PIERRE 1er DE MORNAY (1296-1306)

 Le siège d’Auxerre fut longtemps vacant après la mort de Guillaume de Grez. Le chapitre procéda deux fois à l’élection de son successeur sans rien conclure. Ferry de Lorraine, fils du duc de Lorraine et prévôt de Saint-Dié, au diocèse de Toul, fut choisi la première fois; Pierre de Grez, chanoine d’Auxerre et parent de l’évêque défunt, fut élu la seconde fois. Le pape Célestin V, élu le 5 juillet 1294, nomma Pierre, cardinal-diacre du titre de Saint-Eustache, pour examiner ces deux élections. Boniface VIII, son successeur, élu le 24 décembre de la même année, s’y prit d’une autre manière : il fit venir à Rome les deux concurrents, leur ordonna de déposer leur démission entre ses mains, et, usant de toute son autorité, transféra Pierre de Mornay, évêque d’Orléans ; au siège d’Auxerre par une bulle du 4 février 1296.

Issu d’une des plus anciennes et des plus illustres familles du Berri, Pierre de Mornay, né dans la seconde moitié du XIIIe siè­cle au château de ce nom, aujourd’hui canton de Nérondes (Cher), était fils de Guillaume de Mornay, chevalier, et frère de Jean de Mornay, seigneur de la Ferté-Nabert. Elevé à Orléans où il avait embrassé la carrière ecclésiastique, il fut chanoine et archidiacre de Sologne en l’église de Sainte-Croix de cette ville en 1281, clerc du roi Philippe le Bel en 1286. On le trouve cité comme doyen de Saint-Germain-l’Auxerrois, à Paris, dans une lettre du Saint-Siège, datée du jeudi 18 août 1278. Il remplissait toutes ces fonctions quand il fut promu à l’évêché d’Orléans le jeudi 23 décembre 1288, par voie de scrutin et pour succéder à Gilles Pastai, mort au mois de septembre précédent. Cet évêque, versé dans l’étude du droit, fut très utile dans les conseils du roi Philippe le Bel qui mettait en lui toute sa confiance. Son habileté dans les affaires le retint ordinairement à la cour, et ne lui permit de résider dans son diocèse qu’à de rares intervalles. En 1291, la comtesse de Blois, femme de Pierre de France, comte d’Alençon , fils de saint Louis, le choisit pour son exécuteur testamentaire. En raison de son mérite, il fut employé à des négociations importantes en 1295, Charles d’Anjou s’en servit pour traiter de la paix avec Jacques II, roi d’Aragon. Peu après, Pierre obtint de Philippe le Bel l’autorisation de changer la voie publique pour assurer la conservation et l’entretien de quatre étangs que l’évêché d’Orléans possédait à Jargeau. En janvier 1296, il se soumit à une sentence arbitrale qui l’obligeait à fournir chaque année deux soutanes au pénitencier de sa ca­thédrale.

Remplacé sur le siège d’Orléans par le prince Ferry de Lorraine, qui avait été élu par une partie du chapitre d’Auxerre, Pierre fut transféré à cet évêché, le 4 février 1296. Son entrée solennelle à Auxerre, le long séjour qu’il fit en cette circonstance à l’abbaye de Saint-Germain, le serment d’obéissance qu’il prêta à l’archevêque de Sens et à son église, et les compromis que passèrent, entre ses mains, en 1296, Bertrand de Colombiers, nouvel abbé de Cluny et son monastère, d’une part, et le sous-prieur de la Charité avec ses religieux, d’autre part; tels furent presque les seuls actes qui marquèrent sa présence dans le diocèse d’Auxerre où il reçut encore l’hommage de Louis, comte de Nevers, pour les domaines de Donzy, de Cosne, de Châ­teau-Neuf, de Saint-Sauveur et de Murat. Cet hommage lui fut rendu en octobre 1296.

Dès l’année 1294, Pierre avait été envoyé en Champagne avec Jean de Beaumont, seigneur de Sainte-Geneviève, pour les affaires du roi. Il y a apparence qu’il n’était pas encore alors sacré, et ne le fut que depuis sa prise de possession. Se trouvant au conseil du roi tenu au Louvre le 21 janvier 1291, il est nomme le treizième des vingt-deux évêques de France, auxquels Boniface VIII adressa, le 19 février de cette même année, une bulle pour leur permettre de donner une subvention volontaire au roi Philippe le Bel. L’assemblée se tint à Paris, dans le palais épiscopal, le 27 et le 28 mars. Pierre y assista tant en son nom qu’en celui de Gui de la Charité, évêque de Soissons; mais la permission qui était donnée aux autres prélats devint pour lui une espèce d’ordre, car le pape lui fit savoir, ainsi qu’à l’archevêque de Rouen et à l’abbé de Saint-Denys, qu’ils pouvaient contraindre spirituellement et temporellement les ecclésiastiques, de fournir des subsides pour la délivrance des rois de France ou de leurs fils, dans le cas où ceux-ci seraient faits prisonniers.

En 1298, Philippe le Bel envoya Pierre de Mornay à Tournay avec Gilles Aycelin de Montaigut, archevêque de Narbonne, et Guillaume de Mâcon, évêque d’Amiens, pour traiter d’une trêve avec Edouard 1er, roi d’Angleterre. A la prière de Boniface VIII, le roi de France le délégua encore, par ses lettres du vendredi 19 août 1299, pour conclure définitivement la paix avec le même monarque.

Le pape, connaissant le crédit de Pierre de Mornay, le choisit en janvier 1301, avec son légat et l’évêque d’Amiens, pour donner la dispense de mariage entre Charles, comte de Valois, frère du roi, et Catherine de Courtenay, impératrice de Constantinople, sa parente. Un prélat, si bien vu à la cour et d’ailleurs fort attache à son prince, ne pouvait qu’être utile à l’Eglise sans nuire à l’état. Grâce à lui, les courtisans respectèrent la vie de Bernard Saisset, évêque de Pamiers, qui avait tenu de mauvais propos contre le roi, en 1301. Cette affaire eut de si grandes suites, que le pape cita tous les évêques de France à Rome, pour y tenir un concile le 1er novembre 1302. Le clergé en députa trois pour aller excuser les autres, et le roi envoya Pierre de Mornay avec des lettres par lesquelles il priait le Souverain-Pontife de remettre le concile à un temps plus con­venable. Pierre assista non-seulement à un consistoire tenu à Rome, vers la fin du mois d’août 1302, mais encore au concile indiqué par Boniface, et fut témoin de tout ce que le pontife avança pour se justifier des accusations portées contre lui par le roi de France et ses ministres. Jusque-là il avait pris des ménagements pour défendre les intérêts du monarque tout en se montrant conciliant auprès du pape; mais au mois de juin de l’année suivante, il fut du nombre des vingt-cinq évêques français qui, avec les chefs d’ordre du royaume, appelèrent au futur concile général des censures que Boniface pourrait prononcer contre eux.

Un traité conclu à Paris le 20 mai de cette même année 1303, ayant rendu la Guienne au roi d’Angleterre, Pierre de Mornay fut désigné avec Robert, duc de Bourgogne, pour mettre ce prince en possession de cette belle province. L’évêque d’Auxerre assista, au mois d’octobre suivant, à l’assemblée des grands du royaume tenu à Château-Thierry, pour aviser aux moyens de mettre fin à la guerre de Flandre, et s’y trouva le second entre les prélats, à titre d’ambassadeur du roi de France.

Pierre de Mornay devint chancelier de France en 1304, et continua d’exercer cette charge jusqu’à la fin de sa vie.

Pendant le temps que durèrent ses négociations tant à Rome que dans le royaume, il confirma, par acte du mardi 11 septembre 1302, le statut en vertu duquel chacun des chanoines de sa cathédrale devait jurer, à sa réception, que sur les premiers produits importants de sa prébende, il payerait la somme de dix livres pour avoir une chape de soie à l’église. Ce même jour, il traita avec son chapitre pour la fondation de son propre anniversaire, et déclara donner, à cet effet, vingt livres de rente assises à Appoigny sur des biens qu’il avait achetés de Jean de Pré et de sa femme Gilète, à condition que, pendant sa vie, on célébrerait pour lui chaque année une messe du Saint-Esprit ; il fit toucher immédiatement le premier arrérage de cette rente.

Divers documents conservés aux archives de l’Empire nous apprennent que Pierre de Mornay prit part à plusieurs autres actes importants. En 1297, le pape Boniface VIII lui confia la garde de la ville de Lyon, placée alors sous la protection du Saint-Siége. (J: 262, n0 18.) L’année suivante, l’évêque d’Auxerre était présent lorsque Pierre Flotte rendit compte à Philippe le Bel de sa mission auprès du roi d’Angleterre. (J. 632, n0 28.) Il assista aussi comme témoin à la déclaration donnée à Saint-Germain-en-Laye, par Othon, comte de Bourgogne, que Jean de Châlon seigneur d’Arlay devait au roi l’hommage qu’il lui rendait auparavant à lui-même. (J. 620, n0 4.)

En 1305, l’évêque d’Auxerre souscrivit au testament de Marguerite, reine de Sicile et de Jérusalem. comtesse de Tonnerre, avec les évêques Guichard de Troyes et Jean de Nevers. Le reste de sa vie fut employé en acquisitions faites au profit de l’évêché. Se sentant enfin arrivé au terme de son existence, il se retira au château de Régennes, où il mourut le 29 mai 1306, dimanche de la Trinité. Il avait fait quelque temps auparavant un testament, dont il nommait exécuteurs Guillaume Bonnet, évêque de Soissons, Jean d’Auxy, chantre de Bourges, Gui Mauguin, chanoine d’Orléans, Guillaume de la Rive écolâtre d’Auxerre, Lambert de Ballenay, Chantre de Notre-Dame de la Cité, à Auxerre, et Matthieu de Bernay, chanoine de Saint-Lazare d’Avallon. On inhuma Pierre de Mornay dans sa cathédrale, auprès de Gui de Mello. Le nécrologe de Sainte-Croix d’Orléans, où il avait fondé un anniversaire, le mentionne à la date des 25 février et 29 mai.

Il portait pour armoiries : Fascé de huit pièces d’argent et de gueules, au lion morné de sable , couronné d’or, brochant sur le tout.

 

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