RUE DU LYCéE JACQUES AMYOT

La seconde rue à gauche, en entrant en ville par la rue de Paris eu pour nom : Grande rue Saint-Germain, puis rue du collège, puis rue Ferdinand Buisson (pédagogue français, l'un des fondateurs de la ligue des droits de l'homme), enfin rue du lycée Jacques Amyot. Ici les souvenirs historiques se pressent en foule et rappellent le temps des illustrations auxerroises. C’est par cette rue que passaient jadis les évêques nouveaux élus, pour se rendre à l’abbaye de Saint-Germain, le premier jour de leur arrivée à Auxerre. Le grand monastère était assis à l’extrémité orientale de cette rue, qui dépendait de son domaine.

Dès les premiers siècles de l’occupation du Mont du Brenn, devenu le château de Saint-Germain, le chemin qui devait être la grande rue de Saint-Germain et qui est aujourd’hui la rue du Lycée Jacques Amyot fut tracé. (V. place Saint-Germain, la notice sur ce monastère).

Au milieu de cette rue, à droite en descendant à l’église Saint-Germain, la fin du XVIe siècle vit naître une institution destinée à devenir célèbre, c’est le collège que le savant évêque Amyot construisit pour répondre à un besoin que messire Guillaume Delaporte, conseiller au bailliage, avait essayé de satisfaire sans y réussir. (V. rue Martineau).

L’histoire de la création du collège n’est qu’un chapitre de celle de l’instruction publique dans la ville. Au IXe siècle nous y voyons les écoles de l’évêché dirigées par les chanoines et où l’on fustigeait bien les jeunes élèves. Au XVe siècle, cette institution était à peu près tombée et il ne restait plus qu’une petite école dans le cloître. Alors furent créées les Grandes-Ecoles, ainsi appelées pour les distinguer des autres, telles que celles des Bons-Enfants et celles que l’abbaye Saint-Germain entretenait sur la paroisse Saint-Loup, et où l’on enseignait encore la grammaire, faible reste des écoles célèbres de ce monastère, au IXe siècle. D’autres écoles furent ensuite établies sur la paroisse Notre-Dame-la-d’Hors où furent depuis les Ursulines, et on y réunit ce qu’on appelait les Grandes-Ecoles.

Le Chapitre d’Auxerre, en exécution de l’édit d’Orléans (1560), avait attribué à ces dernières écoles le revenu d’une prébende appelée depuis ce temps la prébende preceptoriale. Etienne Le Bail, recteur des Grandes-Ecoles, fut le premier qui en jouit. Ses successeurs, tous docteurs en Sorbonne ou en médecine, étaient tenus de se présenter au Chapitre pour toucher les fruits de la prébende préceptoriale.

Les Grandes-Ecoles étaient gratuites comme la plupart des établissements d’enseignement au temps passé (Voyez Archives de I’Yonne, Collège, notice par M. Potel).

Sur la porte d’entrée du Collège on lit cette inscription qui annonce sa destination

Deo et patriœ

Gymnasium,

Jacobi Amyot, Autissiodorensis episcopi

munificentia conditum.

anno M. D. XCV.

Quod in regium militare erexit

optimus princeps Ludovicus XVI,

Et congregationi Sancti-Mauri credidit

anno M. DCCLXX VII.

 

Religio, litterœ, artes, amico fœdere sociantur.

 

Elle succéda à celle-ci, composée par Amyot lui-même

Christo servatori optimo

Sacrum.

Religionis veritas, morum probitas

Et bonarum artium politura,

Hic

Promercales habentur, non œre

Sed studio, pietate et labore.

Proinde turpes, impii,

Et ignava segnitie degeneres,

Ab istis foribus procul facessite !

Jacobus Amyotus, episcopus

Autissiodorensis, huic gymnasio

Quod extruendum curavit

Hanc inscriptionem apponi voluit.

 

L’édifice n’a rien de bien monumental. Élevé à deux étages, en partie en briques, il forme une espèce de carré long autour d’une grande cour. Les bâtiments principaux sont à droite en entrant et un face. Ceux de gauche, qui n’ont eu longtemps qu’un rez-de-chaussée, ont été ajoutés après coup. Le célèbre bailli Jean Regnier y a demeuré, et probablement dans une partie de ce qui fait le théâtre. Cette maison appartenait en 1526 à Philippe de Saint-Xist, seigneur de Monéteau, d’où elle fut appelée longtemps la maison de Saint-Sixte. Le capitaine Laborde, fameux calviniste, y demeurait du temps des guerres civiles; en 1568, après l’expulsion des Huguenots, sa maison fut dévastée par les Catholiques, qui se vengeaient par là de la tyrannie du capitaine.

Amyot, voyant l’état insuffisant des Grandes-Ecoles, qui étaient régies par un principal et deux maîtres, voulut y remédier par la fondation d’un collège digne de sa ville épiscopale. Il acheta, en 1584, la maison de Saint-Sixte, moyennant 2400 livres. L’acte du 14 avril 1584 la qualifie de masure; le jardin se prolongeait jusqu’à la rue Michelet; et on dit que la propriété provenait des héritiers du bailli Jean Regnier. (Archives de l’Yonne, minutes de P. Armant).

 Elle était encore en ruines, et il y fit construire le collège. C’est un maçon d’Auxerre, nommé Arthur Dormet, qui l’a bâti tel que nous le voyons. Le gros oeuvre et la menuiserie étaient achevés en 1587, et le bon évêque y consacrait tous ses soins et ses économies. On a placé ses armes au haut de l’escalier du bâtiment habité par le principal. La chapelle en a été dénaturée. Celle qui y est affectée aujourd’hui est fort éloignée des bâtiments et dépendait de l’ancien séminaire.

Amyot destinait la direction du collège aux Pères Jésuites; mais il ne put réaliser ce projet par suite des troubles qui agitèrent la France, et particulièrement la ville d’Auxerre, à la fin du XVIe siècle.

Cependant ses intentions bien connues, et qu’un projet de testament trouvé à sa mort avait encore confirmées, de donner le nouvel établissement à la ville, décidèrent les habitants à en prendre possession. Mais les héritiers d’Amyot n’y voulurent rien entendre et il fallut un long procès, et le rôle actif que joua l’évêque M. de Donadieu dans cette affaire, pour obtenir gain de cause. Un arrêt du parlement de l’an 1607, prononcé par le président de Thou, proclama enfin les droits des habitants, à charge par eux de donner 400 livres pour le mausolée de l’évêque Amyot, et de fonder quatre services dans la cathédrale pour le repos de son âme.

Les Pères Jésuites furent mis en possession du collège en 1622. Ils avaient alors un recteur et quatre régents pour la grammaire et les humanités, et des Pères pour les exercices religieux. Le cours de philosophie ne fut établi qu’en 1654, Les Pères avaient le costume ordinaire des ecclésiastiques, soutane et manteau long, mais sans rabat. Après leur installation ils complétèrent les bâtiments de leur collège par plusieurs acquisitions de maisons voisines qui furent démolies pour agrandir les jardins et les cours. La ville acheta aussi, en 1636, une maison et ses dépendances pour la construction de la chapelle, qui ne fut dédiée qu’en 1646 (Archives de l’Yonne, fonds du collège, I. X.).

A la fin du XVIIe siècle, les paroisses de l’Élection d’Auxerre tout entière, étaient encore imposées à la somme de 200 livres pour l’entretien du collège ; ce qui faisait murmurer beaucoup les habitants des campagnes qui ne profitaient guère de l’instruction donnée dans cet établissement. La ville d’Auxerre payait la moitié de cette somme. On appelait encore cette taxe l’impôt pour l’entretien des Grandes-Ecoles.

La chute de l’ordre célèbre des Jésuites, en 1762, fit passer successivement le collège sous la direction de professeurs laïques, puis, après de grandes luttes, en 1776, sous celle des Bénédictins de Saint-Germain. Mais le collège fut alors transformé en École militaire. La révolution de 93 dispersa les maîtres et les élèves. Pendant ce temps d’orage, le collège servit de magasin militaire. Il reprit son ancienne destination par le décret du 19 germinal, an XI, et succéda à l’École centrale, établie pendant sept ans dans l’ancienne abbaye Saint-Germain, après qu’on y eût fait de grandes réparations (D’où vient le nom rue de I’École centrale, donné un moment à la rue du Lycée Jacques Amyot.).

c'est aujourd’hui un des trois lycées d'Auxerre.

L’École militaire a fourni à la France quelques hommes marquants dans les sciences et les lettres, et dans l’art de la guerre. Citons seulement Fourier, le savant géomètre; de Bois-Gérard, officier-général du génie, tué dans l’expédition de Naples, en 1797; et surtout le maréchal Davout, dont la gloire a été complétée récemment par l’érection d’une statue sur l’esplanade de la ville.

Davout avait conservé au milieu des grandeurs un cher souvenir de son collège. Aussi, lorsqu’il vint, en 1840, présider le collège électoral du département, voulut-il le revoir, et surtout saluer le principal, Dom Laporte, son ancien maître. En entrant dans la cour du collège il cria tout joyeux au cocher: « Au fond de la cour, la porte à droite! » c’était où demeurait D. Laporte. Puis, apercevant le vieux concierge, chapeau bas: Tiens, dit-il, c’est encore Philippart ! La visite fut touchante entre le maître et l’élève reconnaissant, qui emmena le vénérable Bénédictin dîner à la préfecture (M. Bridault, ancien employé des hospices à Paris, présent à la scène, l’a racontée).

Au côté gauche du collège était la salle de spectacle, longue bâtisse en briques, soutenue de distance en distance par des chaînes de pierre. On reconnaissait dans cette construction les vestiges de l’ancienne chapelle du collège, qui subit cette étrange transformation après la révolution, alors que l’école secondaire était installée dans les bâtiments de l’ancienne abbaye Saint-Germain.

L’entrée de la salle de spectacle n’a rien d’un monument public. On n’a fait qu’approprier à cette destination l’édifice abandonné. En effet, c’est en partie par le concours spontané des habitants, et soutenus par le préfet, M. de La Bergerie, que la ville fut dotée de cet établissement en 1801 et la salle fut ouverte au public le 9 mai au milieu d’un grand concours de monde. On joua à cette occasion un vaudeville intitulé : l’Heureuse supercherie, dont l’auteur était M. Deville, professeur à l’École centrale, et poète à ses heures.

Les deux loges d’honneur sont décorées de quatre colonnes de marbre noir, présent du général des Jésuites, à l’époque de la fondation de la chapelle du collège, et qui sont bien étonnées de se rencontrer là.

La disposition scénique n’offre rien de saillant, et le goût du théâtre n’est pas souvent entretenu par de bonnes troupes.

Les Auxerrois ont cultivé quelquefois l’art dramatique, mais le succès n’est pas venu encourager des productions naissantes que l’esprit du pays semblait devoir assaisonner. Jadis, les élèves du collège jouaient des pièces tragiques du cru ou d’emprunt, telles que celle de Saint-Maurille d’Angers, représentée en 1635, le 4 septembre, devant l’évêque Dominique Séguier; celle de Théodondo, martyr du Japon, tragédie latine précédée d’un ballet, jouée en 1714, à l’occasion de la distribution des prix donnés par les États de Bourgogne. Le ballet fut dansé par de jeunes élèves, parmi lesquels on voit les noms des familles Auxerroises les plus marquantes, les Grasset, les Leclerc, les Boucher de la Rupelle, les Billetou.

Le théâtre moderne n’a reçu qu’un petit nombre de ces oeuvres destinées, hélas, à l’obscurité. On cite des vaudevilles, un drame échevelé, intitulé les Miquelets, composé au temps du romantisme (1833) par un M. Guiboz de Talazac; un autre drame de M. Anatole Gallot, intitulé Auxerre en 1593, où l’intention morale ne put sauver la situation critique des principaux personnages. M. Burat de Gurgy, mort malheureusement en 1849, fit représenter deux pièces intitulées la Chasse aux Femmes, comédie en un acte et en vers, et un drame en trois actes intitulé le Conseil des Dix. D’autres auteurs du cru ont abordé à plusieurs reprises le feu de la rampe, dans le XIXe siècle, mais le succès n’a pas couronné leurs efforts. Tel est le bilan littéraire de ce théâtre.

Il existe, dans la rue du lycée Jacques Amyot, un grand hôtel appartenant à Madame Deschamps, veuve de l’ancien ordonnateur des guerres de ce nom. Cet édifice fut construit en 1673, par M. Nigot de Saint-Sauveur, l’organisateur du service des diligences de ce temps. En revenant d’Ancy-le Franc, en 1675, Louis XIV y a reçu l’hospitalité. On y voyait encore en 1869, sa chambre, ornée de solives dorées, peintes et fleuronnées. Il passa, en 1723, aux visitandines. Vendu comme bien national à la Révolution, il est devenu orphelinat, après 1925, à la suite d'un leg de Madame Leclerc de Fourolle

Au n° 6 de la rue, l'école normale d'instituteurs occupa de 1872 à 1887 une belle demeure ayant appartenue autrefois aux Billetou de Bounon puis en 1758 aux visitandines.

Rue précédente

Retour au plan du quartier

Rue suivante

Retour au sommaire