SAINT
HUGUES DE MONTAIGU (1116-1136) |
Son élection ayant souffert quelques difficultés, il en référa au pape Pascal II, qui jugea en sa faveur et lui donna à Rome la consécration épiscopale de ses propres mains, le 5 mars 1116. A
son retour à Auxerre, il y fut accueilli avec joie par le clergé et par
le peuple. Il conserva toute la sévérité de la vie religieuse, et porta
le plus vif intérêt aux monastères de son diocèse dont plusieurs
furent fondés de son temps, entre autres, ceux de Bouras, des Roches et
de Régny. Lorsque les affaires de son ministère le lui permettaient,
c’était un bonheur pour lui de passer quelques jours de retraite; tantôt
dans une de ces maisons, tantôt dans une autre, mais surtout dans celles
de l’Ordre de Cîteaux, alors si admirables de mortification et de
ferveur. Il allait même quelquefois à Cîteaux s’édifier dans la
compagnie de saint Bernard. « Un jour qu’il s’y était rendu,
dit l’historien de sa vie, l’abbé et le couvent dont la coutume est
de gagner, avec l’ouvrage de leurs mains, de quoi vivre et soulager ceux
qui sont dans la nécessité, allèrent dans un champ pour y moissonner.
L’évêque, prenant la faucille en main, se mêla parmi les moines,
comptant profiter beaucoup du côté de l’âme toutes les fois qu’il
lui arriverait de leur tenir compagnie dans le travail. On arrive au champ
où était le grain à recueillir; chacun se met à scier le blé. Les
gerbes étant faites, voici qu’une nuée fort noire parut au-dessus
d’eux et couvrit le champ où ils étaient. Le vénérable abbé Bernard
ne s’épouvanta point devoir cette nuée, et ayant une grande confiance
dans cette parole de Jésus-Christ: Tout
est possible à celui qui croit, il se tourna vers l’évêque et lui
dit : Père, commandez à cet orage
qu’il ait à passer outre. Mais lui, toujours dans des sentiments
d’humilité, répondit : Je
ne suis pas digne de le faire; c’est à vous de prier, et je suis sûr
que le Seigneur vous exaucera. L’abbé, au contraire, lui dit :
Et vous, mon Père, priez, et je prierai avec vous. Tous deux se
mirent alors en oraison, et le Seigneur les exauça : la nuée se
retira, le ciel devint serein, et les saints moissonneurs ramassèrent
leur grain en bon état. » Mais suivons maintenant le saint prélat dans son diocèse et dans ses occupations épiscopales. Celui qui nous laissé son histoire écrite trente ans après la mort de saint Hugues, assure qu’il n’y avait alors aucun évêque qui ne comblât d’honneurs et de bénéfices ecclésiastiques ses proches, tout indignes qu’ils en fussent. Il n’en fut pas de même de l’évêque d’Auxerre, qui refusa de donner une prébende à l’un de ses neveux. Il fut plusieurs fois malade pendant son épiscopat, et chaque fois il fit distribuer aux pauvres tout ce qu’il possédait, ne se réservant qu’un seul habit qui n’était même pas trop bon. S’étant aperçu, dans l’une de ces maladies, qu’on ne suivait point à la lettre tout ce qu’il avait ordonné, et que, dans le vase qui contenait un bouillon aux herbes qu’on lui servait, il y avait une petite cuiller d’argent, il commanda aussitôt qu’on en fit des aumônes. On ne lit point que Hugues ait rien fait faire à l’édifice de l’église cathédrale; mais il rebâtit à neuf et en pierres, la maison épiscopale, l’agrandit et la fit couvrir de tuiles, il enrichit la sacristie de sa cathédrale de chapes, de tapisseries et d’un grand nombre d’ornements sacerdotaux. Il donna aux chanoines réguliers de Saint-Père, les églises de Sougères, d’Augy et de Quenne; aux moines de Saint-Germain, celles de Saint-Fargeau et de Saints-en-Puisaye. Toutes ces dispositions furent confirmées, suivant l’usage de ce siècle, par le Souverain Pontife Calixte II, qui séjourna dans la ville d’Auxerre en 1120. Hugues prit part à quelques autres actes. Le 3 novembre 1120, il assista à Saulieu à la translation que le pape Calixte II fit des corps des saints Andoche, Félix et Thyrse. Le Souverain-Pontife vint alors à Auxerre où Hugues le retint jusque vers le milieu du mois de décembre. Ce fut pendant son séjour et le 14 novembre 1120 que Calixte II consacra solennellement le grand autel de la cathédrale. Hugues accompagna ensuite le pape à Cluny et y obtint de lui une bulle qui lui confirmait le droit de disposer canoniquement de toutes les églises de son diocèse et de donner aux réguliers celles qu’il pourrait ôter des mains des laïques. En 1130, Hugucs de Montaigu fut présent, avec Atton, évêque de Troyes, et Fromond, évêque de Nevers, au serment que les bourgeois de la Charité prêtèrent de ne jamais porter préjudice à l’abbaye de Cluny. La même année, il accorda aux chanoines de Saint-Pierre l’église de Saint-Pierre de Sougères. En 1131, le pape Innocent II passa par Auxerre et accorda, à sa prière, un privilège d’exemption aux chanoines réguliers de Saint-Amatre. Le Souverain-Pontife voulut bien aussi faire en personne la dédicace d’une petite église qu’un clerc de la cathédrale, nommé Ithier, venait de faire élever sous l’invocation de SaintCôme et Saint-Damien, au delà de la rivière d’Yonne, vis-à-vis de l’évêché et sur les vestiges de l’ancien monastère construit par saint Germain. Innocent II lui permit encore d’ériger en abbaye le prieuré de Bénédictines de Crisenon, et pour compenser la cession que les moines de Molesme avaient fait de ce lieu aux religieuses, Hugues leur donna l’église de Saint-Gervais. Cette même année, il souscrivit aux donations que firent à l’abbé Aimeri et aux moines de Villiers-Gondoin, Hugues de Manseau, seigneur de Cosne, Savari de Saint-Vrain et Gantier son frère. Hugues de Montaigu assista en 1132 au chapitre général de l’Ordre de Cluny, et à cette époque Innocent II le chargea, avec Hugues, abbé de Pontigny, de mettre fin, s’il était possible, à certains différends qui s’étaient élevés entre les abbés Héribert de Saint-Pierre-le-Vif, Rainard de Saint-Jean et G.. de Saint-Jean-du-Pré. Après avoir pris part à un acte d’accord fait entre les religieux de Fontemoy; non-seulement de jouir du domaine de Regny que leur avaient donné Jobert Capelle, chevalier, et Guillaurne, comte d’Auxerre, mais encore d’abandonner entièrement Fontemoy pour transporter leur monastère à Regny même, fief dépendant de l’évêché d’Auxerre. Cet acte est de 1134, et l’année suivante, de concert avec saint Bernard, il introduisit les chanoines réguliers dans l’église de Saint-Loup de Troyes. Enfin, en 1136, l’évêque d’Auxerre donna à son chapitre les dîmes d’Oisy et les quatre églises de Bazarnes, de Saint-Bris, de Montigny et de Venouse, à la condition de vivre en communauté pendant tout le carême, chaque année. Se sentant près de sa dernière heure, Hugues dit aux chanoines qui lui tenaient compagnie vers l’heure de nones : « Achevons de rendre à Dieu le reste du tribut des heures de l’office que nous lui devons, parce qu’aussitôt qu’elles seront finies, je reposerai! Ils chantèrent donc les louanges de Dieu, et l’on s’aperçut qu’il avait dit vrai, parce qu’aussitôt que l’office fut achevé, il expira, et son âme alla se reposer dans le Seigneur. Cette sainte mort arriva le 10 août 1136. Le corps du pieux prélat fut transporté, comme celui-ci l’avait désiré, dans l’église de Saint-Germain, avec toutes les cérémonies convenables, et inhumé dans le chapitre de la même église. Plus tard, il fut transporté dans la nouvelle église qu’on bâtit aux XIIle et XIVe siècles, et mis dans un caveau construit devant l’autel de Saint-Nicolas. A l’égard du culte de ce saint prélat, l’abbé Lebeuf faisait remarquer, en 1743, qu’il n’en pouvait dire autre chose, sinon qu’il avait vu autrefois son tombeau orné et éclairé comme les autres, chaque année, le 8 novembre, et qu’il était invoqué depuis cent ans environ, dans les litanies des saints de l’abbaye de Saint-Germain. |
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