Nous
sommes ici en plein quartier vinicole. Toutes les rues qui aboutissent au sud de
la grande rue du Pont et se prolongent du côté des murs d’enceinte de la
ville, sont peuplées de vignerons et de laboureurs. L’aspect de ces demeures
n’a rien de bien harmonieux : les rues sont mal alignées, les maisons,
de hauteur inégale, n’ont souvent qu’un rez-de-chaussée. Et cependant l’aspect
du quartier a bien changé : on n’y voit plus guère que dans les petites rues
de ces maisonnettes de bois et moëllons, à porte coupée en deux parties, à
fenêtres dites à guillotine, qui le remplissaient jadis. La race laborieuse
qui habite ce quartier est devenue riche, et les a transformées en maisons
simples mais propres. L’essor qu’a donné à la culture dans le pays l’aliénation
de la propriété par les bourgeois, a produit d’excellents résultats pour l’amélioration
de la population du quartier Saint-Pé, comme l’appellent les vignerons
dans leur langage pittoresque.
Et les pauvres vignerons de
Saint-Père, dont Louis de Charmoy disait au commencement du XVIIe siècle :
Ceux
de l’église et noblesse,
Ceux de la justice et
marchans
Possèdent les vignes et
champs,
Du moins il en reste si peu
Pour nous autres, voir si
peu
Que la plupart de nous ne
sont
Que les closieirs qui les
vignes font
Pour
autres ………
(Le Monologue
du bon Vigneron, Auxerre, Vatard, 1607, in-12)
Ces closiers sont devenus propriétaires du sol qu’ils cultivaient
depuis de longs siècles. Ils savaient lui faire produire, sinon d’aussi bons
vins peut-être que lorsque les vignes étaient entre les mains des bourgeois,
car ils en ont changé le plant, du moins d’abondantes cuvées qui les mettent
bien au-dessus du besoin, malgré les taxes élevées qui pesaient sur le vin.
|