LE VÉNÊRABLE BERNARD 1er DE SULLY (1234 – 1244)

 La manière dont fut élu le successeur de Henri de Villeneuve, rappelle en quelque sorte l’usage des premiers siècles de l’Eglise, puisque, aussitôt après l’invocation du Saint-Esprit, tous ceux qui avaient voix délibérative s’écrièrent unanimement que l’archidiacre était digne de remplir cette charge.

Cet archidiacre se nommait Bernard, et il était de l’une des deux familles de Sully dont l’histoire fait mention. Nous le croyons neveu de Eudes de Sully, mort évêque de Paris le 13 juillet 1208. Hugues de Noyers l’avait fait chanoine quand il n’était pas encore prêtre. Après avoir reçu le sacerdoce, Bernard se distingua par les vertus les plus éminentes. Il priait beaucoup, et châtiait son corps par le cilice et par le jeûne. Voulant éprouver les mêmes périls que saint Paul, il eut là dévotion d’entreprendre le voyage de Jérusalem où sa piété jeta un éclat si vif, qu’on le choisit pour être archevêque de Nazareth; mais le saint prêtre refusa par humilité et revint en France.

Quelque temps après son retour, on lui offrit la charge d’archidiacre d’Auxerre, qu’il fut contraint d’accepter. Le zèle avec lequel il s’acquitta des devoirs de ce poste élevé, le fit juger digne d’être évêque. Il fallut lui faire violence pour l’obliger à consentir à son élection, et ce fut malgré lui qu’il reçut la consécration des mains de Gauthier Cornut, archevêque de Sens, à qui il prêta serment de foi et hommage. Il était déjà âgé à cette époque, mais tout son extérieur commandait le respect pour sa personne. Il fut plus humble que jamais, ce qui ne l’empêcha point de se faire rendre les devoirs féodaux attachés au siège épiscopal d’Auxerre, et saint Louis, qui l’estimait beaucoup, le protégea contre les vexations des seigneurs du voisinage. L’amitié de ce grand monarque contribua singulièrement à rendre tranquille et paisible l’épiscopat de Bernard de Sully.

Son entrée solennelle dans la cathédrale d’Auxerre eut lieu en avril 1234, car on trouve de cette époque un acte de Gui de Chatillon qui, au nom de Mahaud ou Mathilde, comtesse de Nevers, délègue, pour porter le prélat, un de ses officiers, appelé Humbaud de Chevrel. Le 23 mars 1235, Bernard acheta quelques biens situes à Sacy, et au mois d’août suivant, acquit tout ce que Jean, fils d’Evrard , chevalier, possédait hors des croix du même lieu, en dîmes, terres et cens.­

Ce saint évêque diminua le nombre des chanoines de l’église de Saint-Laurent de Cosne, en 1240, les réduisit au nombre de dix, et leur donna des statuts qu’il avait rédigés. La même année, à la prière de Hugues, seigneur de Corbelain, il érigea une cure en ce lieu qui dépendait auparavant de La Chapelle-de-Saint-­André; ce démembrement  fut fait à condition qu’au lieu de vingt livres de rente que le curé de La Chapelle devait par an au chapitre de Varzy, il n’en payerait plus que dix et que le nouveau curé solderait le reste. Hugues de Neuvoy, chevalier, prétendant que le vicariat fondé dans l’église de Saint-Etienne de Gien, par Elisabeth de Neuvoy et ses trois fils, était à leur nomination, 1’évêque soutint que, de plein droit, elle appartenait à sa collation; l’archidiacre de Nevers et le chantre d’Auxerre, choisis pour arbitres, donnèrent une décision en sa faveur. La plupart des difficultés se réglant alors par arbitrage et par compromis, ce fut de cette manière que Bernard essaya de terminer celle qu’il eut avec l’abbaye de Cluny, au sujet des procurations qu’il crut lui être dues par les religieux du prieuré de la même ville. Il choisit pour arbitre Philippe Berruyer, archevêque de Bourges, qu’on dit être son parent; mais comme il avait fait ce compromis sans le consentement et bien plus, malgré l’opposition du chapitre, les religieux qui en poursuivaient la décision sous son successeur, ne purent rien obtenir, parce que le cardinal Pierre, du titre de Saint-Marcel, leur déclara qu’un tel compromis n’obligeait point l’évêque successeur de celui qui l’avait fait. Bernard, de concert avec Guillaume Li Boez, lecteur de la cathédrale, et Hugues, prieur de l’abbaye de Saint-Germain, apaisa un incident soulevé à propos des processions que l’église cathédrale devait faire en celle de l’abbaye, et réciproquement, touchant la redevance temporelle de l’une des églises envers l’autre.

Mais l’événement le plus m6morablc de l’épiscopat du véné­rable pasteur fut l’établissement des Dominicains à Auxerre, en 1241. En expiation des péchés de son mari, Gaucher, ancien ennemi de l’église d’Auxerre, Amicie, comtesse de Joigny, sa veuve, se crut obligée de recourir aux prières de quelques nouveaux religieux pour qui elle trouva une demeure dans la paroisse de St-Père d’Auxerre. Elle s’arrangea avec le chapitre pour les maisons qui lui devaient des charges, et obtint de l’évêque et des chanoines que ces religieux pussent y bâtir un couvent.

Saint Edme, archevêque de Cantorbéry, étant mort à Soissy le 16 novembre 1242, son corps fut porté à l’abbaye de Pontigny pour y être inhumé, et bientôt la sainteté de ce prélat fût attestée par plusieurs miracles. Bernard de Sully écrivit alors au pape Innocent IV pour solliciter sa canonisation, et sa lettre nous a été conservée par dom Martène (Thesaurus anecdotarum, tome III, col. 1838). En 1243, il bénit Jean de Joyenval, abbé de Saint-Germain, et en octobre 1244, il augmenta les revenus de la chapelle des Trinitaires.

Lorsque Bernard sentit les infirmités de la vieillesse, il disposa en faveur de son Eglise de tout ce qu’il possédait, et c’était peu de chose, car sa charité pour les pauvres avait été sans bornes comme ses mortifications; il se démit ensuite, avec la permission d’innocent IV, de sa dignité épiscopale, et se retira au château de Beauretour. où il mourut en odeur de sainteté, le vendredi, 6 janvier 1245. Son corps fut inhumé dans le chœur de la cathédrale.

Ses armes étaient : d’azur, semé de molette d’or, au lion de même, brochant sur le tout.

 

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