LE VÉNÉRABLE HÉRIFRID ou HERFROY (887- 909)

 Pendant que Wibald gouvernait l’Église d’Auxerre, celle de Chartres formait dans son sein celui que le ciel lui destinait pour successeur. C’était Hérifrid, fils Hérifrid et d’Hisemberge. Originaire de la ville de Chartres, mais issu d’une noble famille de la Basse-Bretagne, il fut élevé dans tous les sentiments qui forment un véritable chrétien. Après avoir été tonsuré et instruit des premiers éléments à Chartres, il fut envoyé à la cour de Charles le Gros, véritable école de science et de sagesse, pour s’y perfectionner, d’après le conseil de Gautier, évêque d’Orléans, son parent.

Hérifrid s’y distingua tellement, que l’empereur à la nouvelle de la mort de Wibald, le désigna pour lui succéder et l’envoya à Sens pour s’y faire sacrer; mais quoique cette nomination eut été faite au mois de mai 887, l’ordination d’Hérifrid ne se fit que dans les derniers jours du mois d’août suivant.

Les habitants d’Auxerre accoururent à Sens pour approuver le choix qui avait été fait par Louis le Gros, et Gautier, le nouvel archevêque de cette ville, sacra Hérifrid dans l’abbaye de Nesle-Ia-Reposte, du diocèse de Troyes, le 29 août  887. Aucun écrivain n’a indiqué pourquoi cette cérémonie fut faite si loin d’Auxerre et si tard; mais si l’on en croit l’abbé Lebeuf, on conjecture qu’il y eut quelque autre cérémonie qui obligea l’archevêque de Sens d’aller à Nesle, ou bien que l’évêque de Troyes était arrêté par quelque maladie, ou enfin parce que les Normands sillonnaient alors les rivages de l’Yonne. L’archevêque de Sens vint lui-même introniser Hérifrid à Auxerre, le 8 sep­tembre.

A peine l’évêque d’Auxerre eut-il pris possession de son siége, qu’il s’acquitta de tous les devoirs d’un bon pasteur se faisant tout à tous, il fortifiait les vieillards dans le bien par ses bons exemples, faisait de douces remontrances aux jeunes gens pour les préserver des séductions du mal, avertissait sans cesse les riches qu’ils ne devaient être que les fidèles dispensateurs de leur fortune et les économes des pauvres, et, pour donner plus de séduction à ses paroles, il pratiquait toutes les vertus qu’il prêchait et surtout celle de la charité. Les ecclésiastiques qui se trouvaient dans le besoin, n’avaient jamais recours en vain à la pieuse bonté de son cœur quand il était à la ville, ils les nour­rissait à sa table et leur fournissait des vêtements; s’il s’absentait, il donnait des ordres pour que l’on eût soin de chacun d’eux en particulier et que l’on suppléât à ce que la portion canonique ne leur donnait pas assez abondamment. Il était persuadé qu’un évêque ne peut être utile à son troupeau qu’en apaisant la colère de Dieu par la prière, le jeûne et les veilles, et il priait, jeûnait et veillait. On dit aussi que les écoliers venaient, tous les matins, recevoir sa bénédiction ou du moins lui rendre une courte visite: ils savaient par expérience que la journée s’écoulait alors pour eux sans faute qui méritât une correction scolastique. Cette singularité est assez semblable à celle que le roi Robert attribuait ; un siècle plus tard, aux reliques de saint Aignan, évêque d’Orléans, lorsqu’elles étaient visitées par les écoliers.

Sous l’épiscopat d’Hérifrid, un immense incendie réduisit en cendres presque toute la ville d’Auxerre. La cathédrale, composée des trois églises de Notre-Dame, de Saint-Jean et de Saint-Etienne, fut consumée aussi bien que la maison épiscopale. Le zélé pasteur vint à bout de remettre sur pied les trois églises. Un riche laïque, nommé Vulflage, contribua au rétablissement de Saint-Etienne, en cédant à cet effet un fief qu’il avait à la Pommeraye, au delà de Sens, sur le ruisseau d’Oreuse. Hérifrid fit aussi reconstruire l’église de Saint-Clément qui était au sud de la cathédrale. Ces quatre sanctuaires furent richement dotés par le prélat.

Pour engager le chapitre à faire la mémoire de son ordina­tion, Hérifrid lui donna la terre d’Arté, une ferme ou maison à Capiliacum (Châblis), une autre à Lindry et un moulin situé près des murs d’Auxerre : le revenu de ces propriétés devait être consacré à un repas servi à tous les chanoines, le jour anniversaire de son sacre. Il avait aussi donné, pour célébrer de la même manière le jour de son intronisation, l’église de Bazarnes, Lindry, Lupin et Leugny. Il restait à faire une semblable fondation pour l’anniversaire de son décès. A cet effet, il légua la moitié de la terre de Mailly, dont le roi lui confirma en 902, la restitution faite par ses prédécesseurs; l’autre moitié de cette terre fut consacrée à l’entretien du luminaire du grand autel de la cathédrale. Le charitable prélat donna aussi à l’église Saint­-Eusèbe quelques biens dont il fit confirmer la donation par les évêques de la province de Sens. Depuis longtemps, il désirait entretenir sur quelques objets de piété Rithuée, évêque de Troyes. Leur entrevue eut lieu au village de Villiers, auprès d’une fontaine dont les eaux avaient quelques propriétés particulières.

Hérifrid fut affligé de la goutte aux pieds, et aux mains. Peu A peu, il se vit perclus de tous les membres; mais sa langue étant toujours libre, il ne cessa de bénir la divine Providence qui le purifiait sur la terre par le feu des tribulations, pendant que son cœur méditait sur les grandes vérités de l’écriture sainte dont il avait fait, toute sa vie, sa nourriture, spirituelle. Pressentant la fin prochaine du saint évêque, le clergé d’Auxerre était dans la consternation, et semblait porter avec lui une partie des douleurs qu’il ressentait par tout le corps.

L’évêque, avant de rendre son âme à Dieu , distribua le reste de ce qu’il possédait à son église, aux moines de la cathédrale, à ses amis et à ses domestiques, disant comme Job: « Je suis sorti nu du sein, de ma mère, et j’y retournerai de même. »  A la nouvelle que sa dernière heure était venue, toute la ville accourut pour recevoir sa bénédiction; le clergé priait en sanglotant autour du prélat qui s’était fait placer sur la cendre et le cilice. Hérifrid fit le signe de la croix sur lui-même, puis sur toute l’assistance, et rendit le dernier soupir le 23 octobre 909, après avoir gouverné l’église d’Auxerre pendant vingt-deux ans, un mois et seize jours. On l’inhuma devant l’autel de Notre-Dame.

Il n’avait assisté qu’à un seul concile, celui de Meung-sur-Loire, tenu en 891 par ordre du régent Eudes dans l’église de Saint-Liphard.

Évêque précédent

Retour à la liste des évêques

Évêque suivant

Retour au sommaire