RUE DES CONSULS |
Le vœu des Etats d’Orléans pour la création de tribunaux consulaires amena l’ordonnance de Charles IX de l’an 1564, qui établi celui d’Auxerre. En conséquence, les marchands des diverses corporations élisaient chaque année un président ou juge, et deux consuls, qui prétèrent d’abord, et jusqu’en 1577, serment au Parlement, et ensuite entre les mains des juges sortant de charge. Les premiers juges élus se nommaient Jacques Chrétien, juge; François Leprince et Germain Grail, consuls. Le siége du tribunal consulaire était situé dans une maison de la rue qui a reçu le nom de rue des Consuls. C’était la dernière à gauche à l’angle de la rue de l'Egalité, en venant de la rue d’Eglény. L’acquisition de cette maison avait été faite du sieur Delaporte, le 26 septembre 1565, moyennant 4.800 livres. On y a conservé, jusqu’en 1838, la porte d’entrée qui était dans le style ogival du XIIIe siècle; elle avait sur le tympan les attributs symboliques du commerce. Il y avait deux salles principales la grande, à tentures fleurdelisées, contenait deux tableaux représentant le Christ, la Force et la Justice ; la petite salle ou salle du Conseil servait l’hiver aux audiences; elle avait une tenture semblable à la précédente, un tableau du Christ, de la Vierge et la Madeleine, et de plus sept portraits des rois de France depuis Charles IX à Louis XVI. On y conservait également deux tableaux chronologiques des juges-consuls élus depuis 1685 à 1790. La juridiction consulaire eut souvent maille à partir avec les autres corps constitués du pays au sujet des questions de préséance dans les cérémonies publiques. Mais la corporation des marchands défendait résolument ce qu’elle regardait comme ses droits, et on appelait au Conseil d’Etat jusqu’à solution. En 1621, les avocats et les procureurs s’étant permis de passer devant les juges-consuls, à la procession de la Fête-Dieu, l’assemblée générale des notables commerçants, réunis au nombre de plus de 60, décida de poursuivre le redressement de ce grief et vota un emprunt de 2.400 livres pour suivre le procès. En 1654, un arrêt du Conseil-privé donna gain de cause aux marchands sur les procureurs. La corporation marchait, dans les cérémonies, à la suite du maire et des échevins, à la gauche du présidial. A la mort d’un juge ou d’un consul en exercice, la corporation assistait au convoi, six de ses membres portant des torches de cire armoiriées. Les armes représentaient deux colonnes avec ces mots : pietate et justitia, et au bas la bonne foi. Le 19 novembre 1641 notamment, cette cérémonie eut lieu au convoi du sieur Sébastien Marie, premier consul défunt. Voici encore un détail de mœurs qu’on nous permettra de raconter. En 1706, M. Baudesson, maire perpétuel d’Auxerre, venait de marier son fils, qui devait un jour lui succéder dans sa charge. Les marchands, qui avaient toujours reçu de la part de ce magistrat des marques de bienveillance, décidèrent que « quoique le corps des marchands en général est indépendant et ne reconnaît d’autres supérieurs que le Roi et le Parlement, » il serait fait présent au maire à cette occasion, de 48 pièces de gibier et de 42 boites de confitures sèches, qui lui seraient offertes par quatre membres de la communauté (Registre des Délibérations,, 80 oct. 1706, B. 87). Cette habitude d’adresser des présents à l’occasion des mariages était fort dans le goût du pays et s’est conservée longtemps. En 1765, le Bureau du Corps municipal décida qu’il serait envoyé un présent de quatre pièces de gibier et de six boites de confitures sèches à M. Duché, assesseur, qui venait de marier son fils, et à M Garnier, substitut, qui mariait sa fille, et cela, ajoute-t-on, selon l’usage. Bien plus, et pour compléter le tableau, il fut arrêté qu’on ferait à l’avenir pareil présent aux officiers du Bureau, soit lorsqu’ils se marieraient, soit lors du mariage d’un de leurs enfants (Archives de la ville, délibération du 10 février 1765). Les juges-consuls prirent la robe longue en 1745, à l’exemple des magistrats consulaires de Paris et de Sens. Ils assistèrent en ce costume au convoi de l’évêque de Caylus, en 1754, avec les six flambeaux de cire aux plaques armoiriées. Chaque année, le 1er septembre, avait lieu le renouvellement du tribunal par l’assemblée des marchands de la ville. La conservation de la juridiction consulaire par l’assemblée nationale, en 1790, provoqua de la part des juges d’Auxerre une adresse emphatique où l’on remarque Ces mots « La chicane, monstre odieux, dont l’haleine empoisonnée infectait le temple de Thémis, va être précipitée dans l’abîme !! » Après cela il n’y avait plus qu’à tirer l’échelle. Un décret du 24 novembre 1791 porta création du tribunal de commerce en remplacement des juges-consuls. Maure aîné, ancien consul, qui devait jouer bientôt un rôle plus important dans la politique, fut chargé de rédiger la proclamation pour la convocation des électeurs chargés d’élire cinq juges. Depuis ce temps, la législation a modifié en quelques points l’organisation du tribunal de commerce, qui s’est maintenu à la hauteur de sa mission. Les juges de 1864 ont fait graver une médaille de bronze d’un grand module et d’un beau style, en souvenir de leur passage au tribunal. Elle représente au droit l’effigie d’une femme aux cheveux noués derrière la tête, coiffée d’un bandeau, une étoile au-dessus de la tête, une balance sous le buste, et accostée de deux branches de chêne et d’olivier; légende on exergue: Aeque —Parce — Brevi. — Inter Pares. — Sur l’avers sont résumés les titres et les dates constitutifs des tribunaux consulaires depuis 1563; en haut les armoiries de la ville, et en bas, dans un cartouche de bon goût, le nom d’un des juges et les dates de ses fonctions ; et pour légende Tribunal de commerce d’Auxerre. Cette médaille n’a été gravée qu’au nombre de quinze exemplaires et est par conséquent fort rare. |
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