RUE MICHELET |
Des maisons la bordaient çà et là au XIIIe siècle, mais en 1503 il y avait encore au milieu des habitations, des closeaux, des places à courtils et des vignes (Censier d’Auxerre, n° 5, Archives de l’Yonne). Le bailli-poète du XVe siècle, Jean Regnier, dont les oeuvres réunies en un petit volume sont si rares et si chères, y étendait ses jardins aux environs de l’église du collége (Compte de l’Hôtel-Dieu de 1440). En 1580 on y remarque des granges et des jardins aussi bien que des maisons. Celles-ci n’ont jamais plus d’un étage au-dessus du rez-de-chaussée (il y avait encore, en 1692, un cul-de-sac appelé Petite Rue du Champ, qui aboutissait dans la Grande Rue. Il a été absorbé dans les jardins du Collège). L’abbaye Saint-Germain y jouissait de la plupart des Censives surtout sur la partie nord. Lebeuf croyait que la vanne de décharge de l’étang de Saint-Vigile était placée à l’extrémité de la rue, à l’est. L’heureuse situation de la rue Michelet semble l’avoir disposée dans tous les temps pour recevoir de grands établissements religieux ou de grandes maisons bourgeoises. M.Bastonneau, maître-d’hôtel du roi, seigneur de Vincelottes, occupait la maison qui est devenue le Séminaire, en 1650. M. Joachim Fernier, conseiller au bailliage, vendit sa maison aux Filles de la Providence, en 1684. Mais c’est surtout par l’histoire de ses établissements religieux que la rue Michelet est renommée. La chapelle des Trois-Maries était à l’angle de la rue de l'étang Saint Vigile où s’élève maintenant la chapelle du collége. J’en parlerai plus au long à l’article de cette rue. Les religieuses de la Visitation, appelées de Montargis par Mlle Germaine Rousselet, veuve de M. Gaspard Berault, s’installèrent, au commencement de janvier 1658, dans la maison de cette dame, située paroisse Saint-Eusèbe. En 1660 elles achetèrent de M. de la Rivière, vicomte de Tonnerre, bailli d’Auxerre, et de sa femme Marie Bastonneau, la maison qui devait être le noyau de leur couvent. De 1660 à 1670 elles y firent de nombreux travaux qui furent exécutés par un sieur Lecestre, architecte et entrepreneur à Semur (Archives des Visitandines). C’est de ce temps que date le vaste massif de bâtiments supporté par une arcature qui forme un cloître carré et qui s’élève à une grande hauteur. C’est au XIXe siècle le Séminaire. Nous verrons plus bas comment cette transformation s’est opérée. Ces religieuses, dont la règle était très sévère, avaient un vêtement qui y répondait ; elles portaient l’habit noir très simple de matière et de coupe ; la robe en forme de sac assez large cependant ; les manches larges et longues ; leur voile était d’étamine noire sans doublure ; sur le front elles portaient un bandeau noir et au lieu de guimpe une barbette de toile blanche sans plis ; une croix d’argent leur descendait sur la poitrine. Les dépendances de leur maison étaient considérables et leur église faisait face à la rue de Paris. En 1664, il y avait déjà 14 soeurs de chœur, et le zèle croissant on en comptait 37 en 1777. Les Filles séculières de la Providence, dont la mission était l’enseignement des jeunes filles et surtout des nouvelles converties, et le soin des malades, paraissent en 1661. Elles s’établissent d’abord sur la paroisse de Saint-Regnobert, dans une maison de M. Housset, chantre de la cathédrale, qui avait appartenu aux seigneurs de Beaujeu, et qui était au bas de la rue Dampierre actuelle. Elles y étaient encore en 1682. Elles allèrent ensuite sur la paroisse de Saint-Pierre-en-Château, et enfin dans la rue Michelet. Le 27 février 1684, M. Joachim Fernier, conseiller au bailliage, vendit à la supérieure et fondatrice, dame Marie Gauthier, « une maison composée d’un grand corps de logis accompagné de deux pavillons situés paroisse Notre-Dame-la-d’Hors, rue du Champ d’Azur (C’est la seule fois que j’ai vu cette épithète accolée au nom de cette rue), dont le jardin tenoit à la rue dessous les Cordeliers ou des Grands-Jardins. » On redonnait dans cette description la massive construction en briques et pierres qui forme la partie principale de la maison des dames Ursulines. Les Filles de la Providence avaient été approuvées par lettres patentes du mois de janvier 1678. Elles ne tardèrent pas à prendre de l’extension on y comptait 51 filles en 1726 (Archives de l’Yonne, Providenciennes). Leur maison avait souvent servi d’asile ou de lieu de détention aux nouvelles converties des villes du diocèse d’Auxerre et des bords de la Loire. Le XVIIIe siècle se passa sans rien changer au but des Providentiennes, et en 1790 elles offraient encore de continuer l’éducation des filles pauvres ; mais la Révolution n’entendit pas leurs prières et les renvoya dans leurs familles. Le séminaire diocésain fut aussi établi dans la rue Michelet. Il occupait l’emplacement d’une partie du jardin du collège et la lourde construction de sa chapelle longe encore la rue de l'étang Saint Vigile. C’est un édifice de style ionique. La façade, qui donne dans la rue Michelet, était élevée, avant l’abaissement du sol de la rue, sur un massif de six marches. Deux pilastres supportent l’entablement. Les bâtiments du séminaire ont été démolis pendant la révolution. Ce fut l’évêque André Colbert qui, le 13juin 1673, acheta de M. Baudesson et des autres héritiers de M. Camus, bailli d’Auxerre, une grande maison de la rue Michelet, pour y construire de ses deniers les bâtiments et la chapelle dont nous venons de parler. Les bâtiments ont été démolis pendant la Révolution. 89 fit disparaître les grandes communautés de la rue Michelet. La maison des Visitandines qu’on appelait aussi les Sainte-Marie devint un hôpital militaire. De 1808 à 1814 les prisonniers espagnols y furent installés, et y moururent en grand nombre du typhus qui fit également beaucoup de victimes parmi les personnes charitables qui se dévouèrent à soigner ces malheureux. En 1808 ces prisonniers étaient déjà nombreux à Auxerre et dans les environs, et la ville était à peine gardée par une compagnie de vétérans. Un complot fut ourdi parmi les prisonniers détenus dans une des salles de l’hôpital. Il s’agissait de forcer la garde, puis de se répandre dans la ville et de réunir les divers corps des prisonniers dispersés aux alentours, en faire une masse et pousser une pointe sur l’Espagne. Un jeune étudiant en médecine, M. Bardout, chargé de la visite de la salle des galeux, où étaient entassés près de 500 individus, y entrait un jour comme à l’ordinaire; à peine arrivé au milieu il est interpellé vivement par un officier qui parlait français et l’avait pris en amitié pour ses bons soins. «Sauvez-vous, lui crie-t-il, vous allez être assassiné! Il y a un complot pour s’emparer de la ville». M. Bardout, quoique bien jeune encore, conserve sa présence d’esprit et regardant impérieusement les prisonniers, leur ordonne de se déshabiller tout nus, comme pour une visite de leur sale affection. Ceux-ci, surpris et incertains, se dépouillent de leurs vêtements. Pendant ce temps, M. Bardout reculant peu à peu vers la porte, y arrive enfin et se hâte de quitter la pièce qui est refermée aussitôt. L’autorité, avertie du danger auquel elle a échappé, s’empressa de prendre les mesures nécessaires pour étouffer le complot qui pouvait avoir des conséquences incalculables. M. Bardout, né à Vincelottes, docteur en médecine à Fontainebleau, chevalier de la Légion d’honneur,a raconté lui-même ce fait en 1858. Il avait alors 68 ans. Il est mort, malheureusement, assassiné quelques années après par un ancien domestique. La prison militaire fut aussi installée dans les mêmes bâtiments. Un décret impérial ayant fait abandon aux villes des édifices nationaux qu’elles occupaient, la ville d’Auxerre devint ensuite propriétaire de la vaste maison des Visitandines. En 1822, poussé par un pieux zèle, le Conseil municipal l’offrit à Mgr l’Archevêque de Sens pour y établir à perpétuité un petit séminaire. On voulut revenir sur la donation, mais elle paraît irrévocable, puisque d’ailleurs l’institution en vue de laquelle elle a été faite existait complètement. La maison des Filles de la Providence, après avoir été aliénée dans la Révolution, a été rachetée par la communauté des dames Ursulines, qui y ont fondé une institution d’enseignement considérable. On a établi depuis 1862 le
jardin botanique de la ville dans les jardins, loués auparavant à des
particuliers, qui s’étendent dans la cour du théâtre. Ce jardin est formé
des plantes croissant naturellement dans le département de l’Yonne, et la création
en est due à M. Eugène Ravin, savant pharmacien, auteur de la Flore
de l’Yonne. On remarque dans le jardin la statue en bronze du savant Joseph Fourier, l’auteur de la Préface de l’Expédition d’Egypte, de la Théorie de la chaleur, etc., secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, né à Auxerre le 21 mars 1768, mort en 1830. (V. rue Fourier). Ce monument est l’œuvre de Faillot, sculpteur, né, comme Fourier, à Auxerre. Deux bas-reliefs en bronze décorent les faces du piédestal de la statue et rappellent de grands épisodes de la vie de Fourier, l’oraison funèbre de Kléber et le dessèchement des marais de Bourgoin. La statue de Fourier, sans être une oeuvre de grande valeur, donne une idée de ce qu’aurait pu faire son auteur si les circonstances l’avaient favorisé. Le Musée d’Auxerre possède de lui un modèle en plâtre d’une statue de saint Jérôme, qui est bien meilleur que son Fourier. Cette dernière oeuvre doit son origine à feu M. Gau de Gentilly, estimable célibataire, qui passait ses loisirs à la bibliothèque de la ville et qui feuilletait surtout le grand ouvrage de l’Expédition d’Egypte. Il y trouva un si grand plaisir qu’il voulut, en mourant, laisser une marque de reconnaissance à l’un des auteurs de cette publication, en léguant 4.000 fr. pour ériger à Fourier un buste en marbre qui serait placé dans une des salles de la Bibliothèque. Ce legs, recueilli par le Conseil municipal, fut développé, et, au lieu d’un buste, on résolut d’ériger une statue au savant qui, fils d’un tailleur de la rue Notre-Dame, s’était élevé par son mérite aux plus hautes dignités. En 1848, le monument fut installé dans l’ancien jardin botanique, place Notre-Dame-la-d’Hors, où s’élève aujourd’hui le palais de justice. |
Retour au plan du quartier | ||
Retour au sommaire |