé, né dans le pays et y faisant sa résidence. Cet ecclésiastique était Guillaume de Toucy. Il avait d’abord été archidiacre, puis prévôt de l’église de Sens. Il était frère de Hugues de Toucy, archevêque de cette ville, et fils de Girard de Narbonne, baron de Toucy, et d’Agnès, issue également d’une noble famille. Il avait rempli les fonctions de sous-diacre au couronnement de la reine Adèle de Champagne, à Paris, le 13 novembre 1153. Pendant tout le temps qu’il vécut à Sens, Guillaume s’était distingue par la somptuosité de son train de vie et la manière avec laquelle il pratiquait l’hospitalité. Ce fut à sa sollicitation que Hugues, son frère, invita le pape Alexandre III, qui n’était pas encore reconnu, à se retirer à Sens. Comme ce pape avait un compétiteur, les princes eux-mêmes craignaient de se déclarer trop vite pour lui; mais Guillaume, moins timide, alla au devant d’Alexandre et l’amena à Sens, où le pontife séjourna un an et demi dans toutes les splendeurs d’une hospitalité princière que lui firent Guillaume son zélé partisan et son frère l’archevêque.

Guillaume alors aussi trésorier de Saint-Étienne, fut sacré évêque d’Auxerre, le 2 juillet 1167. Il signala son avènement par des largesses à son église et à son chapitre, et partit pour Rome afin d’y reconnaître l’autorité d’Alexandre III. Ce fut le premier évêque français qui fit cette démarche. La principale donation qu’il fit à son chapitre fut celle de la moitié de l’église de Bazarnes , à la condition de célébrer d’une manière solennelle la fête de saint Martin et un anniversaire pour son frère l’archevêque Hugues. Revenu à Auxerre, Guillaume oublia son ancien faste et n’en conserva que la vertu de l’hospitalité; affable envers tout le monde, il se montra compatissant envers les affligés, libéral envers les pauvres, et se conduisit en tout cela avec une admirable simplicité. Il veillait avec sollicitude à la subsistance des maisons conventuelles de son diocèse, et aimait beaucoup la prière, les offices, la récitation des psaumes. Il célébrait la messe tous les jours. Enfin, il se concilia l’amitié du peuple, des évêques et des grands, entre autres, des comtes de Nevers qui n’étaient pas toujours bien intentionnés pour l’église. Au besoin, il sut résister avec force aux prétentions des seigneurs.

Ce qu’il fit pour la décoration de son église cathédrale mérite d’être rapporté. Il en fortifia la tour méridionale, en renouvela entièrement la toiture, et donna un magnifique vase d’argent du poids de huit marcs pour y renfermer l’eau bénite. Au nombre des augmentations qu’il procura au temporel de son évêché, il faut compter le don que lui fit, en 1173, le comte Guillaume, de tous les hommes qu’il avait dans le vallon de la Chapelle-de-Saint-André, et celui de plus de trente familles de Varzy, que la mère de ce comte lui accorda aussi en faveur de la mense épis­copale. Etienne de Pierre-Pertuis, son parent, seigneur de Bassou, s’était emparé d’une grande quantité de terres labourables du domaine de l’évêché; Guillaume le traduisit à la cour ecclésiastique de Sens et le fit condamner à la restitution; et, afin que les seigneurs de Bassou ne pussent plus recommencer leurs em­piètements, il fit planter sur les terres restituées une grande croix qui un fixait les limites, il acheta, à Auxerre, des droits de censive à Saint-Julien, ainsi que des maisons et des places dans le voisinage du palais épiscopal afin de l’agrandir. Ce n’est là, du reste, qu’une partie du bien que Guillaume laissa à ses successeurs.

Il y eut sous l’épiscopat de Guillaume plusieurs nouveaux au­tels fondés dans l’église cathédrale. Le premier et le principal fut celui que cet évêque consacra sous le titre de la Croix, de saint Jean l’évangéliste, saint Laurent, saint Cyr et sainte Julitte et de saint Gilles. Il y établît deux chapelains qui étaient tenus de dire chaque jour la messe pour le repos de l’âme du comte Gui et de celles de ses prédécesseurs. Le second autel était situé dans les cryptes de cette église : il le consacra sous le titre de saint Paul, de saint Cyr et de sainte Julitte, de saint Germain et de sainte Marie-Madeleine, et voulut que les chanoines de Notre-Dame en eussent la desserte, et priassent pour lui et pour son clerc Fromond qui, le premier, y avait attribué des fonds. Ces autels furent dotés.

Les maisons religieuses de la ville et du diocèse eurent part aux bienfaits de Guillaume. L’abbaye de Saint-Germain en obtint, en 1171, une rente de cinquante sous sur l’église de Blaigny. Les chanoines de Saint-Père eurent, la même année, l’église de Venouse, avec la chapellenie de Rouvray, sauf le droit et le revenu que l’église de Saint-Germain avait dans cette chapelle. Les religieux de Saint-Marien reçurent, en 1172, de Guillaume, la moitié de la cense de Vincelles, quelques terres qu’il avait achetées à Taingy, et plusieurs biens situés à Auxerre ou dans les faubourgs de cette ville. En 1174, il attribua aux religieux de Molesme l’église de Nitry, et érigea en titre d’abbaye le doyenné de Saint-Pierre, acte que le pape Alexandre III confirma la même année. Guillaume assigna, en 1179, aux religieuses de Crisenon, vingt sous de rente sur l’église de Menétreau, et la moitié de la dîme de Leugny. il donna l’église de Siez à l’abbaye de Saint-Laurent, et, à la prière de Geoffroi, abbé de ce lieu, il remit, en 1180, le prieuré de Saint-Eusèbe, dépendant de cette maison, en possession du droit que l’évêque Alain lui avait donné sur les nouveaux chanoines, droit dont ce prieuré avait été privé pendant un temps. Cette année là aussi, il concéda aux Prémontrés de Saint-Marien les églises de Leugny et de Moulins et établit, sur la fin de sa vie, un second chapelain dans la léproserie de la Charité-sur-Loire, et en lui accordant un cimetière, il fit des règlements concernant la direction de cet hôpital.

Comme les évêques décidaient alors en personne les causes ecclésiastiques, sans qu’il fut fait mention d’officiaux, cette occupation fut souvent celle de l’évêque Guillaume qui, pour épargner à ses diocésains les peines et les dépenses des procès, alla quelquefois à Varzy tenir ses assises.

Il ne parait pas que l’évêque d’Auxerre se soit souvent absenté de son diocèse. Son plus long voyage fut celui qu’il fit à Rome en 1179, pour se trouver au concile de Latran. Un peu après son retour, il se rendit à Reims pour assister, au sacre de Philippe­Auguste. Il fut aussi quelquefois obligé d’aller à Sens pour les affaires de son diocèse.

La fin de ce grand homme répondit à la sainteté de sa conduite pendant tout son épiscopat. Étant tombé malade dans le mois d’octobre 1180, il se retira dans l’abbaye de Saint-Marien, et, le mal augmentant, il fit venir Thibaud, évêque de Nevers, Girard, abbé de Vézelay, son parent; et quelques chanoines de sa cathédrale pour faire son testament en leur présence. Tout se trouvant en règle de ce côté, il ne pensa plus qu’à la mort, et expira le 27 février 1181, couché sur la cendre et le cilice, en présence de son clergé, des religieux et de Gui de Noyers , archevêque de Sens, qui était venu l’assister à ses derniers moments. Son corps, déposé à Saint-Marien, fut retrouvé dans les ruines de cette église, le 14 juin 1714, par l’abbé Lebeuf, historien d’Auxerre, qui le fit placer, en février 1715, dans un tombeau de pierre à droite du sanctuaire de la cathédrale.

Guillaume de Toucy portait pour armoiries : de gueules, à trois pals de vair, au chef d’or, chargés de quatre merlettes de gueules.

 

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