Nicolas Colbert ( 1672 - 1676 ) |
Frère de Jean-Baptiste Colbert, marquis de Seignelay et de Châteauneuf-sur-Cher, baron de Sceaux, de Linières, d’Ormoiz, etc., ministre et secrétaire d’État, commandeur et grand trésorier des ordres du roi, contrôleur général de ses finances, surintendant des bâtiments, arts et manufactures de France, Nicolas était fils de Nicolas Colbert, seigneur de Vandières, conseiller d’État, et de Marie Pussort, soeur de Henri Pussort, aussi conseiller d’Etat et du conseil royal des finances. Il naquit à Reims en 1628 et, y commença ses études qu’il continua à Paris où il avait reçu le bonnet de docteur au sortir de la licence dont il avait été prieur. Il devint, en 1656, bibliothécaire du roi, et fut nommé, en mars 1661, évêque de Luçon , où il se distingua par les plus hautes vertus. Son sacre avait eu lieu le 24 juillet de cette année, dans l’église de la Sorbonne, à Paris. Il était alors depuis un an, abbé de Saint-Sauveur de Vertus, au diocèse de Châlons-sur-Marne, et devint, en 1664, prieur de La Charité-sur-Loire. Le climat de ce diocèse fut nuisible à sa santé. Aussi, quand le siège d’Auxerre fut devenu vacant par la mort de Pierre de Broc, ses parents songèrent-ils à le lui faire obtenir. Son frère le ministre d’Etat, possédait un vaste domaine près d’Auxerre, et cette circonstance fut un motif de plus pour lui faire désirer de voir l’évêque de Luçon transféré au siège vacant. Il obtint sans peine cette faveur du roi Louis XIV le 16 juillet 1671 ; mais Nicolas, strict observateur des canons, ne consentit qu’avec beaucoup de peine à accepter l’héritage de Pierre de Broc : seuls, les conseils des hommes les plus pieux purent l’y déterminèrent. Le nouvel évêque d’Auxerre, préconisé dans le consistoire du 28 septembre, prêta serment entre les mains du roi le 19 décembre, et prit possession de son siège le 29 janvier 1672. A son arrivée, on l’accueillit avec enthousiasme et avec une pompe inaccoutumée, mais il ne voulut pas être porté par les quatre barons. Un de ses premiers soins fut de réaliser le projet de ses prédécesseurs en établissant un séminaire comme l’avait prescrit le concile de Trente : il l’établit provisoirement dans son propre palais, fit, les frais de l’ameublement, et, le 5 mai 1672, publia un rnandement pour y appeler tous ceux qui se disposaient à l’état ecclésiastique. En 1673, il acheta un vaste emplacement et y construisit de ses deniers les bâtiments et la chapelle de son séminaire, tel qu’il existait au moment de la révolution. Le premier supérieur en fut le célèbre théologien, Louis Habert, chanoine et vicaire général d’Auxerre. Depuis ce temps, on vit souvent, le saint évêque aller prendre ses repas dans son séminaire qu’il aimait beaucoup, y donner des avis salutaires et y pratiquer l’humilité. Persuadé que la réforme d’un diocèse dépend des nouveaux prêtres qu’on y met en place, il prit dès lors toutes les précautions possibles pour n’imposer les mains qu’à des sujets bien éprouvés, et, afin de ne point se tromper, il se préparait à chaque ordination par un jour de retraite au tombeau de saint Germain : il s’y rendait la veille, à sept heures du matin restait à genoux dans les grottes ou debout dans le choeur, chantant l’office avec les religieux; il ne rentrait dans son palais que vers sept heures du soir, et prenait alors son premier et unique repas. Il suivait cette conduite le vendredi qui précédait chaque ordination. Après l’établissement du séminaire, Nicolas prit toutes les mesures nécessaires pour faire refleurir l’ancienne discipline. dans le clergé de son diocèse; visite des églises, synodes, conférences, rien ne fut oublié. Il publia, en 1674, quelques statuts, mais ne voulant point effrayer les anciens curés, il fit remarquer, à son clergé que, pour ce qui regardait la conduite, il n’imposait pas de nouvelles ordonnances, mais ne faisait que suivre les anciennes; et, en effet, on n’y trouvait, relativement aux moeurs ecclésiastiques, que la reproduction des canons de l’Église ou des décisions des précédents évêques d’Auxerre. Il ajouta au petit volume qui contenait ses statuts, mais séparément, les Avis de saint Charles Borromée aux Confesseurs, avec ordre à tous les confesseurs du diocèse de les avoir, de les lire et de les mettre en pratique. Le duel ayant été oublié parmi les cas réservés imprimés au commencement du Bréviaire qui paraissait depuis 1670, il l’y fit ajouter. Nicolas Colbert aimait ses prêtres, les respectait et ne souffrait pas qu’ils restassent la tête découverte en sa présence, tant il avait une haute idée du sacerdoce. Il ne s’arrêtait point aux premières plaintes qu’on formulait contre eux; il suspendait son jugement jusqu’à ce qu’il eut tout approfondi, appréciait la conduite du plaignant et de l’accusé, examinait si la plainte n’était point faite par vengeance ou par opposition à la discipline de l’Église, et quand il connaissait avec certitude les défauts de quelques pasteurs, il ne s’armait pas aussitôt pour les châtier, mais il usait de charitables remontrances pour les porter à changer de vie; il le menaçait ensuite, s'il en était besoin, et ne faisait commencer leur procès que lorsqu’il était devenu absolument nécessaire, et c’était toujours de manière à ne pas être obligé de l’achever. "Souvent on en a vu, rapporte l’abbé Lebeuf, qui venaient le trouver et lui avouaient ingénument leurs fautes ; il pardonnait à ceux-là, leur disant mon frère, allez, travaillez , il ne faut plus penser au passé , mais a mieux vivre et faire de dignes fruits de pénitence." Ainsi se conduisait le vénérable prélat d’Auxerre qui comprenait que l’élévation des évêques au-dessus des prêtres , n’est pas et ne doit pas être exercée à la manière de la domination séculière qui commande despotiquement. Nicolas Colbert pratiquait la charité dans un degré éminent. Prêtres ou simples fidèles, les pauvres étaient certains de trouver en lui un protecteur, un soutien, un père. Avant la fondation d’un hôpital qu’il voulait établir à Auxerre, il ordonna qu’on distribuât du pain trois ou quatre fois chaque semaine dans son palais; et, avant cette distribution, un de ses aumôniers faisait aux pauvres un petit discours de piété. L’hôpital ayant été construit par suite d’une assemblée tenue à l’évêché et avec la participation de l’intendant, il fit confirmer cet établissement par lettres-patentes du mois de mars 1675. L’édifice situé d’abord dans la paroisse de Saint-Père au lieu où était l’hôtellerie du Panier-vert à la porte du Pont, reçut le nom de Saint-Nicolas. Tous les mardis, quittant ses emplois les plus sérieux, Colbert se trouvait aux assemblées qui se tenaient chez lui avec les huit administrateurs dont il avait fait choix pour la direction de l’hôpital, et, non content d’avoir fondé un corps-de-logis pour les pauvres, il fournissait à cette maison du blé, du vin et du bois. Un hiver ayant été rigoureux, il fit acheter de la viande que l’on distribuait trois fois la semaine à Auxerre, à Régennes et dans ses autres terres. Après le soin des pauvres, l’instruction des gens de la campagne fut une des choses qui exercèrent le plus sa vigilance. Dans ce but, et pour bien connaître leurs besoins spirituels, il ne visitait qu’une paroisse par jour. Il usait alors d’un expédient très utile pour augmenter la confiance des paroissiens dans leur curé. Comme les habitants de certains lieux avaient la coutume de murmurer contre leurs pasteurs, il engagea ceux-ci à lui déclarer publiquement qu’on était choqué de leur conduite en certaines circonstances au sujet desquelles ils entraient dans tous les détails nécessaires, mais qu’ils étaient prêt à se corriger si le prélat le croyait utile. Colbert profitait alors de cette occasion pour redresser l’opinion publique en présence de tous les paroissiens eux-mêmes et de leur curé. Le prélat était trop charitable pour pouvoir faire aucune acquisition temporelle en faveur de son évêché; mais si, sous ce rapport, il ne fut point utile à ses successeurs, c’est à lui qu’ils durent, en revanche, leur réintégration dans le droit de siéger aux États de Bourgogne, droit qu’ils avaient perdu depuis plus de cent ans et qu’ils récupérèrent par l'intervention du ministre, son frère. Il obtint, par le même moyen, une décharge considérable des impôts dont les Auxerrois étaient accablés mais il ne la sollicita qu’après en avoir mûrement délibéré avec son conseil, et avoir reconnu qu’il le pouvait à l’exemple de saint Grégoire et de saint Germain, le plus illustre de ses prédécesseurs. Cependant, pour être plus sûr de ne rien faire contre les règles de la justice, il obtint des États qu’un commissaire vint faire la visite. Il eut le bonheur de procurer un pareil soulagement à la ville de Varzy qui était aussi surchargée et accablée d’impôts. Il n’entreprit aucun procès, soit pour faire revivre ses droits douteux, soit même pour réformer les abus, car il était ennemi de la procédure. Lorsque Louis XIV passa par Auxerre pour aller commander le siége de Besançon , le prélat reçut un accueil très favorable de ce grand monarque qui lui dit en l’abordant "Monsieur d’Auxerre, il faut bien vous venir voir, puisqu’on ne vous voit point à la cours" Nicolas Colbert, reçut aussi avec une magnificence extraordinaire le prince de Condé; mais s’il savait se montrer libéral et grand dans les occasions, il ne pouvait s’empêcher de penser alors aux pauvres et de regretter les sommes qu’il ne dépensait pas pour eux.: il avait besoin, du reste, de veiller avec soin à l’emploi de ses ressources financières, parce qu’elles étaient fort restreintes et que le bien qu’il voulait faire, était incessant, immense. Ayant renoncé à son patrimoine, il ne possédait, avec son évêché, que le seul bénéfice du prieuré de Nogent. Or, il ne touchait rien des revenus de ce prieuré et les consacrait à relever les bâtiments ruinés de cette maison. Il s’était démis du prieuré de La Charité-sur-Loire en faveur de l’abbé Colbert, son neveu, et il y avait longtemps qu’il ne possédait plus l’abbaye de Landais en Berry, ni celle de Saint-Sauveur-de-Vertus en Champagne. Il ne s’absenta que deux fois de son diocèse : en 1675 et l’année suivante pour assister à l’assemblée générale du clergé de France. Confié à des vicaires généraux très vigilants, son diocèse n’en souffrit en aucune manière. Au nombre des abus qu’il fit cesser pendant son épiscopat, on doit citer la désertion générale des paroisses de la ville d’Auxerre. Dès que le prélat eut parlé, Ces églises furent fréquentées non seulement pendant la quinzaine de Pâques, mais encore pendant tout le reste de l’année. Il défendit les processions nocturnes et celles qui parcouraient un itinéraire éloigné de plus d’une lieue du point du départ, aussi bien que l’usage de sonner dans les églises pendant toute la nuit, la veille de la fête de saint Jean-Baptiste et du 2 novembre. Le dimanche de Quasimodo, il y avait à Auxerre un singulier usage : une multitude de jeunes filles de douze à quinze ans, habillées en religieuses, précédaient la procession solennelle de ce jour en chantant des cantiques de toute espèce. On conçoit les abus qui on résultaient et que Colbert fit cesser en retranchant l’usage qui leur donnait naissance. A son arrivée dans le diocèse, l’usure y était trop communément tolérée; il lui fit une guerre impitoyable. Après les articles de foi, notre évêque ne croyait aucun sentiment plus certain que celui qui enseigne l’obligation de rapporter à Dieu toutes les actions par quelque mouvement de son amour, il refusait le pouvoir de confesser aux prêtres qui croyaient que l’attrition purement servile, et sans amour de Dieu, suffit dans le sacrement pour convertir et réconcilier le pécheur. Sur la fin de sa vie, il fit un mandement contre les serments exécrables que les charbonniers, bûcherons, fondeurs de bois et mineurs faisaient entre eux, pour empêcher que leur profession ne devint commune. Ces ouvriers unis entre eux par des associations secrètes et mystérieuses, au milieu des forêts, pouvaient être redoutables à un moment donné, en se coalisant pour faire la loi aux propriétaires et aux marchands, commettre impunément des délits dans les bois et assurer le secret le plus absolu à tous leurs méfaits. Il n’y eut qu’un abus qu’il ne put corriger : tous ses efforts contre les causeries et les immodesties dans les églises restèrent sans résultat; Dieu se contenta de sa bonne volonté! Ayant appris que sur la fin de l’épiscopat de Pierre de Broc, un magistrat séculier s’était ingéré dans les comptes de fabrique de l’une des paroisses d’Auxerre il fit présenter, par le promoteur de son officialité, une requête au conseil privé du roi, qui cassa et annula le jugement du lieutenant-général de la ville en date du 2 septembre 1670, et ordonna que les comptes des fabriques de tout le diocèse seraient examinés, clos et arrêtés par l’évêque ou par ses vicaires généraux, archidiacres, official et autres ecclésiastiques, avec défense à tous juges royaux d’en connaître, conformément aux déclarations de Charles IX, Henri III, Henri IV et Louis XIII. Depuis 1671, le diocèse était pourvu d’un nouveau Bréviaire dont la rédaction avait coûté près de trente ans. Colbert ordonna qu’on s’en servit et que l’on se conformât, autant que possible, au chant et aux cérémonies de la cathédrale. Il avait commencé à travailler lui-même à l’édition du Missel qu’il se proposait de publier, et méditait une collection de Statuts synodaux qui, sous le titre de Synodicon, aurait contenu tous ceux du diocèse depuis saint Aunaire jusqu’à son temps; mais la faiblesse de sa santé, ses jeûnes et la fatigue que lui causaient ses visites pastorales dont rien ne pouvait le distraire, hâtèrent sa mort qui arriva au château de Varzy le 5 septembre 1676, à l’âge de quarante-huit ans. Il légua les deux tiers de sa vaisselle d’argent à l’hôpital général d’Auxerre, l’autre tiers à l’hôpital des malades, et tous ses autres meubles à ses domestiques. On ne trouva dans ses caisses qu’une somme de cent ou deux cents livres; au lieu d’argent, on découvrit dans son cabinet plusieurs instruments de pénitence. Il fut inhumé le 11 du même mois dans le sanctuaire de la cathédrale, où son neveu, Jean-Baptiste Colbert, marquis de Torcy, lui fit élever un mausolée sur lequel fut gravée une épitaphe rappelant à la postérité le souvenir de ses vertus.
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